samedi 21 juillet 2018

Je suis partie au Brésil retrouver un homme que je connaissais à peine (3/7) : Chapada Dos Veadeiros


Départ pour Chapada Dos Veadeiros. 
Au réveil, pas vraiment de calins, pas vraiment de tendresse. 
Je me sens désemparée. 
On fait notre sacs, on enfile shorts et chaussures de randonnée et il se coiffe d'un chapeau d'aventurier qui me donne envie de hurler de rire – puis qui fait monter en moi une énorme bouffée d'affection.    

Et on part ; 3h de route nous attendent. 

Il a clairement la tête ailleurs. 


Son père l'appelle sur la route, lui demandant d'imprimer, de signer et de renvoyer un papier au plus vite. Sauf qu'on est au milieu de nulle part, en route pour un parc naturel sauvage, et je peux sentir que Miguel est excédé. 

Vers 13h, on arrive dans une sorte de petite ville délabrée, au nombre très élevé de bars. « Ça doit être la ville où il y a le plus d'ivrognes au monde », commente Miguel. 
On cherche un cybercafé pendant 45min.  
Miguel en a clairement marre. 
Lorsqu'enfin on en trouve un, il se connecte à sa boite mail… Et rien. 
Il rappelle son père. 
Qui lui dit qu'en fait, il ne l'a pas encore envoyé, et que finalement ce n'est pas si urgent. 
Miguel se contient, mais je peux voir qu'il est très énervé. Soit dit en passant, je comprends tout à fait.
Il décide de manger dans cette ville, sans trop me consulter. 
Je suis dans mes petits souliers. 

On mange dans un restaurant où le buffet est à volonté et chaque fois que l'on se sert, on fait peser nos assiettes - à la sortie, on paie ce qu'on a consommé, au gramme près. 
Le repas se passe en silence, et je suis de plus en plus mal à l'aise. Pourtant lorsqu'il me parle, c'est toujours avec douceur et gentillesse. 

Lorsqu'il prend un café, à la fin du repas, il grimace. « C'est une honte de servir ça - et de le facturer. Ils me manquent de respect. Je devrais aller leur rendre, et leur dire que je pense qu'ils doivent me haïr, pour me donner un truc pareil à boire ». 
Je ris de bon cœur. 

On paie. 
Un peu abruptement, il me dit « Tu paies ta part ? ». 
Inexplicablement, j'en suis blessée - pourtant, j'ai tendance à penser qu'un homme n'a pas à subvenir aux besoins d'une femme. Alors pourquoi cette soudaine tristesse ? Cette soudaine envie de jouer la princesse ? 
Peut-être parce que je voudrais qu'on agisse comme un couple. 
Ou bien parce qu'il m'avait dit qu'une fois sur place, je n'aurais plus à me soucier de rien, et surtout pas d'argent.

J'aurais dû proposer spontanément de payer ma part, et ne rien attendre. 

On reprend la route. 


Je ne peux pas m'empêcher de le toucher - sa jambe, sa main, son bras…  
Il presse parfois ma main, puis la relâche. 
Pas comme il y a quelques jours. 
Ce n'est plus pareil. 
Ca me rend triste - et je panique « Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que je vais faire ? C'est déjà fini ?! » 

On arrive à Chapada Dos Veadeiros en début d'après-midi. 
Il a craqué sur un campement, où l'on dort dans une tente, elle-même dans une tente. Il veut absolument y aller - son excitation me fait plaisir, et j'acquiesce de bon cœur.  
Mais on a beau chercher, impossible de trouver l'enseigne. 

On fait le tour de la ville de São Jorge, sans trouver. 
Il n'y a pas de wifi ni de gps pour nous aider. On est comme deux geek en manque, à chercher le signal "4G" en tendant nos téléphones à bout de bras.

Un peu au hasard, on se lance dans la jungle environnante, suivant des panneaux annonçant des campements. 

Le premier est au milieu de nulle part. Un grand espace tranquille et des poules, des chats, des chiens qui se baladent librement. L'ambiance est paisible. 
L'homme qui vient nous accueillir est gentil. Miguel et lui discutent. J'essaie quelques minutes de comprendre ce qu'ils se disent – et puis je me désintéresse de la conversation, et joue avec un tout petit chiot qui me suit à la trace. 
On mange des oranges tous les trois.  
L'homme propose de lui montrer ses logements – quant à moi, je demande poliment les toilettes. Par fierté, je demande par moi-même ; j'ignore si ma phrase est juste, mais on y retrouve "Onde" (Où) et "Banheiros" (les toilettes), et ça suffit à me faire comprendre. 
Lorsque je sors, Miguel serre la main du gars, et s'apprête à repartir. « Il n'y a que des tentes ici, ça ne va pas ». 

Sur la route du second, Miguel s'arrête. « I need to pee » 
Il se met au milieu du chemin, et commence à pisser sur l'aile de la voiture.  
J'ai remarqué qu'il était très détendu du pissou - ça me va. 
Mais je me demande bien pourquoi il se met au milieu de la route. 
D'ailleurs une voiture arrive, et je le vois, déconfit, qui marche en crabe vers l'autre côté de la voiture. 
Je suis prise d'un fou rire incontrôlable en le regardant faire. 
« Stop looking my dick », dit-il. 
Je ris encore, et lui demande pourquoi il n'a pas été se dissimuler derrière les arbres. 
Il s'enflamme, en me disant qu'il y a plein d'insectes dès qu'on pénètre dans la jungle. 
Je ne réalise pas encore à quel point il en a peur. 

Le second campement est idyllique : de grands espaces verdoyants, des toits en feuilles de palmiers, des chemins de randonnées qui partent du campement et une tranquillité absolue. 
Je suis conquise. 
Miguel discute avec la gérante. De nouveau, on se pose quelques minutes ici. On boit une bière, ils discutent, et je ne comprends pas ce qu'ils se disent – je saisis seulement quelques mots. 
Notamment quand il me présente en disant que je viens de France et que je ne parle pas Portugais. Je hoche la tête et je souris. 
Et puis on s'en va.  
Miguel ne m'explique rien, je dois lui demander. Alors il me dit qu'elle n'a que des grandes maisons, avec 3 chambres. Ce n'est pas du tout ce qu'on cherche. 

On reprend la voiture et on suit le chemin de terre tout en bosses, qui nous secoue dans tous les sens. Une épaisse poussière nous entoure bientôt. 

Et on arrive au troisième campement. 
A première vue, cet endroit me plait beaucoup moins.  
On visite le bungalow disponible : une sorte de chalet avec un lit et une petite salle de bain. Miguel discute avec le propriétaire. De nouveau, je n'y comprends rien. Alors je fais quelques pas, je regarde autour de moi. Quand mon regard croise celui d'un autre, je souris - comme une parfaite petite imbécile. 
C'est ainsi que je me sens. 
Et puis Miguel paie le propriétaire, et on s'installe. 




Il y a des chemins de randonnées qui partent d'ici. 
Alors on va se promener, tant qu'il fait jour – on a 1h30 devant nous. 


J'enfile les chaussures de randonnées qu'il m'a prêté, et nous marchons 5min jusqu'à une rivière. 
L'eau est limpide. 
On escalade les rochers, d'abord pour voir de plus près une sculpture, puis finalement pour voir jusqu'où on peut aller comme ça. 
Les rochers ont tellement de reliefs que l'escalade est aisée.  
J'aime que toute mon attention soit monopolisé sur ma progression. 
Je réalise que Miguel a une peur bleue des araignées. Je l'entends hurler à intervalles réguliers. Je tache de le rassurer de mon mieux, et lui demande s'il préfère rentrer. Je le trouve touchant. Et j'apprécie de pouvoir au moins maîtriser une partie de la situation, moi qui me sens ballottée, perdue, entre sa distance et cette langue que je ne comprends pas. 

Mon tibia est en sang. Je me dis que j'ai dû m'égratigner. Miguel dit « Mosquitos ». Je ne comprend pas.

On arrive jusqu'à une sorte de crique. On est éloigné de tout. J'apprécie. 
Il propose que nous nous baignons nus. 
J'étouffe une exclamation. Quoi, nus ?! Et puis l'eau doit être si froide ! [Je suis une grande coincée face à l'eau de moins de 38°C] 
Je le regarde se mettre nu, et plonger.  
Avec un soupir, j'enlève mes vêtements.  
Et puis il me dit de nouveau « Don't look at me, I'm naked » 
Ca me blesse.  
Et j'aime tellement le regarder.  
Je lui répond « You know I already see you naked, right ? » 
Et une partie de moi panique ; c'est seulement le milieu du séjour, on ne peut pas glisser vers une relation platonique. Que s'est-il passé ?! 
Je me mets nue, presque par défi.  
Et je me jette à l'eau. 
« My god it's so coooooold ! ». 
Je me jette dans ses bras en tremblant, et j'accroche mes jambes autour de sa taille. « So cold ! ». Je ne parviens plus à raisonner. Et de toute façon, je nage tellement mal que j'ai besoin de m'accrocher à lui. 
On commence à s'embrasser. 
Et puis rapidement, je sens son excitation monter. 
On fait l'amour, dans l'eau, en pleine nature. 
J'adore ça. 
Des petits poissons nagent autour de nous. 
Certains viennent nous mordre doucement la peau. 
Ma peau est couverte de chair de poule, et mes seins sont durs, pointes dressées.

Je retourne m'allonger sur les rochers.  
Miguel insiste pour que je me couvre. 
Là encore, je suis destabilisée. Ne me trouves-tu pas jolie ?  

Il part plus loin, pour essayer de trouver un chemin plus praticable pour rentrer. Je le regarde crapahuter dans les rochers pendant une bonne vingtaine de minutes, et me demande ce que je ferais s'il tombe et se fracasse le crâne. 

Je regarde distraitement un insecte s'approcher de ma jambe. Il se pose une seconde... Et m'arrache un morceau de chair avant de s'envoler. 
Je pete les plombs : c'est quoi cette horreur ?! Une goutte de sang perle sur ma jambe. 
Miguel me redit « Mosquito ! C'est un moustique. Ils sont comme ça ici. Et tu gardes le bouton pendant des semaines » 
Effectivement, un bouton de moustique apparaitra plus tard, et me démangera affreusement pendant deux semaines. 
Je suis horrifiée. 

Miguel n'a pas trouvé d'autre voie, alors on repart par le même chemin. 
Je glisse d'un rocher, et tombe dans l'eau jusqu'à la taille. 
Je jure ; mes chaussures et mes vêtements sont trempés. 
Miguel tempère : « Tu ne t'es pas fait mal, c'est le principal ».
C'est vrai que j'aurais pu tomber sur un rocher et me faire vraiment très mal. 

Au détour d'un rocher, nous voyons un couple nu. 
Miguel se retourne vers moi, embarrassé mais hilare « I saw naked people ! » 
On ne sait pas trop comment faire. Faut-il rebrousser chemin, et attendre ? Mais il commence à faire nuit, je suis trempée, et on est au milieu des rochers. 
Finalement, ils nous voient, et se rhabillent avant de partir précipitament - Non sans nous jeter un regard noir. 
On est un peu gêné, et désolés de les avoir interrompu. 

En rentrant, je mets mes chaussures au soleil – du moins les derniers rayons du soleil rasant. 

Miguel dit « I'm gonna wash my dick » 
Je ris.  
« Why you laughing ? » 
« Because it's very specific : you're not gonna take a shower. You're gonna wash your dick » 
Il me jette son tee-shirt.  
« Hey ! Go ! Go wash your dick ! » 
« I'm happy because nobody here understand what we say so I'M GONNA WASH MY DICK ! » 

Pendant qu'il prend sa douche, je repère une araignée près du lit. Je la capture pour la mettre dehors.  
Miguel sort de la salle de bain pendant que je m'en occupe. Je lui dit qu'il ferait mieux d'ignorer ce que je fais, pour ne pas paniquer.  
Il me remercie. 



Ensuite nous rejoignons São Jorge pour faire quelques courses et manger.  
On fait le tour de beaucoup de restaurants, et il finit par choisir une pizzeria, où il commande une pizza pour deux sans me consulter.  
Cette désagréable impression d'être quantité négligeable me serre encore le cœur. 

J'ai mal à la tête. Je lui dis.  
« Are you dying ? » dit-il. 
« No » 
« Oh. Too bad » 
Vu mes sentiments de la journée, je le prends très mal. Je lui dis que c'est méchant, et je l'insulte. Je lui dis qu'on peut aussi se séparer, s'il le souhaite, et continuer chacun de son côté. 
Tout en me disant que si les choses tournent comme ça, j'ai autant à rentrer en France. 
Il ne comprend pas ma réaction. Il me dit que ce n'était qu'une blague. 

La pizza n'est pas terrible, et j'ai encore faim. 
Il me dit qu'il note le prix du repas, et qu'on fera les comptes après. 
Il m'appelle par mon prénom. Il n'y a plus de jolis petits surnoms. 
Nous ne sommes plus un couple. L'avons-nous été ?  
Est-ce que je suis une personne dont on se lasse si vite ? 4 mois pour Charles-Henri, 4 jours pour Miguel ? 
Suis-je si ennuyeuse ? 
Est-il possible qu'un jour quelqu'un s'attache réellement à moi ?! 
Je commence à penser que non. 
Visiblement, non, personne ne peut m'aimer. 

Il voudrait faire le tour de la ville, et peut-être s'incruster dans une auberge, pour parler avec des gens. 
Moi j'en ai assez de regarder les autres parler, et de ne rien comprendre. D'être l'imbécile qui ne sait faire que sourire stupidement. 
Et puis je veux passer du temps avec lui, moi qui ai dû le suivre au bar avec des amis, puis à cette stupide fête/match de foot. 
Je propose qu'on reste plutôt un peu dans le resto, à écouter deux chanteurs locaux qui viennent de s'installer. 
Miguel déplace sa chaise pour être à côté de moi. 

Il me demande où est-ce que je compte voyager en fin d'année. 
« Nothing planned for now » 
Et intérieurement, je me dis qu'avec mon voyage à la Nouvelle Orléans en avril, et mes 900€ d'avion pour venir le voir 3 mois plus tard, je ne risque pas de partir bien loin. 
Il acquiesce, et dit que c'est vrai qu'il y a encore le temps. 
Je me demande s'il prévoit qu'on parte ensemble, s'il va proposer quelque chose comme ça. 
Mais... Pourquoi ? 

Puis il veut partir. Il me demande si on cherche un groupe, ou si on retourne dans la jungle. 
Je choisis la jungle. 

On s'assois devant le chalet avec une bière. La température a un peu chuté, et je m'enroule dans un plaid.  
Il fait nuit noire. 
Il propose que l'on retourne à la rivière. 
Je suis incrédule. Quoi ? De nuit ? Sans lampe ? 
Et puis l'idée fait son chemin. Ok, prenons nos portables, allumons la lumière, et allons-y ! 
Soudain, Miguel n'est plus si partant. « Are you sure ? » 
Je réalise rapidement qu'il a également peur du noir. 
Et qu'il se dit que dans le noir, il ne voit pas les insectes qui lui font peur aussi. 
On arrive à la rivière. 
La lune est claire, le ciel infini. Les étoiles brillent, et on peut dessiner les constellations d'un battement de cils. C'est magnifique. 
Je sens Miguel trembler, serré contre moi. Je le rassure. Je lui dit qu'il n'y a aucun danger. Que je suis là. 
Il tient un peu moins de dix minutes, et me demande si on peut rentrer. 
J'acquiesce « Of course ».  

De retour au chalet, il est ravi : « C'était quand même une très bonne idée ! Je suis content que tu m'ai emmené à la rivière » 
« Mais tu sais, c'était ton idée au départ ! » 
« Oui, mais je n'aurais jamais osé y aller tout seul » 


On se couche. 
De nouveau, je me sens seule, je le sens éloigné. 
Ou alors c'est juste une idée que je me mets en tête. 
Je le caresse. J'ai envie de lui. 
Il se retourne dans un soupir. 
Je me demande si je le force.  
J'ai une boule dans la gorge. 
On fait l'amour rapidement. 
Je n'ai plus tant envie que cela. 

Puis il s'endort. 

Moi j'ai le sentiment que c'est fini, que la magie est partie. Qu'il ne reste plus rien, qu'un voyage avec un ami. « Friend with benefits »  
Amitié et sexe. 
Rien d'autre. 
Au temps pour mes sentiments, mes espoirs, mes rêves. 
J'ai envie de pleurer. 
Mais les larmes ne viennent pas. 

Je passe une nuit épouvantable, pendant qu'un vent violent souffle sur le chalet et fait grincer les volets. 

Je me dis que mes chaussures, qui sèchent dehors, vont s'envoler.

2 commentaires:

  1. Je ne sais pas si c'est autobiographique mais la personnalité de Miguel me rappelle étrangement un de mes ex avec qui ça a du durer 5 semaines.

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    1. Brésilien aussi ?
      Cela dit, je suppose que ce n'est pas une attitude si unique que ça... Sans vouloir généraliser à dire "Les hommes sont tous inconstants", mais pas loin ;)

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