Troisième rendez-vous.
Parmi ceux qui étaient dans les dix sélectionnés que l'agence m'a envoyé, il y avait Éric. Pas mon premier choix (ni mon top 3), mais que je n'ai pas voulu écarter, estimant que les gens pouvaient toutefois être (légitimement) plus qu'une fiche
Il accepte vraisemblablement mon intérêt, et se retrouve être le premier à me contacter.
On galère à s'appeler pour caler notre premier rendez-vous, mais on parvient finalement à se joindre un vendredi matin, avant que je parte bosser.
Là, on s'aperçoit qu'on n'habite pas du tout au même endroit, et que l'agence gère en fait des profils régionalement. Concrètement : on est à 3h30 de distance.
Cette distance complexifie la prise de rendez-vous, puisqu'il faut prévoir le trajet - et là, difficile de proposer un petit rencard d'une heure... Il semble prêt à taper la route, mais je propose toutefois qu'on se retrouve à mi chemin, ce qui me paraît plus juste.
On échange quelques banalités au téléphone, et... Je n'arrive pas à raccrocher. Chaque fois qu'on se salue, il renchaine sur un truc. Malheureusement, ce n'est pas très glorieux, et il s'enfonce lui même, sans même s'en apercevoir : il connaît mon métier via ma fiche, me dit "Ah mais alors toi aussi tu as dû passer des concours !", Et.... se met à m'expliquer comment fonctionnent les concours. Effarée, je l'écoute donc me faire un cours sur des choses que je connais sur le bout des doigts - et pourtant il devrait s'en douter ! Le type est inarrêtable, et je me fais la remarque que c'est tout de même vraiment très masculin comme façon de faire : ces hommes qui se donnent pour mission d'éduquer la pauvre femelle que je suis, alors même que je connais le sujet.
Mais pourquoi font ils ça ?!
Pire : il est très approximatif, et je soupire intérieurement devant cette situation pathétique, sans me donner la peine de lui dire qu'il raconte des conneries.
Je m'ennuie.
Dieu que je m'ennuie !
Le futur rencard promet d'être vraiment long et chiant.
Visiblement ravi de pouvoir blablater sur un sujet qu'il maîtrise à peu près, il s'enhardit (il bafouillait beaucoup jusque là), et je me demande dans quelle mesure je peux couper court en disant "tu sais quoi, en fait on va laisser tomber la rencontre, finalement, je peux te dire tout de suite que ça ne marchera pas".
Je me regarde de l'extérieur, en train de faire des petits bruits de gorge pour ponctuer ce qu'il dit, en n'écoutant que d'une oreille (je suis excellente à cet exercice). Je regarde avec envie - et désespoir- mon livre posé sur le canapé, que je n'aurai pas le temps de continuer avant d'aller travailler.
Je fini par réussir à l'interrompre pour lui dire que je dois me préparer à aller travailler, et il renchaine sur la météo (formidable, ma grande passion), avant que je finisse par raccrocher, avec un long soupir de soulagement.
C'est le premier que j'ai eu au téléphone, mais ça sera mon troisième rendez-vous : Le rendez-vous est pris pour 3 semaines plus tard.
A quelques jours du rencard, je tente le coup : On est vraiment très très éloigné, on ne pourra clairement pas démarrer une relation, autant laisser tomber le rendez-vous, non ?
Le type dit que non, on tente, il a mis une option, il doit prendre 3 trains pour venir.
Zut, raté !
On se rejoint dans une autre ville : j'ai moi aussi fait du trajet, sinon ça lui rajoutait un train de plus. C'est tellement idiot, on ne démarrera jamais une relation, c'est bien trop compliqué !
Je l'attends devant la gare, et 20 min plus tard le mec m'appelle en panique : il est sorti de la gare, mais il n'est pas devant, et du coup il ne sait pas quoi faire ! (j'ai déjà dit que les gens pas dégourdis m'exaspéraient ?).
Rentrer dans la gare et chercher la sortie principale ?! Allons ma bonne dame ! Ce serait trop aventureux !
Je dois donc quitter la terrasse où je me suis installée pour traverser toute la gare et aller le chercher.
Non mais le sketch.
Je le ramène au café, pendant qu'il dit "Ah il suffisait de traverser la gare alors ?", et que je répond avec toute la neutralité dont je suis capable "Oui, et lire les indications qu'i y a partout dans le hall".
"Ah oui oui", dit il.
Ce "ah oui oui", je vais l'entendre une bonne centaine de fois en 3h. Avec son variant "Ah oui oui je pense que tu as tout à fait raison".
Trois
longues
heures.
Le type a pris le retour de son train méga tard, genre 20h, et je l'informe que moi je repartirai à 17h30 - j'ai vaguement mauvaise conscience, mais en même temps pas le choix : j'ai des locataires Airbnb qui arrivent.
Et je l'ai prévenu de mon horaire de départ quelques jours auparavant, quand on a confirmé.
On parle d'actualités, des élections (car c'était avant le premier tour), de la fonction publique, un peu de nos boulots. Le type est très laid (mais ce n'est pas sa faute) : de très longues dents, des cheveux brun-roux qui poussent autour d'une très (très) large calvitie, des yeux globuleux. Il devrait être acteur, car il y a un petit air de troll qui pourrait être exploité au cinéma.
Je m'ennuie profondément.
Lorsque je vais aux toilettes, le type de dire "Ah ben je viens avec toi !"
Alors, heu.. non, gars ! Tu me laisses aller faire mon pissou, et t'iras après, c'est super bizarre !
Je désespère.
Je le laisse à 17h30, soulagée de pouvoir m'enfuir, et un peu culpabilisée de voir la terreur dans ses yeux : "Mais heu, j'irai où après pour prendre mon train ?".
C'est-à-dire, mec, qu'on est littéralement face à la gare : tu rentres, tu cherches ta voie, et tu grimpes dans ton train ! Je ne peux rien faire de plus ! J'en viens même à devoir ajouter "Sinon tu demandes à un monsieur ou à une dame de la sncf", et j'ai vraiment l'impression de m'adresser à un gamin.
Là je vois qu'il prend une grosse inspiration (jeté de dés : +5 en courage, oui ça passe !) : "Et.... Pour se revoir ?"
Je lui dis que franchement, vu le bordel que c'est pour se voir (trois trains, bon sang ! Et pour se voir dans une ville à mi chemin !), autant laisser tomber. Que je n'ai pas l'intention de déménager, et qu'il me semble que lui non plus.
Il est complètement d'accord avec moi.
Et il se ragaillardi : "Oui, en fait c'est surtout une question de distance, sinon ça pourrait coller !"
Je n'ai pas le cœur de lui dire que ça ne voulait pas automatiquement dire ça, mais... ça semble être une explication qui lui convient bien, voir même qui le ravi. Je fais donc un bruit de gorge indéterminé qui lui permet d'interpréter ce qu'il veut, et je m'échappe.
J'ai clairement perdu mon temps, et je réalise, effarée, que j'ai juste hâte de finir cette salve de rendez-vous tous plus inutiles les uns que les autres. J'en viens à regretter Vincent, qui avait au moins de la conversation, et des sujets divers et variés à proposer.
Mais stop, je ne dois pas faire de choix par dépit, ça ne doit pas se finir comme ça !
Pour l'anecdote, j'aurai le patron de l'agence au téléphone plus tard pour débriefing : il dira "Oui, bon, Eric, ce n'est pas avec son physique qu'il pourra vous charmer, mais il est gentil non ?"
Ce n'est pas très classe, tout de même...
J'ai lu tes dernières péripéties sur cette agence matrimoniale. C'est intéressant car elle utilise les mêmes arguments que les sites de rencontre payant: les personnes s'engagent plus si elles payent.
RépondreSupprimerEn un sens, c'est surement vrai, mais ça ne garantit pas la qualité des profils.
Je te comprends tout à fait quand tu parles de ce sentiment que le profil ne correspond pas, mais tu y vas quand même car il ne faut pas être fermé, etre positif et se dire que la rencontre sera peut etre plus sympa que la fiche.
Malheureusement, cette intuition se confirme souvent.
le coup du triple train, j'ai tendance à dire qu'on l'acceptait à 20 ans, à l'epoque où on était encore candides ou prêt à tout, car beaucoup moins de choix ou de facilité pour rencontrer des gens qu'aujourd'hui.
Mais ce n'est pas toujours facile de trouver le bon curseur entre exigence et ouverture: trop exigent et tu rencontres absolument personne, trop ouvert et tu perds ton temps...
j'espère pour toi que les prochains profils seront meilleurs ;)
Pour avoir testé des sites gratuits, en effet il y a un "investissement" moindre (le terme est intéressant car recouvre d'ailleurs à la fois un aspect financier et psychologique !), et beaucoup de faux profils. Je me suis longtemps offusquée de ce business basé sur la détresse affective des gens, mais j'ai commencé à me dire que l'aspect payant est finalement nécessaire. L'Agence prétend, quand à elle, apporter un autre plus en sélectionnant eux même les profils, pour tenter de les faire correspondre.
SupprimerOui mais... Ils s'engagent aussi à proposer un certain nombre de rencontres à leurs inscrits. Donc à un moment, fatalement, ils feront quand même se rencontrer des gens qui n'ont pas d'atomes crochus, histoire de tenir leurs engagements de quantités - et qu'importe la qualité. Et c'est là où la belle machine s'enraye à mon avis !
Comme tu dis, en plus tout dépendra des profils disponibles... et je m'aperçois que je suis sans doute devenu exigeante avec l'âge - au moins au sujet de ce que je ne veux plus ! Et clairement, 3 trains pour se rencontrer, on est d'accord, j'ai plus la flamme pour ça. Quant au curseur, je vais lui donner un coup de vis, parce que le "oui à la vie !", ben en fait c'était une idée à la con.
Les deux prochains articles répondront à ton interrogation - mais *spoiler alert* je n'utiliserai pas forcément le terme "meilleur" pour les définir... ^^°