vendredi 10 mars 2023

Plaire ou (et) ne pas plaire : Schrödinger

Après le "avec plaisir" de Schrödinger, je serai toutefois absente quasiment un mois : rattrapée par ma surinfection dentaire, je cumule antibiotiques, cortisone et antidouleurs. J'ai de la fièvre, les antidouleurs m'offrent à peine 2h de répit à chaque prise, et je n'ai plus mes règles : je crois que mon corps est au bout du rouleau. 
Je ne peux plus sortir, et encore moins aller faire du sport. Le jour où, allant un peu mieux, je retente, un tout petit cours de 30 min, je fais un malaise - Gorilla, qui a eu visiblement très peur, me sermonne : on ne fait pas de sport quand on est sous antibio, encore moins quand on est dans ton état ! 
Honteuse, je rentrerai chez moi, et resterais à nouveau quelques semaines inactive.

Lorsqu'enfin je peux reprendre presque normalement le sport, quoique sans trop forcer, c'est Schrödinger qui est absent : il s'est déchiré le psoas.

Finalement, ce n'est pas plus mal : très bien, passons à autre chose, de toute façon j'ai surement surinterprété, retournons à la solitude sereine et sécurisante !

Et puis le 25 décembre,  il m'envoie une invitation sur Facebook. Est ce qu'on fait ce genre de chose un 25 décembre pour quelqu'un qui est juste une pote de salle ? Je dois bien avouer que je ne pense pas. Plus intéressant :  Comment m'a t il trouvé ? On connaît nos prénoms, mais pas nos noms. Il a dû chercher un moment - j'aime beaucoup les gens qui savent chercher. 

Personnellement, je l'avais déjà trouvé sur Instagram. J'ai mis un moment, mais en recoupant quelques infos, et en passant de comptes en comptes, j'y suis arrivée. 
Toutefois, il y a d'autres infos très intéressantes sur son Facebook : dans cette salle atypique, où le prof de sport est aussi prof d'une matière ultrapointue, Schrödinger est également fascinant : il se revendique LGBT-Pan (je dois aller voir la définition, et je découvre par la même occasion que - hé, bah en fait c'est tout à fait ce que je suis, moi aussi !), ce qui est plutôt courageux dans un univers sportif marqué par le sexisme et la virilité toxique. Geek et gamer, adepte de visual kei, et parlant japonais et anglais. 
Il revendique le droit de se maquiller (ce qu'il fait d'ailleurs très bien - beaucoup mieux que moi !), tout comme celui d'avoir des poils, et de ne pas être le cliché du sportif imberbe. "Mon corps mon choix". 
Je suis de plus en plus intéressée par ce garçon.

Cela étant dit, au détour d'une conversation, il me dira son âge.
Aoutch ! Que je suis vieille ! 
Schrodinger a 26 ans. Si dans ma tête, j'en ai vaguement une trentaine, la réalité est que j'en ai 35 ! Et 9 ans d'écart, c'est beaucoup ! Beaucoup trop !

J'en discuterai avec mon ami Q. Pendant notre traditionnelle raclette de Noël 
- Et tu es sûre que ce n'est pas le séducteur de la salle ?
- Pas sûre du tout, non. Mais comme je suis un aimant à emmerdes : Si, c'est probablement le cas.
- Cela dit, si c'est juste pour un coup d'un soir ?
- Je ne suis pas sûre de réussir à supporter de le croiser après ça.
- Ah, moi ça ne me dérange pas. Mais... Après, peut être aussi qu'il ne faut pas se projeter, et juste voir où ça mène ?
- Alors, c'est exactement ce que je me suis dit. Mais je ne crois pas que je sais faire ça. Et surtout, ma peur, c'est qu'aujourd'hui, je vais bien en n'ayant aucune envie de romance ou de relations, amoureuse ou sexuelle. J'ai peur que si je fais entrer, même brièvement quelqu'un dans ma vie, et que ça foire, ça me "réveille" et que j'ai à nouveau un sentiment de solitude, à nouveau envie de quelqu'un, et...
- Tu as peur de perdre ton équilibre
- C'est exactement ça.

Les jours passent.
On s'écrit sur Messenger. 
On s'écrit BEAUCOUP sur Messenger.
De très longs messages, sur plein de sujets différents.
Schrödinger est finalement un surnom qui lui convient divinement : sans se considérer comme non binaire, il se sent (et se revendique) parfois homme, parfois femme ; il est aucun et il est les deux. Il aime le sport, et envisage une carrière de coach - mais il fait en parallèle des études pour avoir un autre job. Il a dû quitter l'école à 16 ans, mais il écrit parfaitement. Et surtout, il est redoutablement malin : je n'ai pas besoin de le pousser beaucoup pour qu'il m'explique comment il m'a trouvé sur Messenger. Il s'est souvenu que je lui avais dit que je remplaçais parfois à un endroit, il a donc écumé quelques sites officiels et organigrammes, et une fois qu'il a déniché mon nom de famille, y'avait plus qu'à dérouler : "et donc tu as fait une expo de peinture ? Et tu fais ça et ça et ça aussi, ou c'est quelqu'un qui a le même nom ?". Ah, ça, c'est sûr que les sarouels à fleurs et les pulls de noël, ça ne laissait pas présager un CV pareil ! Il place habilement quelques compliments "je suis tombé presque aussitôt sur une photo où tu arbores un sourire carnassier quoi que charmant". 
Hum.
Il semblerait que Pomme avait raison.
Incroyable.

J'utilise ma technique habituelle : je fais la cruche qui ne comprend pas. 
De toute façon, ça va trop vite pour moi : ce garçon est beaucoup trop intéressant, beaucoup trop malin, beaucoup trop atypique, beaucoup trop intéressé par moi. Je suis pas prête, j'ai besoin d'y réfléchir ! Que quelqu'un appuie sur pause !

Il m'invite à son anniversaire, qu'il fait à la salle un soir.
Une dizaine de personnes, tout le monde se connait, sauf moi. Je me sens très mal à l'aise. Allez, je trinque, je lui souhaite son anniversaire, et je fuis sur un prétexte quelconque.
Sauf qu'il vient discuter avec moi, et nous voilà à nous trouver encore des points communs, et des sujets de discussions que personne ne comprend, à coup de cyberpunk, JDR, carte graphique, visual kei, et autres termes barbares dans lesquels nous nous retrouvons parfaitement. Il fantasme autant sur Geralt de Riv que sur Yennefer, bienvenue dans la Team, frère !
Je ne peux pas m'en empêcher : je m'amuse, je parle de plein de choses qui me passionnent, ça fait tellement longtemps que je n'ai pas rencontré quelqu'un qui a les mêmes références que moi ! 
Mon regard est attiré par l'échancrure de son tee-shirt, le renflement du pectoral, la rondeur du biceps, et je perd le fil de la conversation. Vite, regarder ailleurs pour reprendre ses esprits ! Rappelle toi : il sort d'un cours de sport, il exhale les phéromones, tu es un animal comme les autres. 
Inspire. 
Expire.
Ce short est également très serré, et cette bosse au repos est fort prometteuse - argh, argh, un animal, tu es un animal !

Nous discuterons tous les deux à peu près toute la soirée. Il ne parlera qu'avec moi, alors que c'est tout de même son anniversaire. Les autres nous jettent des regards surpris. J'essaie de me représenter la scène, et il est évident qu'on pue l'attirance. J'ai beau faire (très bien) la cruche, je ne le suis pas complètement, et je sens bien qu'il est très attiré par moi - et moi, tout autant par lui.

Néanmoins, même s'il vient de fêter son anniversaire, il en garde toujours 9 ans d'écart avec moi. Il a désormais 27 ans - mais dans 4 mois j'en aurai 36. 
Néanmoins, il y a cette sérénité et cette apaisement dans la solitude, dans laquelle je flotte actuellement. Prendre le risque d'éprouver d'autres émotions à nouveau ? Folie !
Néanmoins, est-ce que je souhaite m'infliger les mêmes étapes qu'avec le Joueur d'Echecs ? Le premier rendez-vous où je crèverai de trouille, les crises de panique dans une chambre qui ne sera pas la mienne, la peur - toutes les peurs ! - pour peut-être un type qui va s'enflammer quelques semaines - un feu de paille, et puis plus rien... Comment savoir ? Je ne veux pas prendre le risque, c'est trop difficile, trop d'épreuves, je n'ai pas cette force.

Et pourtant, je ne parviendrais pas à trouver le sommeil cette nuit là : il me plait vraiment beaucoup.

Il m'écrira le lendemain :
« Je testerai bien le cours de danse du vendredi soir, tu voudrais bien être ma partenaire de bachata ? »
Au même moment, je recevrai un message de Pomme : « Hey, tu fais quoi vendredi ? »

Un cours de bachata, apparemment.

3 commentaires:

  1. Pardon, mais "Tout de même, 9 ans d'écart" est une excuse de merde. Arrête de faire la cruche. 😀
    Franchement, si il te plait, si tu lui plais, vas y.
    Explique lui que tu veux y aller doucement parce que tu as un passif, que vous vous engagez à rien, et que tu as besoin de communication, quoi qu'il arrive. Avant de dire que ça marchera jamais, tente.
    (si bien sûr tu t'en sens capable, mais tu es la seule à pouvoir répondre à cette question.)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu es la sagesse incarnée, Tabinou.
      (N'empêche, 9 ans d'écart, c'est beaucoup non ?!)

      Supprimer
  2. 9 ans d'écart c'est rien !
    J'en ai 6 avec mon chéri, je suis la plus âgée. 36 aussi bientôt pour moi et lui va passer le cap des 30 ans en fin d'année.

    RépondreSupprimer