En août, j'apprenais que Copine#3 était enceinte.
Le choc.
Je ne savais pas trop ce que
j'en pensais : étais-je contente ? Étais-je déçue ? Étais-je inquiète pour
notre amitié, et nos soirées entre copines qui allaient se réduire comme peau
de chagrin ? Étais-je jalouse ?
J'étais chamboulée en tout cas.
Sa grossesse ne s'est pas bien passée
du tout, et elle s'est beaucoup éloignée de notre "carré" amical.
Et puis tous les collègues qui
ont des enfants ʺet qui savent, EUX", de te dire « Nan mais tu crois
quoi ? Tu ne la verras plus, elle n'aura plus le temps, elle ne sortira
plus, ne fera plus rien » (parfois j'écoute les gens, et je me demande si
faire un enfant équivaut à s'enfermer volontairement en prison. Parce que ça
ressemble à ça)
Ces derniers mois, pendant que je vivais moralement une traversée
du désert, et que Copine#3 était allongée chez elle à mourir d'ennui, on s'est
écrit un peu plus souvent, et j'ai été la voir un peu plus souvent également -
avec toujours des gourmandises de saison dans les mains : gâteaux, bonhommes en
pain d'épices, galettes, beignets de carnaval... Elle m'a accueilli plusieurs
fois alors que j'étais au bout de ma vie, elle m'a laissé pleurer sur sa table
de salon, elle m'a hébergée une nuit, elle m'a nourrit, elle m'a proposé de
faire mes lessives chez elle, bref, elle a été au top, alors qu'elle était
enceinte jusqu'aux yeux, et qu'elle aurait pu dire « Fuck, laisse-moi
kiffer mon arc-en-ciel de bonheur ! »
Copine#1 et moi avons
travaillés d'arrache-pied à lui coudre une toise en forme de girafe. Moi qui
étais au bout de ma vie, dans les cartons, dans ma grande maison sans chauffage.
J'ai sorti ma machine à coudre, je l’ai posé sur une planche sur des tréteaux,
j'ai étalé mes bobines sur les cartons, et j'ai fini ce cadeau envers et contre
tout.
J'étais pleine d'une joie rageuse d'être venue à bout de ça malgré
tout.
J’ai compté les jours, j'ai attendu, et déjà deux semaines avant
le terme, j'étais hyper fébrile, impatiente.
Copine#3 espérais accoucher avant le terme, mais malgré le fait
que les gens lui rabâchaient « Le premier arrive rarement à terme »
(=> ce qui n'est absolument pas une règle d'ailleurs. Les gens devraient
juste arrêter de dire des conneries en prenant un air inspiré, ça changerait),
son bout de chou restait au chaud.
Et puis le jour du terme, je
n'ai plus eu de messages - elle qui m'envoyait des messages tout le temps.
Et là je me suis dit (en les termes) : « Oh
mon dieu ! ».
C'était un dimanche, j'étais
chez Président, j'apprenais d'ailleurs que lui et son mec étaient séparés (mais
il ne fallait pas que Président sache que je savais, et ça me mettait dans un état de stress impossible).
A mon réveil, le lundi matin, j'ai trouvé un message de Copine#3,
et une photo d'un adorable petit renard aux cheveux étonnement longs. J'ai
fondu. Je suis tombée amoureuse de ce petit bout, de cette nouvelle existence
mise au monde par ma copine.
J'ai été à mon rendez-vous psy,
et j'ai foncée chez moi pour finir le cadeau de naissance.
Nous avons convenu que les 4 copines se retrouveraient à la
maternité le lendemain pour souhaiter la bienvenue à ce petit être.
A ce stade, j'étais super
excitée, et hyper impatiente d'y aller.
Et surtout, j'étais rassurée :
Parce que oui, jusqu'à ce stade, jusqu'au moment où j'ai reçu cette adorable
photo, je ne savais toujours pas comment je vivrai les choses. J'avais peur
d'être jalouse. Envieuse. De détester cet enfant, ou même de le mépriser.
Pouvais-je aimer les enfants de mes amies ? Pouvais-je être heureuse pour elle,
sans être amère sans me sentir larguée sur le bord de la route ? Je n'avais pas
envie d'être cette personne. Et pourtant, je le sais, je suis une personne
envieuse. Je rage contre l'univers depuis que je suis enfant : pourquoi moi je
n'ai pas eu de père ? Pourquoi je n'ai quasi pas de famille ? Pourquoi mon père
adoptif était parfois si difficile à assumer ? Pourquoi j'ai été la souffre-douleur à l'école, pourquoi moi j'ai
du mal à apprendre et à être ne serait-ce qu'une élève moyenne, pourquoi on me déteste, pourquoi moi et pas les autres ?
Bref, tout ça n'est finalement qu'une question d'état d'esprit -
au final, j'étais dans la moyenne, toujours ; il y avait plus détestés que moi,
plus en difficultés que moi, plus malheureux que moi. Mais je crois que je n'ai
jamais accepté les cartes que j'ai eu en main, et que je n'ai jamais été
capable de prendre les choses avec philosophie.
Alors forcément, comment savoir
si je pouvais commencer à voir arriver des bébés dans mon cercle d'ami ?
Donc j’avais peur d’être une
amie détestable et aigrie.
Le mardi, nous allions à la
maternité. Je me suis habillée très élégamment, car ça me semblait être la
moindre des choses.
J'ai eu peur de pleurer
d'émotion.
Mais si j'ai été très émue, je
n'ai pas songé un instant à verser une larme.
Copine#3 était belle.
Radieuse.
Parfois elle s'absorbait dans
le visage de son fils, et caressait son visage en souriant.
Pendant que lui était calme dès
qu'il était contre elle.
C'était beau.
C'était le début d'une vie, le
début d'une nouvelle étape.
Et j'ai adoré regarder ça.
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