Schrödinger a provoqué une véritable bataille en moi : une guerre nucléaire entre deux adversaires qui s'opposaient. Problème : les deux, c'était moi.
Alors c'était un peu compliqué.
Mais il s'agissait sûrement de l'aboutissement logique à rencontrer un mec qui s'appelle Schrödinger.
Rappel des épisodes précédents :
J'ai rencontré Schrödinger à la salle de sport. J'étais, habillée d'un sarouel rouge et d'un pull de noël avec une caisse de légumes dans les bras. Nous avons parlé de soupes, et de notre passion commune à ce qu'elles soient bien épaisses, surtout en hiver. (Véridique)
Mais, comme habilement précisé plus haut, j'étais vêtu comme un sapin de noël. Je me suis donc dit qu'il ne pouvait pas être intéressé par moi.
Le fait est que je me trompais.
Sauf que je ne me sentais pas prête : ni à reproduire l'habituel chemin de croix avant de m'ouvrir à un autre, ni à prendre le risque de me tromper.
Et puis il y a eu la pièce de théâtre que j'ai été voir, et qui m'a bouleversé, et qui m'a fait me demander si la seule chose qu'il ne me restait pas à faire, c'était juste : vivre.
Et si c'était juste à moi, de choisir de m'ouvrir au monde ? Juste comme ça, en le décidant ?
Je retrouve en lui celle que j'ai pu être, il y a longtemps : Tactile, enflammée, passionnée, idéaliste, utopiste, prête à bouffer le monde.
Parfois, je me dis que, non, vraiment, il est trop enthousiaste pour tout, c'est ridicule !
Et puis je me souviens que, quand je vais voir un opéra, j'en ressors en voulant devenir costumière/créatrice de décors/chanteuse lyrique.
Que quand je m'intéresse à quelque chose, j'y passe des heures.
Que je n'ai aucunes nuances, et que presque chaque jour, je vis ma meilleure vie - ou la pire.
Bref, un modèle de flegme et de stoïcisme.
Nous nous retrouvons sur des sujets parfois surprenants : outre notre premier contact à parler de notre passion pour les soupes très épaisses, il m'a appris que son père est partie à sa naissance. "Ah, tiens, toi aussi ?!"
Contrairement à moi, qui ai eu besoin d'aller comprendre d'où je venais (pour un résultat très mitigé), il n'a jamais souhaité rencontrer son père : "Pourquoi le ferais-je ? Il ne s'est pas intéressé à moi, il a laissé ma mère se débrouiller, j'ai rien à faire avec ce mec"
C'est vrai, après tout. C'est très pragmatique - trop pour mon esprit rêveur et mes espoirs, mais peut-être plus équilibré que moi sur certains sujets.
Il a un côté très spontané, très candide. Il dit les choses comme il les pense, et il n'a clairement pas tous les codes sociaux - mais ce n'est pas grave : les codes sociaux, ça m'emmerde. Il a une sensibilité désarmante, et une intelligence extrêmement vive. Il est observateur, empathique, bienveillant.
C'est passionnant à observer.
A son contact, je me sens redevenir plus spontanée également. J'ai l'impression d'avoir perdu 10 ans, et d'avoir son âge. De toute manière, quelle différence ça fait ? On a vraiment tout ces points communs, cette même façon de penser. Mes amies ont entre 25 et 30 ans, et ça ne m'empêche pas de les aimer, et de passer d'excellents moments avec elles, sans me soucier d'une éventuelle différence d'âge. Finalement, est ce que c'est ce qui est écrit sur ma carte d'identité qui doit me définir ?
C'est également quelqu'un de très ouvert, avec qui je peux parler de tout.
Alors je lui explique. Mes expériences passées, mes peurs, mes réticences.
"Et si on commençait par sortir comme des amis, et voir si on veut ouvrir un peu plus la porte ?", dit-il.
Un poids immense se retire de mes épaules.
Jusqu'à présent, à chacun de nos rendez-vous, j'étais pliée en deux par des crampes d'estomacs. Mais de savoir qu'il me laisse l'espace pour prendre le temps d'être en confiance, je n'ai soudain plus aucun problèmes de digestions.
On continue à s'écrire - des dizaines de messages par jour. On se voit - des rendez-vous, et puis on se croise à la salle.
Notre attirance est palpable. Les deux Mademoiselle B. continuent de se battre, mais clairement, la rageuse prend le dessus.
"On attendra le temps qu'il faudra, chaton"
(oui, il m'appelle chaton) (moi aussi, je l'appelle par un petit surnom mièvre) (et j'adore ça)
En deux mois, j'ai perdu les dix kilos récalcitrants d'après Isaac. Je n'ai rien changé à mon alimentation (c'est même pire : chaque mardi, nous faisons "mardi-gras" au boulot et allons manger un burger ou une pizza, juste pour le plaisir de mal manger).
J'ai juste, sûrement, changé de regard sur moi - et sur le monde.
Effet Schrödinger toujours : Nous avons, et n'avons pas de relation amoureuse : on se regarde comme des merlan frits, mais le geste le plus torride qu'on ai eu l'un envers l'autre est de s'être pressé la main quelques secondes avec un regard entendu. On s'envoi des messages romantiques et mignons - alors que rien ne s'est passé. Est-ce qu'on peut se considérer comme ensemble ? Peut-être que oui. Et pourtant pas vraiment.
J'ai l'impression d'avoir 14 ans, et d'être contente de savoir que je "sors" avec un garçon. Prochaine étape c'est quoi ? Le premier baiser, ou on se tient la main ?
Est-ce qu'on fait ça à nos âges ?
Est-ce que ce n'est pas un peu ridicule ?
Est-ce qu'en fait il ne faudrait juste pas que je fasse fermer leurs gueules à mes petites voix et leurs questions qui ne servent à rien ?
Je m'en fous, je suis actuellement très heureuse.
Et surtout, le miracle a lieu : petit à petit, je me sens de plus en plus en confiance, et je laisse de plus en plus mes craintes de côté. Je laisse monter petit à petit cette envie de vivre quelque chose avec lui. Vivre quoi ? Une histoire. Qu'importe laquelle. Pas de pression. Pas d'attentes. Juste l'envie de se voir, et de prendre notre temps. Lui, pour sa première fois. Moi... Peut-être pour ma première fois depuis longtemps aussi.
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