jeudi 1 décembre 2022

Maxence le jardinier

Spoiler alert : Maxence ne s'appelle absolument pas Maxence, et n'est pas du tout jardinier.

Mais si je devais être honnête, je devrais dire "Je-ne-sais-pas-son-nom-et-il-est-élagueur", ce qui ne ferait pas un très bon titre d'article.

Ça fait 3 ans que chaque printemps, je me fais livrer des sacs de paillis pour mon jardin, car après m'être improvisée paysagiste et avoir creusé des formes chelous dans mon jardin (et encore, c'est pas fini), je me lance dans la permaculture. 

J'ai trouvé Maxence sur Leboncoin : entre autres activités, il vend ses services d'élagueur, récupères les déchets verts, les transforme en paillis, puis vends ce paillis aux particuliers. Tout benef' pour lui ! Et à 5€ le sac de 30L, c'est benef' pour moi aussi 
Ça fait donc 3 ans qu'il me livre chaque année un nombre croissant de sacs (puisqu'au fur et à mesure, j'étends le jardin). 
C'est un homme sympathique : touche à tout, débrouillard, qui connait plein de monde. Lorsqu'il me livre le paillis, il me vends également de la paille qu'il récupère auprès de son cousin (frangin ? Voisin ? Je ne sais plus). 2€ la botte, tout est livré en même temps, et au final avec 50€ j'arrose 3x moins souvent et je n'ai quasi aucun désherbage à faire. 
Et en plus, je me sens écolo-panda-malin.

Cette année je lui avais donné mes jours de disponibilité pour la livraison, et, comme souvent quand je ne travaille pas, j'avais oublié mon portable dans une pièce de la maison, et je faisais autre chose. En l'occurrence, ce jour-là c'était grand ménage de printemps après les travaux de l'hiver qui avaient duré presque 5 mois. J'avais récuré du sol au plafond, et je commençais à en voir le bout, lorsque la sonnette à ding-dongué.

J'ouvre, et tombe sur Maxence qui, hilare devant mon air effarée, me dit "je savais bien que vous n'avez pas eu mon message, envoyé il y a 2h !". 
En effet ! Il disait pouvoir passer dans 2h, parce qu'il allait voir un client dans le coin. Prise au dépourvu, je saute dans mes baskets, et sors l'aider. Il jette un oeil à mon intérieur étincelant, et ajoute "c'est bien, c'est tout propre, c'est tout à fait le moment de remettre de la paille partout !". Car oui, pour aller dans la cave et le jardin, il faut passer par l'entrée, et donc généralement, je mets de la paille partout, et je mets des mois à tout récupérer.

 On descend donc les 10 sacs de paillis ultra lourds, et les 5 bottes de paille, le tout sous un soleil de plomb, et lorsqu'on a fini, et qu'on est trempés de transpiration, je l'invite à boire un truc frais pendant que je lui fais un chèque. 

On discute toujours un peu : comme je le disais, c'est un homme agréable, avec beaucoup de gouaille. Depuis peu, il s'est également lancé dans l'associatif et le syndicalisme, et va titiller les politiques. Je l'observe me raconter qu'il est allé frontalement exposer ses revendications au député du coin, et que, paradoxalement, ça lui a attiré sa sympathie : celui-ci le tutoie désormais, et vient prendre le café chez lui. Je m'interroge sur ces gens naturellement sympathique, qui, quoi qu'ils fassent, arriveront à débloquer n'importe quelle situation parce qu'ils sont juste cool
Je cherche à comprendre d'où ça vient, comment une telle personnalité fonctionne. J'en connais beaucoup, des gens comme ça qui peuvent tout se permettre, parce qu'il y a un truc dans leur attitude, ou leur personnalité, ou leur façon de parler, qui va simplement faire tout passer. Des espèces de personnalité lubrifiantes, en quelque sorte (oui, j'adore cette métaphore)
Je l'observe me raconter, hilare, qu'il a débarqué à une réunion officielle sans être invité, et qu'au final ça a même fini par être bien vu. J'observe son naturel, sa façon très détendue de se tenir. Son visage avenant, et son air de petit con insolent, qui le rend terriblement sympathique. C'est ça, la recette ? C'est comme ça qu'on peut tutoyer les élites et obtenir ce qu'on veut ? Où il y a encore d'autres choses que je ne vois pas ? Peut-être aussi un authentique culot, sans arrière-pensées, une spontanéité désarmante.
Pour l'heure, j'allongerai très volontiers ce corps musclé sur ma table de cuisine et le prendrai en bouche jusqu'à transformer ce sourire irrésistiblement insolent en hurlement de plaisir.
Wow.
WOW.
Qu'est-ce qu'il vient de se passer, là ?! D'où mon cerveau il part comme ça ???
Je me reconcentre sur la conversation, non sans rougir un peu. 
Non mais what ?! D'où ça sort ?! Il vient tous les ans, y'a rien de.... Enfin non mais n'importe quoi !

Je le paie, on discute une vingtaine de minutes dans ma cuisine, et puis il repart. On se dit à l'année prochaine.

Il m'écrit pour me remercier, et me dire quand il déposera le chèque.
Je le remercie, et répond à je ne sais quelle blagoune qu'il fait. 
Au final, avant que je m'en aperçoive, on s'écrit tous les 3-4 jours. 
Une partie de moi se dit « Mais dis donc jeune fille [je m'auto-appelle jeune fille si je veux, d'abord], il ne serait pas un peu en train de te dragouiller par hasard ?! ». 
Et puis je me dis que non, impossible, déjà ça serait bizarre, au bout de 3 ans, et puis franchement, d'où ça sortirai ? Je l'ai accueilli en vieux legging dégueu, tenue de ménage, degrés zéro de la séduction. 

Et puis je reçois ce message :

Ah ben non, ok, là c'est très clair : il veut niquer.

C'est quand même très appréciable quelqu'un de totalement franc sur ces intentions (si le Joueur d'Echecs... ou.... Non, en fait la quasi totalité des hommes que j'ai rencontré avaient été aussi sincères, j'aurai sûrement beaucoup moins pleuré dans ma vie)

Néanmoins, je ne suis pas une oie blanche, et le message ne me choque pas. Au contraire, j'admire le culot et la franchise. Ça passe ou ça casse, et le mec ose tenter. Y'a rien de choquant, en fait. Soit je dis stop, bien essayé mais ça ne m'intéresse pas. Soit je dis banco. Simple, sans faux semblant.
Je reste soufflée par l'audace du mec, mais très admirative.

Nous poursuivons donc la conversation. Je ne dis ni oui ni non, je poursuis la conversation. Déjà, parce que cette conversation est particulièrement distrayante. Ensuite, parce que je me demande combien de temps il va tenir, avant de vraiment proposer une date. 
Enfin, et surtout parce que cet échange qui ne dis pas son nom mais ne cache aucun faux semblant m'excite TERRIBLEMENT. Qu'on soit clair : déjà avant les premiers messages, mon cerveau m'avait clairement dit que j'avais envie de ce gars (et j'ai passé quelques heures de plaisirs solitaires sur le sujet, et ça impliquait pas mal de pièces de ma maison). 
Depuis les messages... Bon ben j'ai encore plus de grain à moudre, si j'ose dire. Et j'aime ce moment avant l'abîme, ce temps d'attente jusqu'à ce que l'un ou l'autre craque, cet attente qui fait tirailler le bas ventre, et ne rend le moment à venir que plus excitant encore. J'ai déjà vécu des attentes insoutenables de ce genre - lorsque les corps se rencontrent enfin, une main qui m'effleure suffit presque à me provoquer un orgasme.

Je me dis également confusément qu'il faudra à l'occasion que je me débrouille pour connaitre son nom, puisque je ne le connais que sous le sobriquet "paillage et bois", dixit l'annonce sur leboncoin.

Sauf que Maxence vrille : voilà qu'à un moment, j'ignore pourquoi, mais il change de ton, passant du mec sûre de lui qui me vend du rêve (ou tout du moins du sexe, ce qui est nettement moins risqué au niveau des attentes), à un chouineur qui m'apprend qu'il est en couple. Mais attention hein, c'est pas un salaud, son couple bat de l'aile, d'ailleurs ils s'étaient séparés avant le covid, et puis « Avec ce qui s'est passé, le confinement et tout, elle est revenue s'installer, vous voyez bien » (non, je ne vois pas). 
Là il me sort même « Mais je sais que je peux vous en parler, et que vous comprendrez exactement ce que je ressens, on est vraiment sur la même longueur d'ondes ! »
Alors.... Heu.... Absolument pas ?
Je ne sais pas à quel moment, dans nos messages de flirt, il s'est dit « Mais oui, nos conversations sont d'une profondeur inouie, cette femme lit dans mes pensées ! Je vais en faire ma psy ! Et lui parler de mon couple ! Et aussi, à un moment, on va baiser ! ».

J'ai complètement et irrémédiablement débandée.

Ce mec, c'est moi (et cette fille, c'est la réalité - et mon cynisme)

Oh non, pas encore un connard qui veut mettre son couple sur la sellette en prenant une maîtresse ! Pas encore un abruti qui, finalement, se dira qu'il a peur du changement, et qu'il va garder sa meuf parce que c'est confortable ! Pas encore un chouineur qui veut se faire plaindre parce que la vie est dur quand on a trop de gonzesses dans sa vie !
C'est donc à ça que servent les meufs de 35 ans célibataire ? A être dispo pour les ouin-ouin, leur donner l'impression qu'ils pourraient refaire leur vie s'ils se lançaient, et rassurer leur virilité ?
Merci, mais non merci : plus jamais ça.

Manque de chance, on avait déjà prévu qu'il passerait me livrer du paillage. J'ai envisagé annuler la livraison, mais ça m'emmerdait, j'en avais vraiment besoin, avec ces grosses chaleurs. Et puis ça pouvait être l'occasion de repartir sur des bases plus... moins.... Enfin, retrouver une forme de neutralité.
Lorsqu'il est passé, clairement il n'y avait plus aucune étincelle : mais où était passé l'excitation de la dernière fois, l'attirance, et les semaines à fantasmer (et à me masturber) ?
On a un peu discuté, et j'ai eu l'impression que c'était réciproque : discussion plate, sans saveur (où était passé le joyeux luron de la dernière fois ?!), et il s'est enfuit très vite, à ma très grande satisfaction. 

"Problème réglé", me suis-je dit.

Sauf que le soir, je recevais un message me disant qu'il avait été ravi de me revoir, qu'il était très intimidé, et qu'il souhaitait qu'on se revoit.
Ah, mon impression était donc très fausse... 

J'ai donc dû décliner pour de vrai, et mettre fin à cet épisode qui semblait prometteur, et qui n'était finalement que (très) décevant - l'histoire récurrente de ma vie sentimentale et sexuelle.

Mon crush sur Maxence définitivement douché, je me suis acheté de nouveaux jouets (4) sur Adam&Eve, et j'ai eu la satisfaction d'orgasmes volcaniques sans embrouilles, sans complications et sans dramas.

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