samedi 8 février 2020

L'oie blanche et la valse des artisans


Il était une fois, une jeune fille un peu naïve qui pensait que les artisans étaient des hommes honnêtes.

Elle vivait seule dans sa grande maison qui nécessitait quelques travaux - mais malgré l'absence de couilles entre ses jambes, elle avait  pété de ses blanches mains le carrelage de sa cuisine, posé son parquet et effectué quelques travaux.


Est toutefois arrivé le moment où elle n'a plus eu les compétences nécessaires pour rénover son domaine. Elle dû faire faire à une accumulation de petits problèmes très embêtants : des locataires irrespectueux lui éclatèrent sa chasse d'eau, l'électricité de sa salle de bain se mit à franchement déconner et l'arrivée d'eau de la douche lâcha purement et simplement.
Sans nul doute qu'un démon des habitations devait être la cause de tout ça.
Ne restait plus que le lavabo qui tenait encore à peu près le coup - mais pour combien de temps ?!

Alors la jeune fille appela des artisans, et commença à examiner des devis. La chose était longue : si les artisans venaient rapidement prendre les mesures, les devis mettaient des semaines à arriver.

Et pendant ce temps, la salle de bain était toujours en décrépitude, et la jeune fille se lamentait.

Le premier artisan fit venir d'autres artisans ; ils envoyèrent chacun un devis à la jeune fille - celle-ci trouva que le total des trois devis était un peu fort de café : une dizaine de milliers d'euros, pour une pièce de 4 m².
La prenait-on pour une bourgeoise un peu naïve ?

L'oncle Manu, habitant d'une lointaine contrée et qui était artisan de profession, lui donna ce conseil : « Il y en a entre 4000 et 6000€ de travaux, ne va pas au delà ! ».

Alors la jeune fille appela d'autres artisans.

Deux vinrent prendre des mesures, mais n'envoyèrent jamais les devis.

Un artisan vint rapidement, et envoya très vite son devis. La jeune fille découvrit parmi les nombreuses pages du devis que l'homme chiffrait son travail à 14 000€. Fascinée, elle observa qu'il y avait 2000€ de matériel, et que l'homme se payait 12 000€ de main-d'oeuvre pour 4 jours de travail.
Soit son salaire de 10 mois en 4 jours.
Peut-être est-ce qu'il envisageait également un très risqué exorcisme du démon de la salle de bain ?

Elle appela d'autres artisans.
Ce fut une véritable valse.

Et puis un artisan la contacta, "de la part de son plombier", dit-il. Elle le reçu, il prit les mesures, et revint trois jours plus tard avec un devis à presque 5000€ pour uniquement carreler la pièce (« Là c'est aux blacks, ça serait 2000€ plus cher si vous voulez le déclarer - mais ça ne vous servirait à rien, la garantie décennale n'a pas lieu sur le carrelage »)
Dans le même temps, le fameux plombier recontacta la jeune fille : 
« La personne qui est venu chez vous n'est absolument pas envoyée par moi. Le fournisseur s'est trompé en envoyant le devis du matériel, et cet homme en a profité. Je ne le connais pas. Je ne sais pas qui il est. Je ne sais pas comment il travaille. ».
La jeune fille observa non seulement le prix exorbitant du devis, mais aussi la malhonnêteté de l'opportuniste, qui a prétendu venir de la part de l'artisan plombier.
Elle se dit que ces connards d'artisans ne reculaient vraiment devant rien.

Entre temps, pour n'avoir pas l'impression que rien n'avançait, elle fit refaire un plafond par un gentil artisan roux, barbu et tatoué, qui ne la prit pas pour une truite - ça consola son cœur meurtri. Il enduisit également le mur de la salle de bain pour qu'il soit beau et net, afin de poser une belle, très belle porte coulissante.
Sauf qu'elle n'avait pas pensé qu'une porte coulissante était aussi compliqué à poser seule. Elle s'évertua à poser rails, chevilles, vis... Mais ne vint pas à bout de la bête. Elle se retrouva donc sans porte de salle de bain - situation très ennuyeuse quand elle avait de la visite, ou des locataires Airbnb ! Car comment aller sereinement aux toilettes, ou prendre une douche, quand des gens sont dans la pièce à côté et qu'aucune porte ne protège l'intimité de la jeune fille ?!

L'électricien vint dans un même temps retoucher l'électricité de la salle de bain - la jeune fille pu à nouveau se doucher en pleine lumière (du moins lorsqu'elle était seule à la maison), et eut l'impression que c'était la lumière au bout du tunnel.
Celui-ci lui fit tout de même remarquer qu'au début, elle avait prévu de changer plus de choses, et que les travaux finaux, d'un montant moins élevés, ne l'intéressaient plus autant - ils se disputèrent, la jeune fille faisant remarquer qu'elle n'était pas Crésus, et ils se quittèrent fâchés.
Heureusement, l'apparition d'un ennemi commun, en la présence de la voisine d'un grand dragon irascible et malpoli, leur permis de se rabibocher : lorsque l'électricien se fit enguirlander parce que sa camionnette empiétait sur le trottoir appartenant au grand dragon, il revint se plaindre à la jeune fille en pleurnichant, et ils se rabibochèrent. 
(Le Grand Dragon aurait eu toutefois bien besoin de relire son acte de propriété, et de réaliser que le trottoir appartient à la commune).
Ainsi la jeune fille appris qu'un ennemi commun peut toujours être utile pour resserrer des liens, et se garda cette information pour plus tard.

Aujourd'hui, la jeune fille se demande comment payer l'artisan qui a refait le plafond, et l'électricien, et comment trouver 1000€ alors qu'elle ne peut plus faire de locations Airbnb sans porte à sa salle de bain.

Et surtout, elle se demande si un jour, elle verra la lumière au bout du tunnel pour la rénovation de sa minuscule salle de bain - ou si ça ne sera toujours qu'une vieille ampoule dégueulasse au plafond d'une pièce vétuste et sale.

2 commentaires:

  1. Bienvenue dans le monde merveilleux des entubeurs de travaux ! J'adore la métaphore et courage à toi. J'espère que tu vas mieux !

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  2. Le poste salle de bain est de loin, le plus important quand on regarde le prix au m2
    Bon courage

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