lundi 6 février 2023

Ma nouvelle salle de sport

 Ca parait sans doute très superficiel, et pourtant... J’ai un rapport au sport passionnel, parfois obsessionnel, mais surtout vital.
J’ai découvert les salles de sport il y a une dizaine d’année, et plus spécifiquement les cours Les Mills. J’étais sous antidépresseurs (donc : en dépression), et je me débattais dans mon océan intérieur pour tenter de retrouver la surface. Je ne sais plus pourquoi j’ai poussé la porte du Coliseum à l'origine
Ce qui est sûr, c'est que ça a changé ma vie.

La salle était tenue par un couple, entre 45 et 50. Lui, un nom qui collait bien à sa fonction, un truc genre Joe. Peut-être même que ce n’était pas son vrai nom – mais ça mettait direct dans l’ambiance. Elle, une femme sublime, aux muscles saillants, pas un microgramme de graisse, et débordante d’énergie et de gentillesse. Il me semble que c’était une ancienne culturiste. J’ai oublié son nom aussi, en revanche je me souviens parfaitement de son visage et son physique. Elle animait les cours, en enchainait 3 ou 4 de suite sans sourciller, et je me souviens m’être dit, pendant mon premier cours « Merde, j’aurais dû demander l'abonnement avec la cocaïne fournie ! ».
Il y avait 2 ou 3 salles de cours collectifs, un plateau de muscu très complet, une piscine (pour les cours d'aquagym, aquabike, aquamachin), un sauna et un hammam. Le planning de cours était très dense, et moi qui sortait d'une MJC, avec 1 cours de 45 minutes par semaine, j’ai clairement découvert un autre monde.
Joe m’a fait faire une sorte de test d’effort à mon arrivée (et j'en avais particulièrement chié, pour un résultat très décevant), m'avait fait un calcul hyper précis de mon IMC, qu'il m'avait traduit en me disant qu'en gros, j’étais un fromage avec 45% de matière grasse. Pensant que c'était une bonne nouvelle, je m'étais exclamé : « Oh, super, c’est moins de la moitié ! ». Il avait manqué s’étouffer, me demandant de quelle façon je mangeais. (Clairement, il n'était pas Team fromage).
 
J’allais au sport 2 fois par semaine. Ensuite je faisais un hammam pendant une dizaine de minute, puis une douche. Et je rentrais, détendue et apaisée (et j'avais une peau sublime).
Clairement, cette salle a été l'une des choses qui m’ont aidé à surmonter ma dépression.
Lilith, qui était alors un chaton d’un an, a été l’autre élément qui m'a aidé à sortir du lit - et à sortir la tête de l'eau.

Ils avaient aussi des vestiaire mixtes, avec cabines individuelles. Mais beaucoup de mecs adoraient rouler des mécaniques en boxer dans l'espace commun. Une fois, alors que je sortais de la douche, emballé dans ma serviette, un mec à moitié nu m'a dit "Hé, j'adore tes tatouages, c'est hyper excitant", et j'avais commencé à répondre "merci, c'est g..." avant de m'arrêter et de me dire "le mec a vraiment dit "excitant" ?!"
Et je garderai à jamais, et avec beaucoup d'émotion, le souvenir de ce type qui se séchait les poils du torse au sèche-cheveux dans le vestiaire, et qui tentait de leur donner un petit effet frisé, d'un air très concentré. Je suis resté un temps considérable dans ma cabine, à essayer de contenir mon fou rire, le temps qu'il termine sa mise en pli. 
 
Puis j’ai changé de ville, sans regrets car le Coliseum fermait ses portes : Joe et sa femme ouvraient un autre concept ailleurs, un truc plus gros, plus high-tech, et qui perdait l’âme de ce que j’aimais dans cette salle.
 
Dans ma nouvelle vi(ll)e, je n’ai pas repris le sport tout de suite. J’ai d’abord laissé ma relation avec Damien me rendre malade, jusqu'à la rupture. Notre séparation m’a fait retrouver moral et santé, mais je ne suis jamais en meilleur santé que lorsque je fais du sport.
C’est là où j’ai trouvé la salle où j’allais, et où j’ai rencontré le-mec-de-la-salle-de-sport.
C’était pas le Coliseum, c’était pas la prof que j’aimais tant (et qui restera sans doute une sorte de déesse inatteignable dans ma tête). Mais le planning était cool, la prof aussi, et j’y ai passé de bons moments. Les douches étaient bien chaudes, et puis ça m’a permis de faire de la boxe thaï, pendant cette période d’effervescence sportive, certes beaucoup trop excessive, mais nécessaire, à ce moment de ma vie.
 
 
Alors j’ai commencé dans une autre salle, où j’ai recroisé le mec-de-la-salle-de-sport (mais seulement deux fois), et où j’ai continué à aller pendant trois ans. Une salle franchisée, des cours un peu mous du genou avec des profs moyennement motivés, des vestiaires non chauffés (et donc polaires en hiver), des douches vaguement tiédasses
C'était pas foufou, et j’allais faire du sport sans passion – mais j’y allais.
 
Et puis cet été, j’ai vu passer une offre pour une autre salle, implantée depuis longtemps, mais qui venait de changer de propriétaire. Ils proposaient des cours LesMills, ceux que j’aimais tant, et que je n'avais pas retrouvé depuis la fermeture de ma précédente salle.
La salle avait bonne réputation, et misait sur le haut de gamme : plus chère que la plupart de ses consœurs, elle plafonnait à 40€ par mois, contre les 30€ que je payais actuellement.
Des avantages, des inconvénients.

J'ai été visiter, histoire de me faire une idée.
 
Une salle plutôt petite, mais très chaleureuse. Un plateau de muscu hyper complet, deux salles de cours collectifs. Un sauna, des douches sous forme de cabines individuelles avec un vestiaire privatif pour se changer. Et puis des petites attentions qui ajoutaient un bonus : un coin cuisine où l'on peut remplir sa gourde, des sirops à dispo si envie, un micro-onde pour ceux qui viennent entre midi et qui mangent avant de repartir, des protections hygiéniques à disposition, des mouchoirs, des cotons-tiges, cotons et lotion démaquillante, sèche-cheveux, fer à lisser ou à friser en accès libre.
Des petites attentions qui m'ont tout de suite plu, et qui rendait le lieu hyper convivial.

Déjà dans ma tête, j'étais séduite.
 
Et puis j'ai fait un cours d'essai.
 
Le prof ne ressemblait pas à un coach de sport : un géant, mais avec pas mal de gras, et un air général de gorille de dessin animé : le type ultra sympa qui te met à l'aise de suite. N'empêche qu'avec son bide, tu lèves un sourire dubitatif en te disant que ça ne va pas être très intense.
Et puis le mec charge 10kg pour l'échauffement, puis 20 kg pour le reste du cours, et t'emporte pour 1h d'exercices où tu bosses comme jamais. 
J'apprendrai des mois plus tard qu'en réalité, le mec n'est pas prof de sport à temps plein : il donne les cours pour s'amuser (bien qu'il ai un brevet d'état), et sinon, il est prof d'astrophysique (!). 
D'un bout à l'autre, le mec est totalement atypique.
Pour mon premier cours, il ne m'a pas laissé charger en dessous de 5kg, et m'a imposé de me dépasser, quoiqu'il arrive. Il a toujours un œil sur tout le monde, pour t'obliger à donner le meilleur de toi même. 
Il est un peu grande gueule, mille fois trop bavard, et surtout TELLEMENT MOTIVÉ que ça en devient absurde - sauf que le mec, tu fais un cours avec lui et tu ne peux que t'y attacher, qu'importe les conneries qu'il beugle dans son micro.
Mes préférés : 
« Nos épaules deviennent PLUS FORTES ! Et avec des épaules PLUS FORTES, le MONDE sera MOINS LOURD à PORTER ! ».
(Du calme Jean-Michel, c'est juste un putain de cours de sport hein !)
« Notre barre est un TROPHÉS, et on le MONTRE, et on envoie notre cœur AU FIRMAMENT ! »
(j'appelle ça une crise cardiaque, personnellement, mais faut avouer qu'il le présente bien)
« Ici, on commence ENSEMBLE et on finit ENSEMBLE ! »
Parfois même, il se saoule lui même, et hurle "Mais que quelqu'un me dise de ME TAIRE !"

Alors, ouais, c'est mille fois trop excessif. Mais c'est tout de même super-hyper-giga motivant.

Pendant ce cours d'essai, je me suis demandé ce que je faisais, depuis trois ans, dans la salle dans laquelle j'étais inscrite. Clairement, pas des cours de sport ! Car un cours de sport, c'est ce que je suis en train de faire avec Gorilla - pas les cours mollassons de l'autre salle, où je transpire à peine !
Là j'en ressors le tee-shirt trempé, et j'aurais des courbatures toute la semaine qui suivra - j'avais même oublié ce que ça faisait d'en avoir ! Ce que c'est BON !!



En sortant de mon cours d'essai, j'ai résilié immédiatement auprès de mon ancienne salle.

Je retrouve un peu du Coliseum dans cette nouvelle salle. Elle fait clairement partie d'un nouvel équilibre de ma vie.
Elle fait aussi des partenariats ; j'y récupère chaque semaine un panier de fruits et légumes bio, pour 10€. 
Je m'y sens tellement bien.

Gorilla est génial. Parfois, quand il m'oblige à charger, et que j'ai l'impression que mes bras vont se décrocher, pendant qu'il me hurle de ne rien lâcher, j'ai un peu envie de le buter, mais sinon je m'y suis attachée comme à un gros nounours. Il insiste beaucoup sur la notion de groupe et d'énergie collective, et je crois sincèrement qu'il est à l'origine d'une vraie cohésion - il y a des gens qui ont ça dans le sang. Il appelle tout le monde par son prénom (sauf moi, parce qu'il a oublié, et ça l'emmerde beaucoup mais il n'ose pas demander, et il essaie de savoir de manière détournée - et il n'y arrive pas- ce que je fais semblant de ne pas voir et qui m'amuse énormément), il vient saluer chaque personne individuellement à chaque cours, et vient demander à chacun s'il va bien. 
J'observe ça avec beaucoup d'intérêt - et d'admiration.

Peut-être est-ce la salle, ou est-ce grâce à Gorilla, ou peut-être "juste" que j'ai beaucoup changé : je suis inscrite depuis juillet, et j'ai déjà des connaissances, des gens avec qui je discute, et ceux qui viennent me saluer. D'habitude, je mets environ deux ans à sortir mes premiers mots, et à me faire quelques connaissances.
Il y a quelques jours, j’ai discuté vingt minutes avec un mec de mon cours, qui s’est avéré geek-végétarien (et amateur de bonne bouffe), et qui m’a donné plein de bonnes adresses – et notamment celle d’un kebab végétarien à deux pas de la salle. Je me suis même demandée s'il me draguait un peu - après vingt minutes à parler resto, l'idée m'a effleurée qu'il attendait peut-être que je dise « on pourrait y aller ensemble ! ». 
Cela dit, si l'envie l'avait effleuré lorsqu'on parlait, sans doute que ça lui a passé aussi sec lorsqu'il m'a vu sortir de la douche en pyjama. Car oui, j'ai toujours eu ce rapport très décomplexée au sport (j’y vais pour transpirer, pour me défoncer et pour grimacer, et finir rouge et dégoulinante) mais dans cette salle, je suis encore plus détendue. Ces cabines de douche avec le petit vestiaire individuel  me font me sentir comme à la maison (avec, en plus, le fait que je peux m'oindre d'huile corporelle sans que Lilith essaie de la manger et/ou me mordille les mollets), et plutôt que de faire semblant de m'habiller pour rentrer me jeter sur mon canapé, je me mets directement en pyjama. 
Pendant l'été, c'était discret, je mettais un pantalon fluide et un top. En hiver, c'est plus compliqué à cacher - et je ne fais même plus semblant : ma seule concession, c'est que je n'ai pas (encore ?) sorti le pantalon à oursons. Mais sinon, j'ai le pantalon de pyjama à pois, et mes tee-shirt de catch, copyright années 2000. Ou les pulls de Noël (de mi novembre à mi janvier).
Donc oui : je ne suis pas là pour séduire, et, bon sang, ça m'apporte un détachement et une tranquillité d'esprit très apaisante.
Qu'importe les regards interloqués que je croise.

Cela dit, je commence à créer une mode : un soir où je séchais sommairement mes cheveux, avec mes bottes de neige par dessus mon pantalon de pyjama bleu, et mon tee-shirt Jeff Hardy (idole de mon adolescence), une fille est passé à côté de moi, m'a regardé de haut en bas, s'est arrêté pour réfléchir quelques secondes, a haussé les épaules, emballé ses cheveux dans une serviette éponge, et est sortie comme ça dans la rue.

Oh bien sûr, il y a des beaux mecs. Mon attention est parfois violement happée par un type sublime, peau dorée et cheveux longs et noirs (indien, peut-être), qui fait peinard des handstand push-up [pompes en faisant l'équilibre]. Il passe un temps considérable en équilibre, ses longues jambes en l'air, pieds nus (on sait l'émoi que me provoque les pieds nus. Surtout dans des situations inattendues). Il termine avec quelques postures de yoga, exposant une souplesse déconcertante. J'apprécie le spectacle, et parfois Gorilla doit attirer mon attention pour que je revienne dans le cours - il jette ensuite un regard dans la salle, pour essayer de comprendre l'origine du discret filet de bave qui a coulé sur mon menton, et me jette un regard espiègle.
Une fois, je suis passée à côté de lui, et, prenant mon courage à deux mains, je lui ai lancé un petit "bonsoir".
Il m'a ignoré totalement.
C'est sans doute mieux comme ça !

J'ai aussi surpris une conversation, un jour en sortant de la douche. La voix de Gorilla, et un client de la salle. Une conversation en arabe - je reconnais la langue, mais ne la comprends pas. Et puis soudain, Gorilla de répondre avec véhémence, et un ton que je ne lui connais pas, cette fois en français : "Pourquoi tu dis que je fais semblant de ne pas te remarquer ?! Que je t'ignores ?! C'est pas vrai du tout !"
Je sors du vestiaire, et tombe sur eux deux, qui me regardent d'un air très très très gêné : ils n'avaient pas vu que les douches n'étaient pas toutes vides. 
Je leur souhaite une bonne soirée, et file pour dissiper la gêne.
Il y a bien sûr des milliers de possibilités à cette scène énigmatique : ils sont amis, ou membres d'une même famille, il y a une gêne ou de vieilles rancœurs.
Mais je préfère m'imaginer que Gorilla a une relation extra maritale avec ce garçon, et me faire tout un film dans ma tête.
C'est plus drôle.

J'aime vraiment beaucoup cette salle.

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