Après le désastre de mes essais de cours de yoga, puis de cours de relaxation (où j'ai fini, dans les deux cas, par m'endormir en plein cours, la bave aux lèvres), j'ai testé un cours de méditation - avec la quasi-certitude que la conclusion serait la même, et que j'allais finir par ronfler.
Eh bien pas du tout !
Incroyable !
Ça faisait pas mal de temps que mon médecin généraliste me
conseillait d'essayer la méditation - c'était même presque ridicule,
j'avoue :
- J’n’arrive pas à gérer mon
stress
- Essayez la méditation
- Je suis épuisée
- Essayez la méditation
- Je fais trop de trucs, je
m'en sors plus
- Essayez la méditation
- Mais.... Je vous dis que je
fais déjà trop de choses !
- Essayez, bon sang !
Bon, mon médecin a aussi
tendance à me dire « J'ai un bon feeling avec vous » et « vous êtes une personne brillante et très intelligente, Mademoiselle B. », sans parler de cette fois où il m'a expliqué qu'il ne croyait pas au couple "traditionnel" et qu'il était très détendu avec sa compagne, en posant sa main sur mes mains, ce qui m'amène à penser que j'écrirais peut-être un jour un
article "J'ai couché avec mon médecin", ce qui arriverait plus vite si je n'avais pas une santé aussi scandaleusement solide, qui ne me donne pas de bonnes raisons de prendre rendez-vous, mais enfin je m'éloigne du
sujet.
La méditation, donc.
Lotus, sérénité, tout ça.
J’arrive le premier cours dans une espèce de salle paumée
au sein de la MJC, au dernier étage, après être passée derrière les bureaux administratifs, pris un escalier recouvert de moquette crasseuse et passé une porte capitonnée qui ne fermait pas – « Woooookay, me dis-je, on
sent qu’il y a des moyens pour les cours de méditation ». La salle est minuscule, mais plutôt confortable.
J’avise un mec qui respire la sérénité, 40 ans, élancé et
charismatique, plutôt beau mec et souriant.
« Bonjour, je viens faire un cours d’essai »,
lui dis-je en me penchant vers lui.
« Très bien, installez-vous sur un coussin »,
me répond du fond de la salle un petit papy que je n'avais pas remarqué, à la barbe blanche, aux lunettes triple foyers et au tee-shirt "Kokopelli".
Je suis dans mes petits souliers.
Finalement, je suis un peu tombée amoureuse de ce petit papy :
il guide des petites périodes de méditation, nous invitant à nous concentrer
sur notre respiration, sur notre corps, ou sur d’autres points. A chaque fois,
il explique « Ça c’est de la méditation guidée. Ça c’est de la méditation
libre ». Etc.
Il fait des petites blagues pas toujours drôle, mais qui le
font rire tout seul, d’un petit rire secoué et joyeux, et je trouve ça adorable.
Je me sens bien, ici.
Et puis c'est la seule personne que je connaisse qui dise des choses comme « On m'a proposé une salle plus grande pour le cours, mais l'énergie y est dé-plo-ra-ble ! ».
Parfois il lit quelques pages d’un livre. Parfois
des textes qu’il trouve sur internet. Il nous fait aussi faire de la méditation
en mouvement : il s’agit de marcher, lentement, de façon à ressentir
toutes les sensations possibles, en respirant posément, et en étant fluide avec
le reste du groupe. Je crois que c'est ce que je préfère, car j'ai plus de facilité à être à l'écoute de mes sensations que d'essayer de faire taire toutes les voix qui parlent dans ma tête.
Il y a également une méditation que l'on fait en fin de cours, "La méditation de l'amour bienveillant". Le prof la propose a chaque fois, mais toujours en demandant « Vous ne trouvez pas ça trop culcul ? Non ? Ca va ? Parce que moi j'adore, mais je sais que je suis très culcul ». Et puis il rit.
Il s'agit de penser à quelqu'un que l'on aime, et de matérialiser notre amour pour cette personne, de le ressentir, de le transmettre.
Un peu curieuse, j'ai voulu tenter de penser à Charles-Henri - pas tant pour transmettre quoique ce soit, parce que clairement, j'ai plus ou moins toujours envie de tuer ce mec, mais pour tenter de travailler sur l'apaisement de la rage que j'éprouve à son encontre.
L'idée n'était pas trop trop mauvaise en soi, mais l'exercice était beaucoup trop compliqué sur ce type de méditation. En revanche, quelques semaines plus tard, justement le prof proposait un exercice parfait pour ça : Il fallait s'imaginer être en face d'une personne envers qui on ressentait des choses très négatives, et essayer de ressentir de la bienveillance.
Je m'y suis donc essayé avec application. Car pour moi, l’intérêt était le suivant : si je pouvais faire ça, si je pouvais ressentir de la bienveillance envers l'idée, envers le souvenir de Charles-Henri, c'était finalement envers moi-même que je ressentais de la bienveillance. Ce n'est pas une question de pardon de l'autre - c'est une question d'apaisement vis-à-vis de soi.
Bon, autant le dire tout de suite : j'ai échoué.
A peine étais-je face à l'idée mentale de Charles-Henri, que je flambais déjà de colère. Mais j'ai tenu bon. Je me suis tenu à distance, comme un chat sauvage, observant cette représentation mentale sans visage et ce qu'elle faisait naître en moi, et en tachant de respirer avec mes ressentis, et de les apprivoiser.
C'est tout ce que j'ai été capable de faire. Mais je me suis dit que peut-être, à force de me tenir en lisière, j'avancerais un pas après l'autre, apprivoisant petit à petit l'image de Charles-Henri, jusqu'à me débarrasser totalement de ma colère.
En bref, la méditation, c'est plutôt pas mal. Je n'arrive pas à pratiquer chez moi tous les jours, ce qui, parait-il, est idéal, mais je reconnais que ça apporte un certain calme intérieur. Certes, plus on pratique, et plus on s'aperçoit qu'on est toujours en mouvement ou en train de penser, et c'est une discipline permanente qui, je crois, ne sera jamais facile.
Pour autant, je me sens un peu plus posée. J'ai moins envie de m'oublier dans des activités physiques, moins envie de passer des heures au sport, moins envie d'aller pousser mon corps à bout en salle ou sur un ring. D'ailleurs je n'ai plus envie de combattre. J'ai juste envie de me reposer, et de prendre soin de moi.
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