dimanche 22 novembre 2020

PMA or not PMA ? (1) : 3 bonnes raisons de ne pas faire d'enfants


 En proie à d'infinis questionnements, et toujours dans l'attente des résultats de mes analyses, je décidais de commencer par le commencement, et demander ouvertement à mes amis s'ils accepteraient d'être donneur pour que je fasse un enfant.

Si Q. avait émis l'hypothèse de le souhaiter il y a un an, il est ensuite revenu sur cette décision en mai, me disant qu'après réflexion, il réalisait qu'un enfant était une grosse responsabilité. Ce n'était pas forcément un "non" définitif, mais clairement un "j'ai encore besoin de temps, je ne suis pas prêt".

Ce qui me semble être très sage de sa part.

Il restait toutefois les autres : David, son mec, Stéphane. 

Nous avons organisé une soirée tranquille chez Q., que j'avais prévenu en amont que je voulais aborder ce sujet. Mojitos pour tout le monde, on s'enfonce délicieusement dans le canapé douillet de Q. pendant que la pluie frappe doucement les vitres, et je me lance. J'évoque ces "éléments à hauts risques oncogène", ce désir qui a pris le pas sur le reste, le sentiment que ma vie autocentrée et égoïste n'a plus aucun sens et l'horreur que ça m'inspire, l'envie d'arrêter l'attente, comme si j'étais une princesse qui doit tout mettre sur pause en attendant qu'un homme vienne la sauver. Et je leur demande de réfléchir à ma demande, que ça pourrait être un don anonyme, ou qu'ils pourraient être là, et donner de leur formidable personnalité à l'éducation d'un enfant.

David prend la parole tout de suite :
- Je peux te répondre immédiatement, et de façon définitive, car la question s'est posée avec une autre de mes amies. Je ne souhaite pas "laisser" quoi que ce soit à ma mort. Je vis le présent, je ne veux rien après.
La réponse de David m'interpelle dans sa beauté. C'est chargé d'humilité, et c'est d'autant plus admirable qu'il est comédien, metteur en scène et auteur de pièces de théâtre. Il est intermittent du spectacle et il vit de son art - et pourtant, il ne souhaite rien laisser au monde après sa mort.
Il vit au présent - le reste, l'après... Ca n'a pas de sens pour lui.
Je suis ébranlée par sa sagesse - car après tout, de notre arrogance de vouloir laisser une empreinte sur le monde, que laisserons nous vraiment ?! N'est-ce pas pure vanité, que de courir absolument après "une trace" ? Que restera-t-il de cette trace, dans 100 ans ? Dans 1000 ans ? Le vrai sens de la vie, n'est-ce pas de vivre pleinement, et en accord avec ses principes, sans se raconter d'histoire au sujet de notre importance dans l'univers ? Si David, artiste à succès, et à la sensibilité à fleur de peau, ne cherche ni gloire, ni marquer l'histoire ou l'Histoire, qui peut oser prétendre le faire ?!
Plus encore, j'entends, à travers les mots de David, que donner la vie est certainement l'une des seules manières de laisser une trace - non pas en tant qu'individu, mais en tant qu'espèce, comme nous l'avons fait depuis des millénaires. Je crois que ça me conforte dans mon choix.
- Je suis désolé, dit-il sincèrement.
- Ne le soit pas. Je comprends très bien. Et je te remercie.

Son mari prend la parole juste après. 
- J'ai eu cette envie, il y a une dizaine d'année. Je t'aurai surement dit oui, alors que ma situation n'était pas idéal. Aujourd'hui j'ai tout ce qu'il faut : la maturité, la situation stable, les finances.... Mais je n'ai plus cette envie. Car il me semble inconcevable de faire un don anonyme de sperme - si je le fais, c'est pour avoir un rôle dans sa vie. Mais je n'en ai pas l'envie. Je veux juste... Profiter de mon quotidien, et de David. 
Les autres approuvent : oui, oui, un don anonyme, hors de question, ils assument forcément ou ne le font pas. 
- En plus, je crois qu'on est beaucoup trop sur terre. Je ne veux pas ajouter un être de plus.
- C'est définitif dans ta tête aussi ?
- Oui, ça l'est. Mais je comprends tout à fait tes questionnements, ton désir et je te soutiens complètement.
- Merci pour ta sincérité.

Je suis là encore très émue par ces mots, par l'état d'esprit de ces gens formidables que j'ai la chance d'avoir pour amis.

Et puis Stéphane prend la parole à son tour :
- Ma réponse sera définitive également : je pense que l'espèce humaine court à sa perte, et je méprise mes semblables. Je ne veux pas mettre au monde un enfant dans ce monde là. Toutefois, je ne juge absolument pas ton désir, et je te souhaite même de l'assouvir - et moi, je me souhaite de me tromper sur l'avenir du monde.
Je le remercie également. A nouveau, ils réaffirment qu'ils comprennent mon désir, qu'ils m'encouragent et me soutiennent. "Et puis, disent-ils, on sera toujours là pour être des tontons exceptionnels !". 

Je les regarde, ces trois magnifiques personnes, qui ont chacun trois bonnes raisons de refuser de m'aider, trois raison honnêtes, sincères et en accord avec leurs valeurs. Aucun ne voudrait faire un enfant et s'en laver les mains, et j'ai un respect infini pour cela. Je les regarde et je les aime tous très forts. Ils s'excusent à nouveau, mais leurs réponses sont parfaites, et je n'ai aucune aigreur à ce sujet.
Paradoxalement, en entendant leurs bonnes raisons de ne pas devenir père, ça accentue mon envie de devenir mère. Oui, moi je souhaite laisser une trace, et surtout me consacrer à quelque chose de plus grand que ma petite personne. Oui, je crois que le monde prend une très mauvaise pente, mais je pense aussi qu'il est urgent d'inculquer des valeurs différentes, et d'éduquer des enfants à aimer leur monde et leur prochain. 

Q. reste silencieux, et je n'ose lui demander où en sont ses réflexions. Je me dis que j'aborderai la question plus tard avec lui.

Davis reprend la parole :
- J'ai une amie qui a fait une PMA. En Belgique ou en Espagne, je ne sais plus. Elle avait décidé qu'à 30 ans, envers et contre tout, qu'elle ai un mec ou pas, elle aurait un enfant. Ca te dirait de la rencontrer ?
- Mais grave ! Et ça a marché ?
- Du premier coup. C'est une personne très... décidée, dit-il en souriant avec affection. Quand elle a décidé un truc.... Elle y va à fond.
Je suis super excitée à l'idée de cette rencontre. 
- J'ai aussi une autre copine qui est très.... "alternative". Elle se penche sur les histoires de coparentalités, et réfléchis même à des logements en commun, pour élever les enfants "en tribu"... Elle est un peu plus dans son monde, mais...
- Non, non, au contraire, ces réflexions là m'intéressent également ! Mon père adoptif était sénégalais, et j'ai toujours été convaincue que la vie en communauté, comme il l'avait vécu en Afrique, donnait des individus ouverts, généreux et optimistes.
- On essaie de se faire une soirée pour que je te présente tout ces gens ?
- Très volontiers !

Ce sera donc ma prochaine étape.
(Du moins ça l'aurait été s'il n'y avait pas eu ce nouveau confinement)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire