lundi 22 novembre 2021

Fragment(ée)s (6)

Ce fichu NEZ !

Pour une raison que je peine à comprendre, (depuis Le Joueur d'Echecs ?!), mon odorat s'est surdéveloppé. 
Je pensais qu'il s'agissait de PMS, sauf que cela perdure depuis des semaines, voir s'amplifie. J'associais cela à un mode de vie sain - sauf que je mange mal, dors peu, et ne prend absolument pas soin de moi ni de ma santé. 
Et pourtant, je sens tout - TOUT.

Incroyable, ce qu'on peut apprendre en faisant attention aux odeurs des gens, des plus discrètes aux plus agressives.
Au boulot, je croise une collègue qui revient de burn out. Je ne l'aime pas beaucoup, et on ne fait que se croiser quelques secondes dans le couloir, sans s'arrêter. Immédiatement, son parfum m'agresse. Elle en met plus que d'habitude (mais mes autres collègues m'affirment ne rien sentir). Et le mélange avec l'odeur de sa peau est différent - plus prégnant. J'en déduis qu'elle transpire plus - et certainement pas en raison des températures, devenues hivernales. Donc elle stress. Elle n'est pas à l'aise depuis son retour, et elle a tout à prouver. Donc plus de parfum, plus de stress.
Effrayant ce qu'on peut percevoir dans l'odeur des gens.
Mais épuisant aussi. J'ai passé quelques jours à Paris, et la promiscuité des transports en commun me filaient des migraines : odeurs de savon, de lessive, de transpiration, de maquillage, saleté,... Trop d'informations.

Qu'est ce qu'on peut faire, quand on est trop sensible aux odeurs ?

Les tables rondes

Le weekend du festival littéraire arrive. J'ai engloutie ad nauseam une vingtaine de romans en moins d'un mois, et ce n'est pas suffisant. Je n'ai pas tout reçu. Je ne suis pas au point. Je n'ai pas eu un seul jour de repos en un mois, et je dors 4h ou 5h par nuit. Je me couche vers 2h du matin, après avoir préparé mes rencontres littéraires, ou revu ma pièce pour le projet théatre, ou autres actions au boulot. 
Je suis tellement débordée que je n'ai même pas le temps de refaire un burn out.
Ma cheffe, qui commence à revoir sa copie depuis mon craquage de juillet, me somme de prendre des congés - agacée, je lui propose qu'on regarde ensemble quand ce serait possible. Elle convient qu'il n'y a pas de possibilités.

Pour autant, je suis ultra focus le jour J. J'arrive en avance, il fait un froid de gueux et je dois gratter la glace sur ma voiture.

La première rencontre est forcément la plus stressante : la toute première fois.
Et ça se passe le plus mal possible. Un vrai baptême du feu : une autrice pète complètement les plombs et rugit contre le patriarcat et les hommes en général, alterne entre refus de prendre part au débat et diatribes enflammées sur lesquelles je suis censée faire rebondir la rencontre, et je m'attends à tout moment à ce qu'elle quitte la salle et/ou jette son fauteuil à travers la pièce et/ou nous gifle à tour de rôle. 
Son langage corporel transpire l'anxiété, elle est recroquevillé, elle jette des regards furibards, et je prend malgré moi ses ondes de détresse, de haine, et son désespoir. Je ressens et je comprends que quelque chose de terrible se passe en elle, et je me dis qu'elle devrait juste repartir chez elle, ou même passer la matinée ou la journée dans sa chambre d'hôtel, ou un endroit où elle se sentirait safe.
Je passe la rencontre en apnée, avec certainement un air de panique voire de terreur plaqué sur le visage, et je me console en me disant que les 5 prochaines rencontres ne POURRONS PAS être pires.
J'en ressors lessivée. Les (autres) auteurs présents me féliciteront de cette première fois honorable, et me diront "elle n'avait pas l'air d'aller très bien, l'Autrice. .."
Sans blague !
Une fois seule, le contrecoup me fera flancher, et, les larmes aux yeux, je chercherai, sans jamais réussir à foutre la main dessus, une buvette où je pourrais m'envoyer un café très fort, à défaut d'un verre d'alcool (très fort itou) 
J'apprendrai plus tard par la Directrice du festival, qu'elle a été agressé par un groupe d'hommes, et qu'elle se débat aujourd'hui contre son syndrome post-traumatique et une haine généralisé de la gent masculine. 
J'y comprendrais bien mieux ce que j'ai perçu en étant assise à côté d'elle, et cette reconnaissance instinctives de sentiments violents qui m'ont ou m'habitent encore. 
Bouleversée par cette expérience, qui, associée à ma fatigue, mes propres sentiments, mes tourments, je m'ouvrirai à la directrice du festival, devenue une amie, et lui racontais ce qu'il s'est passé il y a un an. Ce que j'ai vécu par la suite, et surtout l'explosion un an après, sorte de décompression tardive. Elle acquiesce, me rassure, est une oreille attentive et bienveillante, et ça me fera un bien fou d'échanger avec elle, féministe convaincue, et personnalité très entière.

Comme prévu, et heureusement, les rencontres suivantes seront bien moins épiques, même si je rencontrerai mon lot de déconvenues, et que je réaliserai que j'ai très mal préparé ces rencontres : une préparation scolaire et statique est inutilisable lorsqu'on doit gérer plusieurs auteurs en même temps, à moins de rendre l'exercice plat et sans saveur...
Mais une fois catapulté dans ma journée, impossible de rectifier le tir, à part en improvisant... Peut on improviser 6h de rencontres ?
Presque ...
Je finirai ce weekend dans un état de fatigue extrême, pas vraiment contente de moi, avec plutôt des pistes de travail que des lauriers sur lesquels me reposer. Quelques belles rencontres tout de même, et notamment celle d'un autre modérateur qui me donnera d'excellents conseils, et avec qui je passerai une très bonne soirée de clôture. Il me citera dans un très joli message diffusé sur les réseaux sociaux.

Autre bonne surprise, ma mère et mon frangin viendront me voir, m'encourager et m'applaudir. Ma mère viendra immédiatement me dire "Alors toi, tu m'épates... Quand je pense qu'il y a quelques années, tu étais incapable de parler aux gens - et je ne parle même pas de parler en public..."
Elle m'enverra ensuite un message adorable à la fin du weekend - qui, bien sûr, me fera pleurer d'émotion.
Mon frangin, drapé dans sa pudeur boudeuse d'adolescent, ne me dira rien directement. Par contre il se servira allègrement dans les ouvrages que j'ai présenté, et engueulera copieusement ma mère, lorsqu'elle dira "J'ai failli m'endormir pendant la rencontre, faire la route m'a épuisé". 
- "QUOI ?! Tu peux pas dire ça c'était hyper intéressant !!"
- Mais je ne dis pas le contraire, je suis fatiguée de la route c'est tout !

À peine rentrée, dimanche, 22h30, après rangement, debriefings, au revoir au staf, aux auteurs, à tout le monde, je dois préparer mes affaires pour repartir, dès 6h du matin, pour une semaine de formation dans le département voisin. A minuit, je bourre au pifomètre des fringues dans un sac, et vais m'effondrer dans mon lit pour essayer d'avoir au moins 5h de sommeil.

Petit break

J'ai pris une chambre Airbnb pour ne pas avoir à faire les aller-retour quotidiens. Ce n'est pas pris en charge par l'organisme de formation, mais tant pis : je suis incapable de taper 3h de trajet par jour après le weekend que j'ai eu - et les 4 semaines qui ont précédées.
De plus, ça m'obligera à ne me préoccuper que de moi, sans me contraindre à nettoyer, faire des lessives, ou n'importe quelle intendance de la maison. Je n'ai qu'à me demander ce que je veux faire de mes soirées, et si j'ai envie de me vautrer dans le canapé très Art Nouveau en pyjama dès 17h30, je le peux. 

La chambre est simple, meublé de gros meubles anciens très kitsch, et une Aphrodite en marbre m'observe depuis une commode massive. Je lui demande comment elle va, lorsque je rentre "Alors Aphro, c'était comment ta journée ?". La chambre n'est pas très lumineuse, mais j'aime ce "home sweet home" temporaire, que je peux investir de ma présence. Ca m'amuse presque autant qu'un enfant qui se fait une cabane où il se sent chez lui et en sécurité.

Je ne coupe pas complètement avec le boulot puisque je dois encore travailler sur une grosse Journée d'études qui arrivera deux semaines plus tard et où je fais venir quelques gros guest-stars, puis une autre rencontre littéraire un mois plus tard. Toutefois, j'ai le sentiment que chaque nouvelle échéance dépassée est une étape en moins - comme les kilomètres effectués lors de la course, un après l'autre, et ça me soulage beaucoup.

J'en profite pour faire une soirée apéro avec David, Sebastien, Q., Stephane.
Puis le lendemain une soirée avec Mister Perfect.
J'irai boire un coup avec une personne de ma formation avec qui je sympathiserai.

Et puis le dernier jour, le Joueur d'Echecs devaient me rejoindre, pour une petite visite de la ville (que je connais bien car j'y ai habité), et notre fameuse sortie cinéma...


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire