Depuis quelques temps déjà, j’avais le dos bloqué - plus précisément au niveau de la hanche. Depuis Nathan, certes, mais à vrai dire ça commençait à aller mieux. Enfin, jusqu’à ce que j’aille faire du canyoning en Guadeloupe et que je choisisse le niveau 3+ en guise d'initiation, le tout sous un véritable déluge, pendant que le guide me hurlait dessus continuellement en me disant qu'il faudrait peut-être que je commence à me sortir les doigts et que je passe la seconde - alors qu'on n'arrêtait pas de courir et, qu'on je me bouffais tous les rochers possibles. J’en suis repartie en ayant l’impression
d’avoir joué avec ma vie et d'avoir déboîté mon bassin.
Un mois plus tard, ma fesse gauche n'était plus violette mais c'était bien la seule bonne nouvelle ; après une énième nuit à pleurer dans mon lit parce que j’avais trop mal, j’ai décidé d’aller voir quelqu’un, n’importe
qui du moment que ça pourrait me soulager, et le plus vite possible..
Après divers recherches, j’ai opté pour cet ostéopathe.
Jeune, peut-être une trentaine d’année, peut-être moins.
Mince, mignon. Très calme, très posé. Il pose des questions extrêmement
précises, dans un ordre que je devine étudié. Sa voix est douce, basse. Il
chuchote presque.
Il me demande de me mettre en sous-vêtements. Soudain, je réalise à quoi je
ressemble : Je sors du boulot, je sens la transpiration. Je porte un soutien-gorge taché de peinture (j'ai repeint ma cuisine en sous-vêtements, cet été), et une vieille culotte détendue rescapée de mes années
lycées. Elle est rouge à carreaux (ma période punk), et les bords d’une énorme
serviette hygiénique dépassent de partout – mes règles se sont déclenchées au
boulot il y a quelques heures avec plus d’une semaine d’avance, et je n'avais rien de mieux sous la main. Des poils
débordent de partout, et mes jambes sont littéralement velues.
Attention, voici le monstre menstruel qui arrive !
Je crois qu’une partie de moi avait occulté que j’allais finir à moitié nue.
AHEM |
Il me fait mettre debout, il me fait me pencher, il
regarde, il fronce les sourcils, il me fait m’allonger. Il me pose d’autres
questions, il acquiesce avec des petits « hmm hmm » que je trouve
sexy. Mon corps est incapable de se détendre. Il chuchote « Laissez moi faire »,
son torse contre mon dos, en essayant de m’aider à pivoter. J’ai la chair de
poule.
Il est à moitié sur moi, je sens le bas de sa barbichette
qui chatouille mon épaule, je sens son souffle sur ma peau. Plus tard, je m’aperçois
que je peux sentir son cœur battre à travers le tissu de son tee-shirt.
Je me suis mise à chuchoter moi aussi.
Il y a une ambiance très intime qui m’affole et me perd
complètement.
Je suis recroquevillée, pendant qu’il tire sur mes jambes
et fait pivoter mon buste.
« Vous avez un chat noir ? »
« Comment le savez-vous ? »
« Vous êtes trop
blondes, ça se voit bien »
Son sourire est adorable, lorsqu’il s’autorise à l’esquisser.
Je suis allongée sur le dos. Il me parle de son chat à
lui. Il me dit que c’est son premier chat. Qu’il a toujours eu des chiens. Mais
qu’en appart, il ne voulait pas de cette vie-là pour un chien. Alors il a pris
un chat. Et finalement, c’est bien.
Je parle des chiens. Que ça m’a effleuré d’en prendre un –
pour ne pas randonner seule, et pour me balader avec. Mais que c’est plus de
responsabilité qu’un chat, qu’il faut le sortir à heures fixes, sauf que j’aime
mon indépendance, partir et rentrer quand je veux. Que finalement, un chien ne
serait qu’un caprice.
Je termine sur un petit rire, qui s’étiole doucement dans l’air. Un
petit temps, et puis il demande, de sa voix basse et sans intonation
particulière :
« Et les hommes… C’est un caprice ? »
Ma gorge se noue. Je suis prise au dépourvue.
J’essaie là encore de lancer un petit rire – mais ça ne
fonctionne pas, et mes yeux se remplissent de larmes.
« Non. Les hommes ne restent pas avec moi, c'est tout ».
Plus tard.
Il m’a tordu un peu dans tous les sens, un truc a bougé
dans mon flanc, et je me tortille sur la table en gémissant
« Vous m’aviez dit que ça avait l’air barbare, mais
que ça ne ferait pas mal ! »
« J’ai dit ça »
« Mais vous m’avez menti ! ». Je suis
offusquée.
« Non…. Oui….. »
Je crois qu’il est aussi surpris que moi. Cela dit, j’ai
l’impression que quelque chose a bougé, et que la pression est moins forte.
Encore plus tard.
Je suis assise sur le bord de la table. Il incline ma
tête, et essaie de débloquer mes trapèzes.
J’ai la tête qui tourne, je me sens épuisée.
« Et…. La solitude…. Ce n’est pas trop dur ? »
De nouveau, ma gorge se noue.
« Si, ça l’est ».
Lorsque la séance se termine, je suis extrêmement
perturbée. Je ne sais pas ce qui s’est passé. J’ai l’impression d’avoir
partagée trop de choses, d’avoir été intime avec cet homme. Je suis perdue.
Il m’appelle par mon prénom. Il soupire. Me dit que c’est
assez incroyable l’étendue de mes contractures. Que concernant mon bassin, ça devrait
s’atténuer doucement sur les 7 prochains
jours. Mais qu’il y a beaucoup de choses à faire pour tout le reste. Que le
corps marque aussi les chocs émotionnels, les traumatismes, bref, tout ce qu’on
vit. Et que ça, il faudrait que je m’en occupe lorsque je m’en sentirais
capable.
La séance a finalement durée moins d’une heure. Il me
regarde droit dans les yeux, de derrière son bureau.
Il joue avec son alliance.
Il joue avec son alliance.
Quelqu’un toque à la porte. Il jette un « Un instant ! » impérieux.
Son regard ne me quitte pas. « Vous avez d’autres questions ? »
Non, je n’en ai pas.
Je repars, complètement chamboulé.
Je me couche dès que je rentre. Je pleure un peu.
J'ai son odeur dans mes cheveux.
Cette question tourne dans ma tête : « Et les
hommes… C’est un caprice ? »
Je ne suis même pas certaine d’avoir vraiment compris ce
que ça voulait dire.
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