lundi 10 septembre 2018

Mademoiselle B. sous LSD

Dans la liste des choses les plus incroyables que j'ai pu faire dans ma vie (liste que j'ai découvert avoir dressée mentalement malgré moi), prendre du LSD est clairement arrivé au sommet de mes expériences.


Cette histoire se passe après La Nouvelle Orléans, et avant le Brésil.
J'ai passé quelques jours chez ma cousine et son mari, qui m'ont proposés de tester "Le voyage". Curieuse - quoique un peu inquiète - j'ai accepté. On en a beaucoup parlé avant : du fait qu'il fallait se détendre, laisser venir, ne pas s'inquiéter.
Bien sûr, ces consignes étaient assez abstraites pour moi ; je n'avais aucune idée de ce qui m'attendait. Toutefois, j'ai une totale confiance en eux deux, donc je n'étais pas particulièrement angoissée non plus.

Nous avions tout préparé : une playlist, des plaids, de quoi s'allonger confortablement. Et puis un grand verre d'eau pour avaler le buvard.
L'effet peut mettre du temps à arriver. Si le mari de ma cousine est parti au bout de 30min, pour ma part j'ai dû attendre 1h30.
Mon corps à réagit bien avant ma tête : j'avais à la fois chaud et froid, les poils qui se dressaient, les mains engourdies. Et puis je commençais à voir des raies des lumière en périphérie de ma vision, comme si le temps ralentissais, et que je voyais bouger les rayons du soleil. Mais quand je regardais vraiment, ils étaient immobiles.
Toutefois, lorsque j'ai eu envie d'éclater de rire en allant aux toilettes, et que je voyais les murs onduler subtilement, j'ai compris que ça commençait vraiment.  


Je me suis installée confortablement sur le canapé, les yeux fixés sur l'écran de TV, où le mari de ma cousine avait affiché une image de l'univers, prise sur le site de la NASA. Le fond était noir et étoilé, des nuages roses et violets se boursouflaient au milieu, les étoiles scintillaient, et les couleurs pulsaient, comme animé d'une vie propre, véritable kaléidoscope aux couleurs intenses. Les étoiles formaient comme une toile d'araignée habillé de rosée, et chaque détails en révélaient mille autres. Les nuages passaient, et se multipliaient, dans une orgie de couleurs chatoyantes.


Je regardais cette image magnifique, me disant que c'était une superbe idée de l'avoir affichée, et que c'était la plus belle chose que j'avais contemplé dans ma vie, lorsque le mari de ma cousine m'a interpellé « Tu sais que c'est une image immobile, n'est ce pas ? ». J'ai distraitement acquiescé, regardant les étoiles se démultiplier, et chacune d'entre elles se démultiplier encore. Il y avait du violet, du rose, du rouge, du orange.
Il a insisté « Elle ne bouge pas, en réalité ».
C'est là où j'ai compris ce qu'il disait. Et que, absorbé par le ballet de l'univers, je me suis souvenu que je contemplais son fond d'écran, une image a priori immobile, donc.
Ah.
Oui.
D'accord.
Ça avait vraiment commencé.


J'ai continué à regarder cette image. J'avais l'impression d'en faire partie, de fusionner avec elle. La musique me portait, et j'entrais en elle également. Je ne faisais qu'un avec tout ça, et je me sentais vraiment très bien.
Je contemplais la beauté à l'état pure, telle que, subjectivement, mon cerveau la modelait à mes propres goûts. Et je pleurais devant cette beauté, qui me semblait douloureuse tellement elle était intense. J'aurais voulu que ça ne s'arrête jamais.


Et puis au détour d'un nuage, dans la nuit noire de l'univers, je me suis rencontrée. C'était moi, et puis la petite fille qui vit en moi, que j'ai découvert là. Je suis allé à leur rencontre. Avec bienveillance, comme on retrouve de vieux amis. J'étais contente de pouvoir les regarder en face. Et je leur ai pardonné. J'ai pardonné à l'enfant que j'étais, et à l'adulte imparfaite que je suis. Je leur ai dit que tout allait bien. Que je les aimais.
Et j'ai pleuré, pleuré, pleuré, libérée de quelque chose de très profond.

J'ai eu le sentiment de faire partie d'un Tout. De faire partie de l'univers, du cosmos, de la Vie. D'être en communion totale, de pouvoir toucher du doigt les secrets de l'existence. De pouvoir regarder à la fois le passé, le présent et le futur... Et le monde entier.
C'était comme d'aller voir dans les choses, aller au delà du sens premier, d'aller au cœur de la compréhension.


L'image à changé. J'y ai vu un fœtus - est-ce que c'est un enfant ? Est-ce que c'est mon enfant ? L'enfant que je n'aurais jamais ? Aurais-je un jour des enfants ? Je sentais monter un peu de panique, mes peurs qui remontaient ,- et je sentais que je pourrais vite en être submergée, si je laissais faire.

Alors j'ai laissé filer, et j'ai voyagé ailleurs.

Je me suis absorbé dans la contemplation des tatouages de ma cousine, qui glissaient sur sa peau, librement. Je me suis demandé s'ils pourraient glisser jusqu'à ma peau. Et puis j'ai été fasciné par la lumière jouant dans ses cheveux bruns. J'ai commencé à les brosser, pendant que mes sens - vue, toucher, odorat, ouïe - étaient en plein looping halluciné.
J'ai vu ma cousine telle qu'elle était : superbe, forte, confiante, une part de l'univers- et même l'univers tout entier à elle seule. Et j'ai été triste, triste à en pleurer, parce que je savais qu'elle ne se voyait pas comme ça - et qu'au contraire, elle doute toujours d'elle même. J'aurais tellement voulu qu'elle voit ce que je vois, qu'elle voit quelle personne merveilleuse elle est. Toutes les possibilités de l'univers tenaient dans une mèche de ses cheveux. Tout était là.

Nous étions là, tous les trois, ensemble.

Les effets ont commencés à s'estomper au bout de 4h. Je regardais le plafond, les dalles de polystyrène qui scintillaient comme de l'eau, d'une couleur vert pastel, des fins poissons violets passant sous la surface, et je commençais à reprendre mes esprits. J'avais de plus en plus de mal à m'immerger dans la musique.
Les couleurs s'affadissaient. Devenaient sales. Inintéressantes.
Elles revenaient à la normale.
Les effets hallucinatoires refluaient, n'étant plus visibles qu'en périphérie de ma vision.

Le voyage prenait fin.

La NASA, fournisseur d'images psychédéliques depuis 1950. L'industrie des drogues psychotropes les remercie.

Notes : Bien sur, je me dois de préciser que le LSD est une drogue, et qu'elle est illégale.
Toutefois, il est intéressant de savoir qu'elle a été à l'origine utilisé comme médicament, et notamment par des psy, pour "faciliter l'approche psycho-thérapeutique".
Au vu de mon expérience, je ne peut qu'approuver.
Elle est surtout connue pour être la drogue des hippies... Et, étrangement, elle semble être passé de mode, comme le mouvement. Très peu utilisée aujourd'hui, elle semble être la drogue des personnes qui cherchent une expérience mystique.
Il est également intéressant de préciser que c'est une drogue qui ne provoque aucune accoutumance. Elle n'est certes pas sans danger (j'ai constaté à quel point il est facile de glisser" vers des pensées anxiogènes, et comme les ressentis sont exacerbés, j'imagine à quel point un bad trip peut être cauchemardesque), mais j'ai tendance à penser qu'elle n'est pas plus dangereuse qu'une biture à la vodka, par exemple...

Sources :

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