Cette folle envie de lui écrire revient, mais de façon
plus insidieuse.
Et si je lui écrivais, juste pour prendre des nouvelles ?
Si j'écrivais, juste pour lui dire « Hé, j'ai vu une
affiche avec ton nom de famille, c'est ton père qui est électricien ? »
Est-ce que c'est vraiment dramatique, si je lui demande
ce qu'il y a de neuf dans sa vie ?
Il y a tellement de prétextes anodins pour juste lui
parler, ça fait si longtemps...
J'ai profité de l'absence de personnel à la salle de
sport pour regarder sa carte d'abonnement. Je pensais qu'il quitterait la salle
- il en parlait plus ou moins, parce que c'est cher, parce qu'il a du mal à se
motiver. Et puis son allergie à l'engagement faisait qu'il payait au mois, ou à
la séance - et donc ça lui coûtait plus cher. Je me suis dit que, peut-être,
ses séances finissaient bientôt. Ça m'aurait rassuré.
En regardant sa carte, je ne comprends pas ce que je lis.
Je vois "Abonnement d'un an, jusqu'au 2 février 2018". Je ne
m'attendais pas à ça : il vient de s'inscrire. A l'année.
Ça y est, il guérit de sa peur de l'engagement ?
Je file en cours, perturbée.
La dernière fois que je l'ai vu, le lundi qui a suivi ce
jeudi désastreux où j'ai paniqué, je l'ai regardé pendant le cours. Il était en
pleine forme. Il me semble qu’il a même pris en muscles – ou bien mes souvenirs
de ses bras ne sont plus assez précis. Il était magnifique. Mais j'y arrivais.
Je le regardais, et je me disais que j'arrivais à gérer mes sentiments.
Je me suis dit qu'il a trouvé quelqu'un. Que ça explique
sa forme olympique, son air gêné, son silence.
Mais qu’en sais-je ?
Le week-end dernier, énième conversation avec Hector. Il
a beau dire qu’il accepte la situation, notre "relation" et le fait
que je ne veux pas m’investir avec lui, il remet la question sur le tapis,
encore et encore. Il m'a demandé, naïvement : « Mais pourquoi tu n'es pas
prête à essayer - juste essayer -
avec moi, alors que tu étais prête à t'engager sans réfléchir avec le
mec-de-la-salle ? ».
Et là j'ai eu un flash, une conversation que j'avais eu
avec une copine et que j’avais complètement oublié jusque-là, où je disais :
« Il me fait beaucoup d'effet, mais honnêtement, on n'a pas les mêmes
passe-temps, on ne vit pas de la même façon, je serai emmerdée s'il voulait
plus avec moi. J'ai envie qu'il ait envie pour flatter mon ego, mais sinon, je
crois qu'on irait droit dans le mur ».
Je me demande à quel moment je me suis dit que je le
voulais plus que tout. A quel moment mon esprit a effectué une révolution
complète, pour se dire « rien à foutre, je suis amoureuse » ?! A quel
moment l'odeur de sa peau est devenue le truc le plus puissant de ma vie ?
Je me dis que ce silence vaut mieux.
Je me dis que j'en suis à presque 2 mois de
"désintox", que notre dernière nuit était le 13 décembre, que ce
serait bête de me faire replonger. Je sais déjà que, s'il veut me voir, je
dirai oui, ça sera plus fort que moi. Mais si c'est moi qui écris, ce n'est pas
que je ne résisterai pas : je
me mettrais dedans toute seule. Et pour quoi ?
Je repense à ce que me disais un de mes amis de ma
GayTeam : "Il y a des mecs, ils ont besoin de ça : c'est pas que du sexe,
il y a aussi de la tendresse, et tu te mets à espérer. Mais en fait non, ça
fait partie du truc, et ça ne veut rien dire pour eux. Faut que tu sois lucide
: tu prends ce qu'il te donne, et tu zappes. Tu prends, tu zappes. Par pitié,
ne tombe pas amoureuse ! Un jour tu tomberas sur un mec amoureux. Tu verras
directement la différence *il désigne son mec* Le mec pense à toi, t'écrit tout
le temps, te fait des petits cadeaux, il est plein d'attentions. Et là tu
comprends à quel point tu as perdu ton temps avec des connards".
Lorsque la tentation d'écrire un message au
mec-de-la-salle est trop forte, je repense à ça. Je vois comme Hector est avec
moi, ses messages, ses attentions. Il m'a affirmé qu'il n'avait pas de
sentiments pour moi, mais il me regarde parfois, et il dit : « J'ai
envie de dire un truc, mais je vais pas le faire parce que tu vas encore me
dire que je vais trop vite et que je te fais flipper ».
Et puis il me dit « Je te trouve jolie ».
Ou encore « Tu me fais rire, à râler tout le temps,
à propos de tout et n'importe quoi, je trouve ça trop mignon ».
Ça me brise le cœur, parce que j'ai peur qu'il se blesse,
malgré mes avertissements, malgré le fait que je lui ai clairement dit que je
n'étais pas amoureuse... et que je n'étais pas en train de tomber amoureuse. Et
je fais la candide, je fais semblant de ne pas comprendre, mais je me dis qu'il
faut vraiment être amoureux, pour trouver que mon caractère de cochon est
"mignon".
Est-ce que j'ai envie de retourner vers
le-mec-de-la-salle, pour une relation sexuelle certes orgasmique, mais ensuite
de la douleur, du manque, du silence, et des espoirs déçus ? Des lendemains à repartir
chez moi ou au boulot sans sourire, sans me sentir mieux ? Chaque fois que j'ai
eu l'impression que notre "relation" évoluait, quand je compare avec
Hector, je m'aperçois qu'on ne joue pas sur le même tableau. Non, il a juste
été élégant ; pas amoureux, pas en train de tomber amoureux non plus. Juste
respectueux. Un mec bien. Mais pas pour moi.
Alors, faut-il céder à la tentation de lui réécrire ?
Non, je ne pense pas.
Et je continue de tenir bon, jour après jour, en
attendant le jour où ça sera plus facile, le jour où je serais passé à autre
chose. Ce jour arrivera forcément ! Ca vaudra mieux que de vivre un moment
fugace, qui sera moins épanouissant que les moments que je passe avec Hector –
même si je ne suis pas amoureuse de lui, même si lui non plus n’est pas « le
bon ». J’opte pour vivre moins intensément, pour le manque diffus (mais
supportable) de son corps, pour le deuil de ce qu’on n’aura jamais été. Et j’attends.
A chaque jour suffit sa peine, dit-on.
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