samedi 10 novembre 2018

Bonjour dépression, ma plus fidèle ennemie


Ça a commencé à mon retour du Brésil. Après le silence de Miguel, que je ne comprenais pas (ou que j’avais peur de comprendre), le brouhaha incessant de mes doutes, de mes peurs, de mes pensées.

Le retour à une situation trop familière : la déception, l’incompréhension, le sentiment d’abandon, les conclusions qui semblent s’imposer d’elles-mêmes. La tristesse, le chagrin, puis la rupture qu’il faut digérer et surmonter.


Mais ensuite sont arrivées les idées noires. La lassitude. « Pourquoi je me lève le matin ? » « Pourquoi je continue ? » « Ma vie n’a aucun sens ». Une fatigue comme une chape de plomb, qu’aucun sommeil ne parvient à atténuer – et pourtant, le sommeil me cueille comme une fleur, à peine allongé, un état de torpeur profond et sans rêves. Je me fais faucher par le sommeil dès que je me pose : 
J’ai voulu faire un cours de relaxation : je me suis endormie.
J’ai voulu faire du yoga : ça s’est fini avec ma joue sur le tapis et la bave qui coule de ma bouche gracieusement béante.

Mais si je ne dors pas, je pleure.

L’incompréhension de l’entourage : « Mais tu viens d’acheter une maison, tu as des amis extraordinaires, un boulot que tu adores ! »
Oui, j’ai quasiment tout pour être heureuse, c’est parfaitement vrai.
Et pourtant, j’ai envie de mourir.

Copine#1, après son incompréhension, a très bien définit les choses : 
Seulement voilà, tu as un problème, peut-être même est-ce une maladie, bref un truc que tu ne contrôles pas et qui attaque ton moral comme d’autres saletés attaquent le corps, et ce quel que soit l’état du dit corps.
C'est ça : comme un petit animal qui grignote mon moral.

Autre métaphore : les Détraqueurs, ces épouvantables gardiens de prison de Harry Potter. C'est très frappant, dans Le Prisonnier d’Azkaban : Ils arrivent, et « on ne ressent que tristesse et désespoir, les souvenirs heureux disparaissent ». C’est brutal et incompréhensible. Ron dit même quelque chose comme « J’ai eu le sentiment que je ne rirais plus jamais ».
Je trouve que c’est une incarnation très astucieuse, pour parler de cette maladie.


Ce n'est pas facile, de parler de tout ça. De parler de quelque chose qui ne semble pas rationnel.

Lorsque je conduis, je me demande pourquoi je continue. Pourquoi je ne m’envoie pas, à pleine vitesse contre le premier arbre venu. Et puis je me demande ce que ça ferait. Est-ce qu’on meurt encore, contre les platanes ? Moi et ma bagnole rutilante, acheté pour aller voir un homme qui m’a quitté le lendemain de la commande, truffée d’airbag et autres technologies veillant à ma sécurité.
Ma sécurité, quelle blague : à quand les airbags pour se protéger des autres ? A quand les parachutes pour ne plus s’écraser après avoir planée trop haut ?

Est-ce que je mérite d’être triste ? Est-ce que c’est un prix à payer pour le reste, pour les choses que j’ai accomplies ? Ou est-ce que je suis coupable d’une faute que je n’ai pas identifiée ?

Mes journées se passent à ruminer ces interrogations, alors que tout est en gris et noir. Parfois les larmes montent. Je me sens vulnérable au milieu d’une foule, ou même juste au milieu d’une rue vide. Je me dis qu’il faut que je rentre, vite, je me sens mal, j’ai peur, je tremble, j’ai envie de pleurer.

Le reste du temps, je rempli mon agenda de choses à faire, suffisamment pour ne plus avoir le temps de penser : travail, sport, ciné, sorties, théâtre, recherche de nouvelles activités, alors même que je suis épuisée. Mais c’est plus fort que moi, je rempli mes journées, comme pour remplir ce vide en moi.
Cette frénésie pourrait être drôle, si elle ne me fatiguait pas autant, nourrissant mon impression d’être perdue dans un rôle que je ne maîtrise pas. Dans un monde où je ne trouve pas mon équilibre.

Je continue la boxe, la musculation, la danse. Des activités où je n’ai pas le temps de penser, où je peux me fuir, et ne pas être seule – du moins pas seule avec moi-même.

Je fais bien semblant : je travaille bien, je souris beaucoup, je fais beaucoup de choses. Tout le monde pense que tout va bien. Copine#1 elle-même est tombé des nues le jour où, le cœur gros, je lui ai dit que je luttais chaque jour contre l’envie de me foutre en l’air.
Je crois que c’est ce qui m’effraie le plus : cette facilité à dissimuler un état aussi profond, aussi total. C’est ce qui me fait craindre le pire. Comme si cette bête, cette entité qui grignote petit à petit ma joie de vivre, ne pouvait qu’encore plus s’épanouir à l’ombre de mon masque.

6 commentaires:

  1. Et si c'était un gros chagrin d'amour plutôt qu'une dépression? Aujourd'hui, on n'accepte plus la douleur, parce qu'elle nous ralentit et que tout doit aller vite. Elle parait anormale alors que ce que tu décris c'est tout à fait normal quand on a le coeur brisé. Parfois, ça prend plus, parfois moins de temps.
    Il y a deux ans, je suis passée par ce que tu décris lorsqu'un mec que j'aimais vraiment beaucoup m'a larguée par sms. Il m'était arrivée de m'effondrer lors d'un chagrin d'amour par avant, genre épave totale parce que je me sentais faible d'être aussi atteinte...mais là, j'ai décidé d'accepter toute cette merde que je traversais et c'est la meilleure chose que j'ai faite...parce qu'en acceptant, j'ai arrêté de me battre contre moi-même et je ne me suis pas cachée. J'allais mal et je le montrais, en me disant que j'emmerdais le monde, que j'avais bien le droit si j'en avais envie de montrer ma peine. Le seul que j'ai protégé du mieux que j'ai pu, c'est mon fils. N'empêche si c'est trop dur, va consulter un spécialiste, au moins pour y déposer ta peine. Ils sont censés être neutres :-)

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    1. Merci Elisa pour ce témoignage. Je crois que je traverse en réalité des gros chagrins au pluriel.
      Je compare avec il y a 1 an, où j'étais réellement une épave, et là ce n'est plus la même douleur. Mais peut-être que, comme tu dis, c'est seulement une forme de pression que je me mets, car "ça ne devrait plus" me faire mal. Alors qu'il n'y a pas de règles ! Ce que je pourrais dire à n'importe qui, sauf à moi, car je n'ai aucune bienveillance envers moi-même...
      Quoiqu'il en soit, j'ai choisi en effet d'aller voir un spécialiste, car c'était trop dur à gérer... Je suppose qu'accepter être dépassée est déjà une avancée.
      Et réussir à en parler par le biais de cet article (sur lequel je peine depuis des semaines, je dois bien l'avouer), est sans doute un signe que j'avance à petit pas...

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  2. Avoir un coup de déprime suite à ton retour : le climat, le mal du pays, le fait qu'il te manque et que le message n'était pas clair de son côté... Tout ça fait que c'est plutôt normal. Ce qui ne l'est pas c'est que ça dure trop longtemps :(
    Après tu es totalement lucide : tu as tout pour être heureuse (entourée, boulot top, jolie maison) mais dans ta tête tu n'as rien.
    Alors c'est quoi la solution pour que tu ailles de l'avant ?
    Ne te laisses pas envahir par tout ce chagrin, c'est trop lourd à porter... Et tes idées noires, ne les gardes pas ... Va consulter, n'attends pas ma belle
    Je pense à toi <3 et surtout... prends soin de toi.

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    1. Merci ma chère Matka <3
      Oui, tu as raison, et j'ai commencé une thérapie, avec une psy qui ne lâche rien, et m'oblige à regarder en face toutes mes failles... Evidemment, je réalise que tout ce que j'ai vécu ces derniers mois a fait échos à d'autres souffrances, et c'est sans doute ce que je dois affronter pour réellement aller de l'avant.
      Alors pour l'instant, je vois ma psy, je continue, et... j'attends. Que quelque chose se passe, que je retrouve la sérénité ou la joie de vivre, bref, j'attends de sortir du tunnel.
      La bonne nouvelle, c'est que je dis "J'attends le moment où je sortirai du tunnel", et non plus "J'attends de voir si un jour je sortirai réellement du tunnel". Il y a un peu d'espoir en moi, c'est très inattendu !

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  3. Réponses
    1. Cher(e) Anonyme,
      J'ai un peu de mal à écrire, et plus encore à publier, même si depuis votre petit message, un article est paru. Si je devais donner des news, ça serait "Je ne peux pas dire que je vais bien, mais je ne vais pas pire, et ça, c'est déjà pas si mal !".
      Ne vous inquiétez pas trop, je suis suivie par une psy, et ce sera certainement un travail de longue haleine, dont je parlerais peut-être un peu. Et si j'arrive à en parler, c'est que c'est bon signe, j'imagine !
      Merci pour cette petite marque d'attention en tout cas. <3

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