Milieu d'après midi, quelques heures après l'avoir quitté pour aller travailler.
Je
suis clairement shooté aux hormones du plaisir, mais rapidement, je me
laisse à nouveau envahir par mes angoisses, mes doutes. Ce break est-il
le bienvenu ? Ne vais-je pas passer 2 semaines de merde, à espérer qu'il
ai envie de me voir ? Et si c'était une erreur, d'essayer ? Je suis
presque sûre de ne pas avoir les épaules pour cette histoire - et en
même temps, nous avons indéniablement une sensibilité commune, qui nous
fait nous comprendre sur beaucoup de sujets. Par ailleurs, j'ai moi aussi régulièrement besoin de solitude. Je peux accepter de quitter des soirées trop bruyantes sans soucis, étant moi même rapidement saturée par le bruit - et vite migraineuse. Et, surtout, je me sens bien lorsque
je suis avec lui.
Je
suis à nouveau triste, tremblante, au bord des larmes. Soudain je me
sens seule, isolée. Je n'ai plus d'amis proches, je ne sais qui
appeler juste pour parler, ça doit faire 3 jours que je n'ai pas mangé,
j'ai perdu 4 kilos en une semaine, et j'ai l'air tellement pitoyable que
ma cheffe (celle qui m'a fusillé à mon entretien annuel) tient
absolument à m'inviter à manger pour "passer un peu de temps à
discuter". (C'est peut-être aussi lié au fait qu'elle m'ai attrapé à
cloper au boulot, s'indignant que j'ai commencé à fumer, et que je lui
ai aboyé, acerbe "Eh ben ça m'fera claquer plus vite, la belle
affaire !")
Je
suis à l'agonie, à regarder défiler les minutes en me disant que la
journée est infiniment longue, que ces putains de minutes sont des
heures, que je veux sortir du boulot, que je veux quitter la ville, que
je n'ai plus d'amis (Copine#1 me manque une demi-seconde... Et puis je
me souviens que si l'amitié me manque, la personne désormais me révulse, ce qui règle vite cette question), que je me sens tellement seule, et je ressasse sans cesse mes
questions "Ai-je bien fait ? Aurais-je dû mettre fin à la relation hier
soir ?".
Je suis hanté par son air sceptique, quant au fait de communiquer, se comprendre, se donner les moyens. Et s'il n'en a pas l'envie ? Ou pas l'énergie ?
Je
me dis pour la millième fois de l'après-midi que j'aimerai en parler avec quelqu'un,
quand je vois arriver Petit-Chiot-Fou-Qui-Gambade. Il est plutôt hésitant, mais il
s'installe finalement face à moi, et me demande comment je vais. Je
hausse les épaules, j'ai déjà les larmes aux yeux. Il reste presque 1h
avec moi. Il me demande ce qu'il s'est passé, hoche la tête, réfléchis à
voix haute. Dit que c'est dommage. Qu'il va lui parler parce que, non,
vraiment, c'est trop dommage. Il me révèle qu'il sait que Le Joueur d’Échecs est autiste, il lui a dit qu'il était Asperger - Le Joueur d’Échecs m'avait dit qu'il n'en avait parlé à personne, alors soit il a
oublié, soit il m'a menti, mais dans ce cas, ça signifie également qu'il peut mentir, contrairement à ce qu'il m'a affirmé, et ça ne me plait pas du tout.
Par ailleurs, Petit-Chiot-Foufou en sait donc déjà plus que moi, qui tente depuis des semaines de le situer sur le spectre Autistique, sans savoir ce qui relevait de sa réalité, et ce qui en était éloigné - au point, lorsque je lui en avais parlé, qu'il s'était indigné lorsque je lui avais demandé si je devais prendre garde à ne pas le toucher sans prévenir "Tous les autistes ne sont pas du genre à se taper la tête contre les murs !!!!".
Mais là encore, ça ne répondait pas à ma question : qu'en est-il de ton vécu ? Tes difficultés ? Tes fragilités ?
Petit-Chiot-Foufou
comprend un peu, mais est toutefois démuni face à lui, sur qui il a arrêté de compter
- Il ne fait pas la cuisine, rien dans la colloc...
Alors on a décidé de faire comme s'il n'était pas là. Mais c'est
dommage. On ne le voit quasi pas, il sort parfois prendre un truc à manger, et retourne s'enfermer dans sa chambre. On a le sentiment qu'il nous évite.
Mais pourquoi s'est-il ajouté une difficulté supplémentaire en vivant dans une colloc de 4 personnes ?! Mais je l'entends dire, comme il m'avait dit au sujet de son boulot (qui serait déjà éreintant pour une personne non-autiste) "Je ne vais pas me laisser emmerder par un foutu Trouble Autistique !". (Mais est-ce un bon calcul, si c'est pour y laisser son plumage ?)
- Et aussi,
là il se laisse complètement aller, il ne prend pas du tout soin de
lui
En effet, ses tenues laissent à désirer, sa barbe pousse n'importe
comment, son hygiène est douteuse. "Il ne mange pas, ou alors des
merdes, il boit, et il fume. Ce n'est pas ça qui va lui donner plus
d'énergie !.
Ça c'est sûr, c'est une épave ambulante.
- Mais je pense qu'il tient à toi !
Je lui rapporte notre conversation, le fait qu'il n'ai pas l'air d'être très chaud à se battre pour faire marcher la relation
-
Mais il ne se rend pas compte qu'il va te perdre s'il fait ça ?! Faut
vraiment que je lui parle, il ne peux pas te perdre comme ça. Tu sais, la première fois que je t'ai vu, je t'ai trouvé... Froide. Ou plutôt, distante. Je n'étais pas... Enfin... Je me méfiais un peu. J'avais peur pour lui aussi. Et puis au fur et à mesure, j'ai appris à te connaitre. Et... Tu n'es pas du tout comme ça en fait ! Tu t'es ouverte !
- Je pense que j'étais méfiante au début. Sur mes gardes. J'avais peur.... Eh bien de ce qui est en train de se produire : que dès que je commence à m'attacher, l'autre s'en aille.
On
discute longuement, Petit-Chiot-Fou est un confident attentif et
vraiment touchant. J'avais beaucoup d'affection pour lui, là c'est une
reconnaissance immense - et une folle envie de l'adopter.
Et puis je tilte : il garde un œil sur l'entourage du Joueur d’Échecs, dans une tentative de le protéger des personnes malveillantes. Et à l'inverse, le Joueur d’Échecs passe énormément de soirées à suivre Petit-Chiot-Fou-Qui-Gambade, pour s'assurer que personne ne profite de sa candeur. Il est rassuré que celui-ci se soit trouvé une petite amie mignonne et sincère, car il a souffert de filles sans scrupules. Mais il garde toujours un œil sur lui, protecteur.
Ces deux là on une relation vraiment étonnante.
-
Bon, écoute, laisse lui un mois ! Deux semaines de break, deux semaines à
essayer de faire ses preuves. Tu lui a exprimé tes besoins, et tu dois
absolument rester là dessus, c'est très bien. Il faut t'écouter ! Toi tu
es une personne gentille, pleine d'amour, tu as beaucoup à donner, il
te faut quelqu’un comme ça aussi ! Soit il te montre qu'il peut prendre
en compte tes besoins, soit tant pis pour lui, et tu pourras te dire que
tu as essayé, que tu t'es donné du mal, mais qu'il n'était pas prêt à te
suivre ! Mais je vais lui parler quand même. Et si ça ne marche pas, eh
bien, tu en retireras quelque chose - on retire toujours quelque chose !
[Et là je me dis : ouais, d'avoir rencontré Petit-Chiot-Fou, qui est
juste une personnalité ahurissante, qui ne cesse de me surprendre - et le mot est faible] Et tu rencontreras quelqu'un
d'autre, parce que tu es gentille, cultivée, vraiment très gentille, à
l'écoute, et puis très jolie.
Je me met à pleurer en lui disant que j'aimerai tellement que Le Joueur d’Échecs me dise ça.
-
Quoiqu'il en soit, ce n'est pas ta faute. Toi tu fais bien, en exprimant
tes besoins, tes envies. Il se donnait du mal au début, il t'avait
cuisiné un super dîner, il faisait plein de choses... Faut pas qu'il lâche comme ça... Te considérer comme acquise... C'est pas bien ça....
Non, vraiment, faut qu'on discute.
Il
me dit aussi qu'il trouve qu'il se comporte parfois comme un ado, qu'il
n'a pas l'air de bien savoir ce qu'il veut dans sa vie "Alors que toi,
tu sais, tu sais aussi ce que tu ne veux pas, tu avances, tu as acheté
une maison, tu as des projets et tout".
Mais qui comprend ce que veut le Joueur d’Échecs...? Plus j'y pense, et plus il me paraît surtout au
bord d'une belle dépression. D'ailleurs son odeur n'est plus la même.
J'ai réalisé récemment que l'odeur des gens se modifie - plus acide
lorsqu'ils sont anxieux, etc. Je repense à la richesse de son odeur,
lorsqu'on s'est rencontré il y a 4 mois - c'était en octobre, nous voici
début février. Aujourd'hui son odeur est beaucoup plus pauvre, presque
fade ; il n'est plus que l'ombre de lui-même.
Je suis toujours au boulot, et on
va fermer. Je n'ai rien foutu depuis 1h, mais je m'en contrefiche. Il se lève pour partir, et puis finalement il vient me serrer fort contre
lui. "Allez, ça va aller !".
Je le remercie avec effusion, j'ai à
nouveaux les larmes aux yeux, il m'a scotchée, à venir prendre le temps
de discuter avec moi, et chercher des solutions, et me rassurer.
Et
puis lorsque je sors du travail, je m'aperçois, sidérée, que c'est
comme si une chape de plomb s'était retiré de mes épaules : je me sens
plus légère, joyeuse, je ne doute plus. Je rentre chez moi avec plus
d'énergie que je n'en ai eu depuis trois semaines, je passe m'acheter
quelques petites choses pour me cuisiner un repas, je fais des projets
dans ma tête pour les jours à venir, et mes vacances. Je me dis que je
vais reprendre le yoga le soir avant de me coucher. Faire du
renforcement musculaire le matin en me levant. Ça fait des jours que,
contaminé par l'histoire avec le Joueur d’Échecs, je me traîne,
démotivé, je n'arrive pas à me lever, pas à dormir, pas à... Rien faire.
Mais là, soudain, je rayonne.
Ça alors ! Petit-Chiot-Fou-qui-gambade, c'est aussi un Soleil-Radieux-Qui-Réchauffe !
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