lundi 29 janvier 2018

Et tout ça, grâce à Eleanor...


Lorsque le chauffagiste est venu (tenter de) réparer ma chaudière, il a donc mis fin à mes espoirs : « Le ballon est percé, il n'y a rien à faire ». 
J'étais à ce moment-là dans ma cuisine, en train de démonter mon évier. Le type jette un œil, avise le carrelage par terre, les murs en cours de ponçage, les meubles que j'ai démonté, le plan de travail usagé qui traîne par terre. Son regard change : « C’est vous qui avez fait tout ça ?! »
« Ben…. Heu…. Oui… » (Dis-je avec du plâtre dans les cheveux et mon tournevis dans la main droite).
« Toute seule ?! »
« Ben oui ! »
Son air dédaigneux je-suis-un-artisan-et-tu-n’es-qu’une-femme-ignare-sur-laquelle-je-ne-poserai-pas-le-regard change radicalement, et il me regarde, il me regarde vraiment, et il est clairement admiratif.
Je suis toute fière, et je repense à Copine#2 qui me disait « Ma petite sœur a quasi tout fait chez elle, les artisans étaient super impressionnés et ils étaient fou d’elle – d’ailleurs il y en a un qui lui a écrit son numéro de téléphone sur un coin de carrelage ». En effet, faire soi-même ses travaux quand on est une femme, ça force l’admiration apparemment !


Et puis l’après-midi, je reçois un appel : L’entreprise me rappelle, la secrétaire me dit « On a un chantier qui tombe à l’eau, avec la tempête, nos clients sont injoignables. Je dois faire bosser mes artisans… On peut venir vous installer votre nouvelle chaudière demain ? »
Demain au lieu de mars ?! Mais CARREMENT !!!
On discute quasi 20 minutes ensemble, comme de bonnes copines, et elle me raconte que l’artisan qui est venu le matin a beaucoup insisté auprès d’elle « Si on n’a pas de chantiers, on pourrait pas aider la p’tite dame ? Le désistement là, on pourrait aller chez la p’tite dame du coup ? Tu as appelé la p’tite dame pour voir si elle est là ? » 
Je lui ai raconté que l’artisan était scotché que je fasse mes travaux seule, et elle a eu un fou rire « Ah ben en plus vous avez vu Eric…. Pfffrrrrt, ya pas plus macho qu’Eric, ça a dû lui faire tout bizarre tiens ! Pfrrrrt ! Ahah, bien fait pour lui ! »
Elle m’a un peu raconté que tous ses artisans étaient super macho, et que parfois c’est vraiment pénible pour elle d’entendre des blagues sexistes toute la journée. Elle m’a fait un peu penser à une grosse maman poule qui tient comme elle peut ses artisans macho et leur fait leur planning en tapant du poing sur la table pour se faire respecter. Idem, elle m’a dit qu’elle vivait seule, qu’elle appréciait son indépendance, et qu’elle « ne pouvait pas imaginer à quel point ça devait être pénible pour moi de ne pas avoir de chez moi ». 
Je l’ai trouvé adorable.

Tant que j’y étais, je lui ai demandé si les artisans pouvaient déplacer mes tuyaux d’eau.
- Oui, bien sûr, laissez-leur le plan de votre cuisine, et ce sera bon.
- … Mais… Faut que je calcule, non ?
- Non mais vous ne voulez pas noter les emplacements sur le mur tant que vous y êtes ?!
- … Ben c’est ce que je pensais faire oui…
- Non mais vous êtes folle ? C’est leur boulot ! Laissez les faire ! Non mais oh ! Et puis en plus vous seriez fichu de les vexer, macho comme ils sont. Faites un peu la fille, gardez votre voix toute douce comme là au téléphone, et laissez-les se démmerder ! Ils sont payés pour ça ! Ah Mais !

J’avoue, j’ai ricané.

Le lendemain, un nouvel artisan est venu. « Je vais poser la chaudière. Je pense que je n’arriverai pas à finir aujourd’hui, je pourrais venir finir la semaine prochaine… Ça ira ? »
« Ça sera toujours mille fois mieux que mars ! Aucun problème ! »
Finalement, le mec a travaillé toute la journée, et est venu se faire aider par un second artisan pour finir dans la journée, soudure des nouveaux tuyaux incluse. J’étais émerveillée.

C’est beau, non ?

… Un peu trop beau.

Je retourne travailler dans ma maison le surlendemain. Ma voisine d’à côté de m’interpeller : « Il y a un bruit terrible chez vous, qu’est-ce qui se passe ? C’est jour et nuit, et c’est vraiment très fort… »
Je tends l’oreille : « Ce bruit-là ?.... » Je pâlis : « Ce n’est pas votre machine à laver qui est en essorage ?! »
Non, ce n’était pas sa machine à laver.
Alors j’ai coupé la chaudière, en attendant que l’entreprise puisse revenir pour réparer.
J’étais un peu blasée.


Alors au début de la semaine suivante, mardi, j’ai été déposer les clefs de chez moi à l’Entreprise. Ce qui m’a permis de rencontrer la Secrétaire ; j’avoue, j’étais curieuse d’associer un visage à cette voix –et à cette personnalité irrésistible. Je lui ai trouvé un physique aussi décidé et joviale que sa voix, des yeux pétillants, bref, aussi charmante que je l’imaginais. Elle m’a offert un café, et on a papoté 20 min, comme des copines, comme à chaque fois qu’on se parle au téléphone. Je trouve ça très drôle.

Lorsque je suis repassée chez moi le soir (pour continuer à poncer mes murs, et pleurer l'ampoule dans ma main), j'ai retrouvée la clef dans ma boîte aux lettres. J'ai supposé que les artisans étaient passés, mais j'étais tout de même étonnée de n'avoir pas eu de nouvelles. Je n'y regarde pas de trop près, et je retourne poncer mes murs, férocement, avec la ponceuse preté par un collègue.
Et brrrrrroum brrrroum....
Ca faisait plusieurs heures que je m'acharnais sur ce foutu mur à la peinture en relief d'un gout douteux, j'étais blanche de poussière, mais déterminée comme Gengis Khan.
Quand soudain, je vois que l'intérieur de ma ponceuse est lumineux.
Et elle s'arrête.
Oh non.
J'ai grillé la ponceuse de mon collègue !
Evidemment, je n'ai pas du tout fini (il me reste un demi pan de mur dans la cuisine, et la pièce adjacente). 
Et plus personne ne veut me prêter des trucs parce que j'ai trop la poisse.

Jeudi, je reçois enfin un appel du chauffagiste. La secrétaire m'explique que le bruit, c'est parce que la moitié de mes radiateurs sont montés à l'envers. 
Qu'il faut les démonter, que ça prendra plusieurs heures, c'est un gros truc. « On va vous faire un devis ».
Et en attendant, pour éviter le bruit, il ne faut pas allumer ces radiateurs.
Ah.
Super.
Merci beaucoup.

J'en reviens donc plus ou moins à la case départ, c'est ça ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire