Première partie : Voyage en Afrique, partie 1/3 : Le cas de Mister Perfect
Le premier jour, on arrivait à 3h du matin et j’avais réservé une auberge. Mais c’était notre seul plan établi : Mister Perfect voulait l’aventure, et ne voulait rien prévoir à l’avance. Ce qui était pour moi une très grosse source de stress : je suis du genre psychorigide du voyage, j’aime bien que les choses soient calées. En plus ça permet de gérer le budget (là, autant le dire tout de suite, avec ce voyage, je ne sais absolument pas comment je vais gérer mon mois de janvier, j’ai plus une thune).
Le premier jour, on arrivait à 3h du matin et j’avais réservé une auberge. Mais c’était notre seul plan établi : Mister Perfect voulait l’aventure, et ne voulait rien prévoir à l’avance. Ce qui était pour moi une très grosse source de stress : je suis du genre psychorigide du voyage, j’aime bien que les choses soient calées. En plus ça permet de gérer le budget (là, autant le dire tout de suite, avec ce voyage, je ne sais absolument pas comment je vais gérer mon mois de janvier, j’ai plus une thune).
Bref, on arrive, je lui dis « Ca serait bien qu’on
fasse du change maintenant. Genre à ce bureau là bas, où une Madame semble s’ennuyer
à mourir ».
Et lui : « Non, ya personne qui y va, c’est
louche ».
« Mais va falloir qu’on paye un taxi, on va faire
comment ? »
« Ils prendront les euros ».
Et donc on va pour prendre un taxi. Quatre taximens nous
tombent dessus, essayant de nous prendre nos bagages de force, et nous
demandant 20€ pour la course. On réalisera quelque jours plus tard que la
course, c’est 1000Fcfa, soit environ 1,50€.
Le pire dans tout ça, c’est que le mec qui fini par nous
embarquer n’a aucune idée d’où se trouve notre auberge. Donc il roule. Et il
demande à des gens. Qui nous envoient un coup dans un sens, un coup dans
l’autre. L’auberge était censé être à 5 min de l’aéroport ; ça nous prend
une demi heure.
Quand on arrive enfin, on découvre une chambre superbe,
on prend une douche, et on se couche.
On se lève vers 9h, on prend un petit dèj, et on essaie de
voir si on peut rester une nuit de plus. C’est impossible car l’auberge est
complète, alors on réserve un autre hôtel grâce au wifi, et on part. On n’a
toujours pas de Francs CFA, puisque le seul bureau de change que l’on trouve
est fermé. On prend un taxi, on lui indique l’adresse du nouvel hôtel. A
quelques kilomètres à peine de celui-ci.
2h30.
On a passé 2h30 dans ce putain de taxi.
Qui n’a jamais trouvé l’hôtel.
Et en cours de route, on s’est aperçu que l’auberge que l’on
vient de quitter nous a fait payer 36 000 Fcfa la chambre au lieu de
20 000. Mister Perfect me dit « faut que tu sois plus attentive toi
aussi ». Ca me vexe.
On finit par abandonner. On retourne à notre point de
départ, désemparés. Et puis tant qu’on y est, on réclame pour la chambre. On
échange enfin des euros en Fcfa. Le mec, un expat, prend les choses en main, et
appel des amis. Il faut avouer que, si Mister Perfect est une personne sociable
au point d’être faux cul, sa jovialité fait des miracles. Le type de l’auberge
nous fait un programme sur 3 jours, et réserve pour nous les hébergements. Et
nous appel un taxi de confiance. J’achète également une carte sim africaine.
On commence à descendre vers le sud, jusqu’à Sodo Bade,
un village d’artiste très pittoresque, en bord de mer. J’aime beaucoup, quoique
je le trouve très européen. Le prix de la chambre est celui qu’on nous a
indiqué, par contre rien n’est compris : ni repas, ni petit dej’. Et le
resto pratique des prix très européens lui aussi. Je grince des dents. Il y a
l’électricité (mais très modérément), et un fin filet d’eau froide coule dans
la douche.
Le lendemain, on repart vers le sud. Impossible d’arriver
à négocier avec le taxi, on se retrouve donc à payer une somme qu’on n’avait
pas du tout prévue. On descend vers Somone, où on s’arrête quelques heures pour
se baigner et manger.
Les locaux nous abordent continuellement pour essayer de
nous vendre des trucs (ça va du parfum à la statuette artisanale, en passant
par la tapette à mouches) ou pour nous demander ouvertement de l’argent. C’est
infernal, personnellement je me sens agressé, d’autant plus que les gens ne
sont pas toujours très polis.On repart en fin d’après midi, toujours vers le sud. On a vaguement réussi à négocier le trajet en taxi, mais le chauffeur n’est pas satisfait et fait la gueule. Ambiance ambiance. Les routes sont dans un état lamentable (les taxis aussi), et les trajets sont pénibles et suffocants. Ca sent l’huile, l’essence, l’air est saturé de ce sable rouge africain qui colle à la peau, et parfois il y a une forte odeur de pourri, parce que certaines villes sont des décharges ambulantes – je pense notamment à Joal, qui donne l’impression d’avoir été construit sur une déchetterie.
On arrive à Palmarin, dans un campement en bord de mer complètement paumé. Où on nous apprend que le 16 000 Fcf de la chambre, c’est en fait 16 000 par personne. Je craque. Il n’y a pas d’électricité dans les bungalows, et pas d’eau courante. Et notre budget est multiplié par deux. J’essaie de négocier avec le mec, mais il me dit « où est ton mari ? Je veux parler à ton mari ».
Je vais voir Mister Perfect, qui est partie « se laver » à l’aide de bidons d’eau et mettre sa foutue Nivea sur sa gueule d’ange. Je lui explique le topo, il m’envoie chier « Démmerde toi, on est pas ensemble ».
Envie de meurtres.
Il fini par sortir, péter un plomb au mec, il veut annuler la nuit suivante, il crise. Quelques heures plus tard, il y retournera la bouche en cœur pour dire « En fait on va rester 2 nuits ».
J’ai honte de lui.
Le soir, on partage notre table avec deux sœurs, dont on ne voit pas le visage car il n’y a pas d’électricité, et l’on mange autour d’une veilleuse qui peine à éclairer nos assiettes. Mister Perfect est odieux avec moi – il a un public, donc il se lâche. Surtout que l’une des deux filles est assez extravertie – et ça, il aime bien. Je suis très en colère.
On va ensuite voir de la lutte sénégalaise, des championnats
qui ont lieu pas très loin. On se cogne le prix du taxi pour tout le monde, le
prix d’entrée dans l’arène (qui est majorée, va savoir pourquoi), pour un truc
qui devait durer jusqu’à 22h30, et qui finalement s’arrête 15 min après notre
arrivée. J’étais déjà énervée à cause de l’argent – Et encore plus parce que
Mister Perfect ne semblait pas s’émouvoir qu’on se soit fait dépouiller de près
de 10 000 Fcfa en moins d’1h. Il m’a envoyé chié lorsque je me suis
indignée « Si tu as un problème, vois avec les mecs en question ».
J’ai arrêté de lui parler, j’avais envie de le frapper. Il a voulu insister « Non
mais si tu as un problème avec ça… ». « Stop. J’arrête de discuter
avec toi ».
Lorsque le championnat s’est arrêté au bout de 15 min,
j’ai cru devenir folle. La belle enculade que voilà !De retour à l’hôtel, on calcule nos dépenses ; on en est déjà à plus de 400€. Mister Perfect me reproche que c’est plus que ce qu’il imaginait. Bon sang ce que je le hais à ce moment là.
Heureusement que j’ai mon carnet pour me défouler par écrit.
Excédée, j’envoie un message d’au secours au neveu de Monsieur Sophrologie – il m’a donné ses coordonnées en cas de besoin.
Le neveu habite Mbour, entre Dakar et notre position actuelle. Mister Perfect râle, l’un des taxis à dit qu’il n’y a rien à faire à Mbour, il n’a pas envie d’y aller. Moi j’en suis à me dire que j’ai juste envie de rentrer en France et que tout ça me gonfle sérieusement.
Au bout d’un moment, je m’énerve : « Bon écoute, tu veux faire quoi ? Retourner à Dakar ? Et aller où ? On n’a pas de wifi. On a aucun logement. On ne sait pas où aller. Ca va nous couter une blinde, pour peut-être tomber dans le premier bouiboui tout pourri du coin. On est coincé. Alors autant s’arrêter chez Neveu, faire une pause et être avec des gens qui ne sont pas là pour nous arnaquer, pour une fois ».
Il cède.
De toute façon, je crois que sinon je partais sans lui.
Le lendemain, il était prévu qu’on fasse une sortie kayak
dans les mangroves. Ca ne devait être que Mister Perfect et moi (et le guide),
finalement il y a eu les deux sœurs en plus, et un couple de belges. Ce qui m’arrangeait
bien, parce que, malgré le soulagement de partir ensuite à Mbour et voir la situation
s’arranger, j’avais quand même toujours envie de mettre des coups de pagaie à
Mister Perfect. Qui a surement dû le sentir, puisqu’après 1 ou 2h de randonnée
en kayak, quand on s’est tous installés sur une petite ile pour pique niquer,
il m’a proposé d’aller se balader. Petite marche bien sympa, où on a discuté,
et où j’ai eu l’impression de retrouver mon ami (en dessous de la croute Paris
Hilton).
Bon, ensuite on a croisé les deux sœurs et là il n’a pas
pu s’empêcher de fanfaronner « Chiche que je me mets dans les sables
mouvants jusqu’aux genoux ». Moi je regardais le petit couple de belges,
discret, timides, juste là, l’un à côté de l’autre, dans leur monde, et je me
disais « Moi c’est ça que j’aime. Mister Perfect veut connaître, et
surtout se faire connaître, il est extraverti, et pour lui c’est comme ça que
le monde doit tourner… Mais moi la seule chose à laquelle j’aspire, c’est
ça : avoir mon petit monde avec la personne que j’aime. Rester dans notre
coin. Construire nos souvenirs à deux ». Plutôt que de faire le malin à
s’enfoncer dans des sables mouvants, ou chercher à aller plus vite que tout le
monde en kayak.On a mangé, et on a passé un super moment tous les 7. En fin d’aprem, on a repris les kayaks, et on est retourné à notre point de départ. On devait reprendre un taxi vers le campement
Au campement, Mister Perfect est resté environ 1h30 dans la salle de bain. Je ne sais pas ce qu’il a foutu, mais il a dû nous faire la totale. On avait un fin filet d’eau froide pour se « doucher », ce qui était déjà mieux que la veille (même si moi, l’eau froide, j’y arrive pas). L’électricité était toujours capricieuse, et on n’avait aucune prise pour charger les portables.
Moi j’ai écrit, assise sur la plage au crépuscule. Petit moment en solitaire où j'ai pu souffler.
J’ai eu Neveu au téléphone, et on s’est mis
d’accord pour le lendemain. Soulagement. J’avais l’impression que les choses
allaient enfin se stabiliser. Même si j’ai commencé à m’inquiéter lorsqu’il a
dit « Je vais vous faire loger chez un ami qui vient d’Allemagne, ça ne
vous coutera pas très cher. On en reparle demain ». Règle numéro 1 en
Afrique : ne jamais faire quelque chose AVANT d’avoir négocié, sous peine
de se retrouver au pied du mur.
J’ai commencé à m’inquiéter.Alors qu’en fait, le voyage commençait seulement maintenant.
(A suivre. Voyage en Afrique, partie 3/3 : Le sens de la vie)
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