lundi 16 juillet 2018

Je suis partie au Brésil retrouver un homme que je connaissais à peine (2/7) : Quand des enfants sauvent la journée


On émerge assez tard dans la matinée. 

Avec peut-être une légère gueule de bois... ?

Miguel prépare le petit déjeuner, à base de crêpes de tapioca, d’œufs et de fromage. 

Et puis nettoyage de l’appartement, que l’on doit quitter vers 14h. 

Dans la salle de bain, je regarde pensivement sa trousse de toilette. Il utilise des savons, des huiles et des produits naturels.Aucun gel douche ni autre trucs chimiques-merdiques.
Comme moi.

Miguel veut faire plein de choses, il me parle d’une  fête, puis d’une autre… il change d'avis chaque minute et ne me demande pas vraiment mon opinion. Il a la tête ailleurs. Finalement, il m'annonce un peu abruptement que l'on va rejoindre des amis à lui, qui vont nous co-voiturer jusqu’à la maison d’un autre ami, où il y a une fête. Il me dit que dans la voiture, probablement personne ne parlera anglais, mais sûrement qu’à la fête, j’aurais des personnes avec qui parler.  

Il est distant, beaucoup moins câlin, beaucoup moins tactile. 

On rejoint donc la voiture de ses amis, non sans être passé acheter de l’alcool avant. On doit se tasser à trois à l’arrière + un siège bébé. Je grimpe sur les genoux de Miguel, la tête dans le plafond, me cognant à chaque bosses sur la route – et dieu sait que les routes au Brésil sont particulièrement déplorables. Le trajet dure un temps infini. J’ai trop chaud, je suis mal installée, je ne comprend pas les conversations et je me sens très seule.  

En cours de trajet, je le sens se pencher sur ma nuque et sa barbe vient me chatouiller les omoplates pendant qu'il promène son souffle sur ma peau. 

Au bout d’une trentaine de minutes, on arrive à une maison de ouf, genre villa hollywoodienne. Je comprends seulement maintenant que cette « fête » est en fait un match de foot du Brésil, en direct. Ici, ils le vivent comme une fête, et sont une trentaine à boire, manger, et papoter joyeusement devant un écran géant. 

Le type qui vit là, un gosse de bonne famille qui, clairement, kiffe d'être le boss de la journée, vient me saluer, et me blablate poliment en anglais pendant une trentaine de secondes.
Quelque chose en lui me met extrêmement mal à l'aise ; il ne dégage pas quelque chose de très sain. Je me promet de rester très prudente vis à vis de ce mec - et de m'arranger pour ne jamais me retrouver seule avec. 

Toutes les filles sont en mini-short blanc, tee-shirt jaune du Brésil, jambes lisses et bronzés, cheveux lisses, maquillage impeccable et déhanché de fou. A chaque pause publicitaires, elles s'envolent comme des moineaux, et se prennent en photos les unes les autres.
Je me regarde, avec ma robe à fleurs, mes lunettes, ma peau blanche et mon allure de fillette. 
La seule remarque de Miguel à propos de ma robe a été « Tu aimes beaucoup les fleurs, non ? ». 
Je suis en complet décalage, à mille lieux de ces top-models. Je me sens extrêmement mal à l'aise. J'ai honte de moi.  

Quant aux hommes, ils comparent leurs tatouages.
Pas besoin de parler portugais pour comprendre.

Miguel reste à coté de moi - mais il n'est pas vraiment avec moi.  
Personne ne parle anglais - ou n'a envie de me parler. 
Alors je mange et je bois. 
Je découvre le pain à l'ail, que je dévore avec gourmandise. 
Et je m'enfile une bouteille de vin. 
Je me sens mieux. Rester seule à regarder les autres devient agréable, quand on plane suffisamment. 

Je regarde Miguel. 
Je le trouve tellement beau. Beaucoup plus beau que n'importe quel autre mec ici. 
Aucune des filles ne le regarde. 
D'ailleurs, même dans les rues, personne ne s'attarde sur lui. 
Je ne comprends pas. 
J'ai envie de hurler « Est-ce que vous réalisez que c'est le plus beau mec du monde ?! » 

Je vais mettre mes pieds dans la piscine. C'est agréable. Elle est à l'ombre, et je peux profiter de la douceur de l'après-midi sans risquer de brûler. 
Miguel me rejoint, on discute. 
Il me parle de son père, qui n'a jamais vécu avec eux, car il gère une ferme, en dehors de la ville. Il a le sentiment qu'il n'a jamais vraiment été présent pour lui. 
Et puis il dit « C'est drôle comme c'est plus facile de dire les choses, lorsque ce n'est pas dans sa langue maternelle » 
Je suis émue par ses confidences. 
Il repart discuter avec des amis. 
Je reste à profiter de l'eau. 
Puis mon regard est attiré par le soleil, jouant sur des moulins à vent colorés, plus loin dans le jardin. Je marche d'un pas hésitant jusqu'à un banc, dans les derniers rayons de soleil de la journée.  
Il doit être dans les 17h. 

Deux enfants s'approchent. Jusqu'à présent, ils jouaient dans la piscine. Timidement, le garçon me demande : « What's your name ? » 
Le garçon s'appelle Felipe. La fille, Maria Louisa. 
‘Marrant de voir que les seuls à s'intéresser un tant soit peu à ma présence sont deux gosses d'une dizaine d'année. Et ce sont les seuls qui sont heureux de réussir à communiquer avec moi.
Je me dis que, juste pour ça, ça valait la peine d'être là.

On reste jusqu'à la nuit. On a dû passer 5h dans cette maison. Ou plus ? 
Lorsque je me lève, je réalise que j'ai vraiment trop bu. 
J'ai la nausée. 
Pourtant, il faut de nouveau se tasser à l'arrière de la voiture.  
Je me sens mal.  
Pour me distraire de ma nausée, je me concentre sur le temps qui passe : une minute de passée sans être malade. C'est bien. Continue. Une nouvelle minute. Ca va aller. Ouvre la fenêtre. Respire l'air de la nuit. Une nouvelle minute est passée. Tu ne te sens pas pire, tu tiens le coup. Encore une minute. Continue comme ça.

Après une vingtaine de minutes, on s'arrête. L'un des passagers veut manger quelque chose.  
Je sors avec soulagement de la voiture – même si j'angoisse déjà pour la fin du trajet. Je me demande si je devrais manger. Est-ce que ce serait mieux ou pire ? Il n'y a que de la viande, et je me sens vraiment barbouillée. 
Finalement, Miguel appel un ubber, et nous rentrons juste tous les deux.  
Soulagement. 
Je me souviens à peine du trajet. 
Je ne sais même plus si c'était un homme ou une femme qui conduisait.  
Je ferme les yeux et je tache de me concentrer pour que mon estomac reste à la même place. 

Ce soir, on dort chez lui – chez sa mère. J'ai un peu honte d'arriver dans cet état. Je me sens tellement mal que j'ai l'impression que ma peau à viré au vert.  
Miguel veut manger – j'ai juste envie de me coucher. Mais il n'est pas si tard pourtant ! A peine 20h. Encore cette fichue luminosité qui m'induit en erreur. 
Je m'assois lourdement dans la cuisine. 
Il prépare à manger. 
Sa mère vient nous dire bonjour, et je tache de me redresser et de faire bonne figure. Elle joue un moment avec mes cheveux, pendant que, figée, je me demande quelle attitude adopter. Puis elle asticote Miguel, repart, et revient avec des tongs, me faisant signe de les mettre. 
Elle asticote de nouveau Miguel, et repart. 
Il ronchonne « Elle m'a engueulé parce qu'elle trouve que je ne prends pas assez soin de toi. Elle a dit "Tu pourrais lui donner des chaussures ! Et puis fais lui à manger, bon sang !" » 
Je ris. 
Et glousse : « Et tu as vu, elle a joué avec mes cheveux ! » 
Il me regarde, surpris, et presque condescendant : « Ben... Evidement. Tu as des cheveux vraiment très rigolos ! » 
Ah. 
Ça c'est une sacré nouvelle. 

Je lance une machine, parce qu'après calcul, je n'aurais clairement pas assez de culottes pour les jours prochains. 

On mange, et puis on va s'installer dans une sorte de chambre d'amis, avec un grand écran sur le mur. Il se connecte à Netflix, et me demande si je connais "Black Mirror". J'aime beaucoup cette série - et le format est parfait - alors il nous met un épisode, en VO sous titré anglais. 
Il tient environ 5 min, avant de se tourner et de s'endormir. 
Concentrée, je tiens une quinzaine de minutes… Et sombre à mon tour dans le sommeil. 
Je me réveille à un moment. Les personnages ne sont plus les mêmes, je ne comprend rien à l'histoire. 
Nauséeuse, je me rendors. 
Je me réveille une autre fois.  
Tout est encore différent. 
Je me rendors. 
Je me réveille, nettement plus en forme. 
La nausée est passée, et mon ébriété aussi.  
Je m'absorbe dans l'épisode… Qui se termine 3min plus tard. 
Quoiqu'il en soit, je suis fatiguée, et je pense qu'on serait mieux à dormir dans un vrai lit.  
J'essaie de réveiller Miguel. 
Il ne bouge pas d'un pouce. 
Je me dis que je vais déjà aller m'occuper de la machine, pendre mon linge, et je verrais s'il est plus réceptif après. 
Je sors doucement de la chambre. Tout est plongé dans le noir. Je me demande quelle heure il est. Les lumières de la ville illuminent suffisamment l'appartement pour que je puisse m'y déplacer sans bruits. Je marche sur la pointe des pieds, le parquet rutilant n'émet pas un son, et les tapis moelleux absorbent mes pas. 
Dans la buanderie, mon linge est sagement mis à sécher.  
J'ai mauvaise conscience : Olide a tout fait à ma place, pendant que je ronflais comme une ivrogne. 

Je retourne tenter de réveiller Miguel. 

Au bout de laborieuses minutes, je parviens à lui faire ouvrir un œil. 
« Hey Miguel. Let's go to bed », dis-je doucement. 
Il grogne. Enlève son tee-shirt. Se retourne. Se rendors. 
Ah, me dis-je. 
Bon. 
Et maintenant ? 
Est-ce que je dors ici avec lui ? 
Est-ce que c'est impoli d'aller dormir dans sa chambre sans y avoir été invitée ? 
Qu'est-ce que je fais ? 
Est-ce que je reste à dormir ici, toute habillée ? 
Je m'apprête à choisir cette option, et finalement je me ravise. 
Je ne vais pas rester habillée, pas avec cette robe qui m'a fait me sentir si mal à l'aise. Je vais me changer, brosser mes dents, me préparer à me coucher.   

Je me change dans sa chambre, et Bruce Wayne commence à jouer avec ma brosse à dents. Nous jouons tous les deux un petit moment, et puis j'entends un bruit. Soulagée, je vois Miguel sortir de la chambre d'amis, et aller à la salle de bain. 
Il n'a pas l'air bien - mais il m'adresse un chaleureux sourire, et me dit doucement : « Let's go to bed ». 
Il prend le temps d'aller regarder la machine à laver - et revient me dire « I think Olide toke care of your clothes ». 
Et il nous apporte deux verres d'eau « We need to drink water ». 
Je suis admirative devant sa gentillesse malgré la fatigue et l'ébriété. Même s'il reste nettement moins tendre et démonstratif. 

On se couche, et on s'endort profondément. 

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