Partagée entre petit nuage, et son odeur sur mes cheveux, et terreur.
Qu'est ce qui va foirer ? A quel moment va-t-il comprendre que je ne suis pas intéressante ? Pas celle qu'il pensait ?
Après un demi weekend chez moi, qui est idyllique de mon point de vue, mais que je pollue de questionnements (il est surement déçu, etc etc), je me noie dans la crainte : C'est sur, il commence à voir que tu n'es pas intéressante, il va se détacher, il se détache déjà d'ailleurs...
Je me hais de m'infliger ça - d'autant plus qu'à la réflexion, j'aurai tout aussi mal qu'il me quitte, qu'importe que je me sois pourri la vie ou non avant ça.
Je le rejoins au bar un mardi soir. Il a passé une journée terrible, est parti plus tôt comme une tornade pour éviter de pendre quelqu'un "pour l'exemple". Et moi j'ai juste envie de le voir. Et de boire. En bref : d'essayer de me rassurer, si possible en passant un bon moment. Ou en étant assez bourrée pour en avoir l'impression.
On démarre la soirée avec une amie, puis c'est Pierre qui s'attable avec nous. Puis, plus tard, nous sommes tous les deux. Son regard me rassure, ses rires aussi. Pourquoi ai-je été me mettre des idées pas possible en tête ?
Il porte un costume et une cravate bleu irisé, et un gilet de costume avec des sucres d'orge et des tête de cerfs. Moi j'arrive avec un pull XXL avec des bonhommes de neige et des tête de père noël.
Nous sommes quelques semaines avant Noël, et on incarne un esprit de Noël pour le moins ostentatoire.
Je l'observe rire, et puis ce grain de beauté très discret juste sous la pommette, à la lisière de sa barbe. Est-ce des fossettes, qui se creusent ? Et ses yeux, petits et bleu, qui ne me quittent pas et plongent dans les miens.
L'alcool nous aide plus facilement à parler. J'ai envie de lui confier mes craintes - trop tôt pour ça ? J'ai envie de lui dire ce que j'aime chez lui - trop tôt ? J'ai envie de savoir tellement de choses - comment faire ?
Il me parle de ses "3 principaux problèmes" : l'hyperactivité, sa crainte d'être trop intelligent pour son propre bien, et surtout son autisme.
J'avais déjà compris que c'était quelque chose qu'il vivait mal, je n'imaginais pas à quel point ; comme il me l'a avoué finalement assez vite, je pensais qu'il ne s'en cachait pas spécialement. Il me dit qu'au contraire, personne ne le sait, ici. Qu'il ne souhaite pas que ça se sache. J'en prend bonne note, même si je ne comprend pas pourquoi. Après tout, son cerveau est fichu de cette façon, celui des autres, d'une autre façon, et puis voilà tout, il n'y a pas de honte à avoir !
Il me raconte comment, depuis 5 ans, il se trouve, s'accepte, s'épanouit. Je ne peux m'empêcher de me dire qu'on a un peu le même trajet : depuis 5 ans, presque 6, ma séparation d'avec mon ex, je me reconstruit, je me cherche, je me perd... Mais je me trouve un peu, tout de même.
Comment il a trouvé sa façon d'être, de s'habiller, de s'assumer. D'être lui. Comment c'est un tout, et notamment lié à son ex, et ses amis, qui lui ont répété qu'il valait bien plus qu'il ne le pensait. « Ca fait un peu de moi un connard pédant, de dire ça, non ? »
Et puis, il me reparle de cette soirée, que j'ai oublié.
Il me l'a évoqué par message il y a quelques jours : on aurait passé une soirée ensemble à la même table au bar, cet été. C'est, m'a-t-il dit, à ce moment là qu'il m'a repéré, qu'il m'a trouvé différente.
Je n'ai aucun foutu souvenir de cette soirée. Aucun souvenir de lui, avant le speed-dating.
Il hausse les épaules : « Ca aurait servi à quelque chose que je te dise que ce jour là, en t'écoutant, en te regardant, en observant comment tu abordais le monde, comment tu réfléchissais aux questions, comment tu y répondais, je me suis dit que tu étais de loin la personne la plus intelligente et cultivée que j'avais pu rencontrer dans cette ville ? ».
Le détachement avec lequel il dit un truc aussi capital est assez bouleversant.
« Eh bien... Oui, carrément, que ça aurait servi à quelque chose. Ca aurait été extrêmement flatteur, déjà, et puis ça aurait ajouté un peu d'eau à mon moulin d'autoconstruction ». Et, aussi, peut-être que je l'aurais alors remarqué plus tôt, et qu'on se serait rencontré avant - mais je ne dis rien à ce sujet.
Je comprend un peu mieux pourquoi le soir du speed-dating, il était venu me parler dès mon arrivée, et que Pomme m'avait dit "Il est grave intéressé ça se voit", alors qu'à mon sens, on ne s'était jamais vu. J'en avais déduit que je lui plaisais physiquement, et ça alimentait mes craintes - et un peu de mépris.
En même temps, je ne suis pas sûre qu'il aurait fallu que je le rencontre plus tôt. Je ne suis pas sûre que j'étais prête à accueillir qui que ce soit. Je ne pensais pas l'être actuellement, d'ailleurs. Mais le fait est que j'ai bien envie de lui faire une place dans ma vie.
« Chrysalide »
« Quoi ? »
« Tu es actuellement une chrysalide. Mais tu es en bonne voie »
On rentre vers 23h30, il me dit que j'ai trop bu pour reprendre la voiture,
Il me fait une tisane "Les 2 Marmottes", et on va dans sa chambre. J'ai une folle envie de lui, et le met quasi nu, pendant que je suis toujours habillé
« Il y a un déséquilibre j'ai l'impression »
« Oh que oui ! »
« Je ne pensais pas que les 2 Marmottes étaient aussi aphrodisiaques ! »
On se caresse, puis on fait l'amour, je gémis dans ses bras pendant qu'il me pénètre doucement, il murmure « Ca a l'air agréable, on va continuer comme ça, alors ». Et puis « Bon, moi j'vais pas trainer ». Fou rire. il s'indigne faussement : « Ben quoi ?! C'est hyper excitant ! Je ne m'amuse jamais autant que lorsque je vois ton plaisir ».
Lorsqu'il jouit, je ne le lâche pas, même si je baille à m'en décrocher la mâchoire.
« Fatiguée ? Tu vas t'endormir ! »
« Surement pas, j'ai encore envie de toi ! »
« Vraiment, ces deux marmottes... »
On refait l'amour, tendrement, doucement. Il me titille en même temps, et pourtant j'ai l'impression d'être trop excitée pour réussir à jouir. Néanmoins, lorsqu'il s'effondrera dans un orgasme, je plongerai quasi instantanément dans le sommeil.
Je me réveillerai sous la couverture, dans ses bras.
J'envisagerai d'aller aux toilettes, mais à peine esquisserais-je un mouvement qu'il se lovera contre moi - et je me rendormirai aussitôt.
Nuit courte, mais entrecoupés de câlins. Et au matin, frissonnante, je me refugierai à nouveau contre son torse chaud.
En me levant, je surprendrais son regard amusé, qui observera le moindre de mes gestes pour m'habiller. Je l'embrasserai avant de partir, et irai travailler dans un état second.
En fin de matinée, il m'écrira : « Je viens de commander une couette, comme ça tu ne frissonnera plus le matin »
Des attentions qui devraient me rassurer, et qui me permettent, parfois, d'oublier mes angoisses... Et pourtant, celles-ci vont revenir, et tout, absolument tout foutre en l'air.
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