mardi 17 novembre 2020

"Votre analyse révèle des éléments à haut-risque oncogène"

Intéressant, l'abyme qui s'ouvre en soi lorsqu'on lit cette simple petite phrase surlignée en jaune, dans un courrier reçu le matin même.

Dans un premier temps, je me suis dit, hébétée « Peut-être que "oncogène" n'est pas exactement ce que je crois que c'est ».

J'ai vérifié.

C'était exactement ce que je pensais que c'était.

C'est-à-dire : la merde.

J'ai téléphoné à ma gyneco (car tout cela se passe dans la riante région de l'utérus, et elle était l'autrice de ce joyeux courrier). 
Qui n'a pas répondu (elle ne répond jamais).
Sa secrétaire n'est au courant de rien.
Je lui demande posément : « Je suis censé faire une biopsie, selon le courrier. Je dois faire ça où ? A l'hôpital ? Au cabinet ? Par elle ? Par un autre spécialiste ? Ca marche comment ? C'est quoi ? ».
Silence.
« Heuuuuu..... Je ne sais pas »
Très bien, voilà qui est encourageant.
J'attends.
Elle finit par me dire qu'elle va demander à mon médecin, et me rappeler.
Mon médecin qui me dit toujours « S'il y a quelque chose dans vos analyse, je vous appellerai ».
Mon médecin qui, donc, ne m'a pas appelé.
Ni rappelé, après mon appel.
En réalité je ne suis pas vraiment surprise, car elle m'avait déjà fait le coup il y a 3 ans : J'avais alors tout juste 30 ans, je venais de me faire tatouer sur un coup de tête par un sublime tatoueur, et je recevais un courrier me disant "votre papillomavirus, qui avait disparu à vos 25 ans, est réapparu, on se revoit dans un an, cordialement".
J'avais téléphoné pour qu'on m'explique pourquoi le machin qui était censé avoir disparu pour de bon (parce que résorbé avant mes 25 ans) revenait, et ce que ça voulait dire. J'avais dû téléphoner chaque jour pendant 3 semaines avant que ma gynéco daigne me faire savoir par l'intermédiaire d'une énième secrétaire que, oui, elle m'avait affirmé l'inverse, mais en fait « Ça peut arriver ».

Quand je repense à ça, je me demande pourquoi j'ai continué à aller voir cette femme.

Et donc j'ai continué à me faire suivre par cette gynéco.
Les 2 années suivantes, je n'avais de nouveau plus rien, et puis cette année, je reçois ce courrier, envoyé par le labo (qui a fluoté des tas de passages), accompagné par une lettre de ma gynéco (qui donc ne m'appelle pas) disant que je dois faire une biopsie. Et que sinon, pas besoin de se protéger sexuellement, je ne risque pas de le refiler. Bisous.
En relisant toutes mes analyses depuis dix ans, je réalise que je n'ai jamais eu ces résultats, jamais aussi alarmant. 

Mais bien évidement, même topo : elle ne rappellera jamais.
J'irai voir mon médecin généraliste, qui me dira que ces examens complémentaires sont à faire au cabinet gynécologique, par ma gynéco. 
Je me demande donc pourquoi elle ne m'a pas appelé, ni fixé un autre rendez-vous. 
Mon médecin me dit « Mademoiselle B. ... Ce n'est pas encore très grave mais... Ne tardez pas, d'accord ? Occupez-vous de ça au plus vite. Prenez rendez-vous dès aujourd'hui »

Je me dis que c'est vraiment la goutte qui fait déborder le vase, et décide de chercher une autre gynéco. Ce serait l'occasion aussi d'en trouver une plus proche, car j'ai toujours celle que je voyais étant étudiante, et je me tape 120 bornes à chaque fois pour les rendez-vous.
Je la trouvais douce pendant les visites, et ponctuelle, et ça me semblait suffisant... Jusqu'à présent.
Mais pouvoir avoir confiance en son médecin, c'est aussi extrêmement important.
Et je ne me sens absolument pas considéré par elle - ça fait un peu trop de points négatifs.

Je demande autour de moi, je prend quelques noms. Je réalise que ma ville est un désert médical, ou pas loin : les gynéco qu'on me conseille n'ont pas de place avant 5 mois. Ou ne prennent pas de nouveaux clients. Ou ne répondent carrément pas au téléphone.
Ma mère, a qui j'en ai parlé, s'enflamme aussi sec ; il faut dire, l'une de ses collègues a développé un cancer de l'utérus, et en est morte moins d'un an plus tard. Elle avait 36 ans. Je dois lutter pour empêcher ma mère de débarquer et de me trainer aux urgences.

Je finis par avoir au téléphone une jeune femme très gentille, qui, lorsque je lui lis mes résultats d'analyse, me programme un rendez-vous une semaine plus tard, à 8h du matin.
J'y vais avec un peu d'angoisse. On fait le point, je lui montre mes analyses. Elle reste impassible, et m'explique, très factuellement, les évolutions possibles. Elle refuse de s'engager sur un diagnostique quelconque tant qu'on n'a pas fait la biopsie, mais elle prend le temps de répondre à mes questions, et j'apprécie immédiatement son professionnalisme.
Et j'apprécie qu'elle me demande "Si j'ai des enfants", contrairement à d'autres professionnels qui me disent "Combien avez-vous d'enfants ?".
Je lui demande si tout ces problèmes (papillomavirus, lésions, etc) pourraient poser un problème en cas de grossesse. Elle hésite une seconde. Et me dit que ça pourrait en poser s'il faut retirer des morceaux sur l'utérus. Mais que ça n'empêcherait pas une grossesse non plus.
- Vous avez un projet de grossesse ?
Flottement.
J'explique brièvement que j'envisage une PMA, et que je regarde de très près les débats, l'évolution du projet de loi en France. 
- Je pense qu'il ne faut pas attendre que ça arrive en France.
- Ah oui ?!
Je suis immédiatement intéressée par son avis, moi qui avait demandé à ma précédente gynéco son avis sur la PMA (et aussi sur la congélation des ovocytes), récoltant un : «..... Huuuummmmboooof » et un haussement d'épaules. 
J'en avais conclu qu'elle n'avait pas d'avis sur la question.

En revanche, cette gynéco a un avis :
- Admettons que la loi passe effectivement en janvier... Le temps qu'elle soit signé et appliqué... Ensuite il faudra constituer une réserve de sperme. Parce que clairement, les réserves actuelles des banques de sperme ne sont pas prête à faire face à l'ouverture de la PMA pour toutes. Il faudra environ deux ans pour faire un stock probant.
- ...
J'avoue que je n'avais pas pensé à tout ça, mais c'est d'une logique imparable.
- Mieux vaut vous renseigner à l'étranger. Il y a une clinique avec de très bons résultats à Liège, en Belgique. Mais sachez également qu'il y a 6 mois d'attente pour prendre le premier rdv. Et que passé 35 ans, les chances baissent.

Toutes ces infos tourbillonnent dans ma tête.

Tant que j'y suis, je lui parle du don d'ovocytes. Là encore, elle m'expose son avis, que je trouve très juste, et très intelligent :
- Vous allez faire un don alors que vous souhaitez avoir des enfants, ce n'est pas très logique. Et vous allez, en plus, subir deux fois les manipulations très contraignantes. Vous pourriez faire un don pendant la PMA. Mais pas à part. Je ne suis même pas sûre que ce serait accepté, d'ailleurs. Et puis pensez à l'aspect psychologique des choses... Ca pourrait être vraiment très dur pour vous.
J'acquiesce. Je n'avais pas pensé à ça. Pour moi c'était deux choses différentes : le don, qui ne me concerne pas. Et la PMA. Mais si la PMA ne prend pas, est-ce que le don ne me rendra pas amère ?!

Je pense à tout cela pendant que je suis allongé sur son fauteuil, jambes écartées, et qu'elle m'indique que ça va piquer, ("est ce que ça va ?"), pincer ("ça va ?"), faire mal ("ça va toujours ?"). 
Je suis plongée dans mes pensées, avant de me demander brièvement si c'est normal que je n'ai pas mal, alors qu'elle semble craindre que je me torde de douleur.
En réalité j'aurai mal les 3 jours suivants, une désagréable sensation d'irritation interne que je ne pourrais rien faire pour apaiser.

Puis elle dit que c'est terminé, et qu'elle aura les résultats sous 3 semaines.

Je remarque que le fauteuil n'a pas des étriers qui semblent emprisonner la jambe, et qui m'ont toujours provoquées des bouffées d'angoisse, mais des rebords sur lesquels on peut appuyer ses pieds. La position semble moins contrainte, et c'est beaucoup moins anxiogène.
J'aime vraiment bien cette gynéco.

C'est une collègue qui me l'a conseillé, me disant qu'elle avait changé parce que la précédente lui disait "vous avez 26 ans, va falloir penser à faire des enfants". 
Elle m'a dit "celle ci est douce, gentille... et elle ne dit rien sur mon âge ou ma fertilité !"

Je réfléchis à tout ça le reste de la journée. Je cherche dans quel ordre faire les choses. Ca me semble soudain vertigineux, précipité. 
En réalité, je dois commencer les démarches maintenant, non ? Le temps d'avoir un rendez-vous, de lancer le dossier, de faire les inséminations... 
Mais si la biopsie révèle de vrais soucis, et que je dois me lancer... Dans quoi, d'ailleurs ?! Je ne sais même pas ! Est-ce que c'est le bon moment ?
Mais de toute façon, si je prend rendez-vous maintenant, je n'irai que dans 6 mois, et puis avec le confinement, sans doute que ça sera plus long, ils ont certainement dû faire des reports des rendez-vous du printemps... 
Mais si je dois prendre soin de ma santé ? 
Mais n'y-a-t-il jamais de bon moment pour ces décisions ? N'y-a-t-il pas toujours une bonne excuse pour reporter, attendre,... ? Comme dirait ma psy : "Plus on se pose des questions sur le fait de faire des enfants, plus on trouve des raisons de ne pas en faire".

Je décide d'attendre les résultats.

Et, avant de prendre rendez-vous en Belgique, de discuter avec mes amis, et de, peut-être, trouver un donneur parmi eux.

4 commentaires:

  1. je croise pour que ça ne soit rien, c'est toujours angoissant l'attente. Pour le centre à Liège, en effet il est connu. Ma soeur (liégeoise) y était suivie en PMA, la salle d'attente était remplie de patientes françaises; - bref, des tonnes de courage en attendant!!!

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    1. J'ai l'impression que tout n'est qu'attente :/
      Je ne connais pas ce centre, je n'ai pas encore fouillé - et ma gyneco, lorsque je me suis naïvement exclamée "Ah, vous avez des adresses à me conseiller ?!", s'est récrié "Non non, ce sont des patientes qui y sont allés". Je n'avais pas fait le lien avec l'illégalité de la chose, et le fait qu'elle ne peut pas "m'envoyer" quelque part.
      Ta sœur a fait une PMA ? En solo ? Et ça a marché ?

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  2. non pas seule, mais bébé a un peu tardé à s'installer. Oui, ça a marché ;) - C'est sur qu'en France, niveau PMA, y a quand même un petit train de retard...

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    1. Il faut avouer qu'on a souvent un petit train de retard sur beaucoup de choses... :p
      En tout cas c'est top si ça a fini par marcher. Mais c'est dingue qu'elle n'ai pas eu droit à une PMA en France si elle était en couple. Enfin, dans ce genre de cas, c'est le resultat qui compte !

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