jeudi 29 octobre 2020

Un dernier verre avant la fin du monde (encore)

Ah, tiens on prend les mêmes, et on recommence.

...

Vraiment ?!

L'évolution de la situation et les dernières annonces nous renvoient (à nouveau) chez nous, pour un confinement de minimum 4 semaines. 
Un choc ?
Pas vraiment.
Entre les couvre-feu et les rumeurs persistantes d'un reconfinement, qu'on l'attende ou qu'on le craigne, le moins que l'on puisse dire c'est qu'on commençait franchement à le voir venir.

Je remarque que les gens prennent la nouvelle d'une façon très différente. 
Certes, il y a eu à nouveau une ruée incompréhensible sur le PQ et les pattes (mais bordel, pourquoi le PQ est un objet de première nécessité ?! Personne n'a jamais chié dans les bois ???). Mais dans l'ensemble, j'ai croisé beaucoup de personnes que je ne verrais pas avant un moment, et on s'est... juste dit au revoir. A bientôt. Prenez soin de vous.
Quelques personnes amères : « C'est la mort de la culture ! », mais pas agressives. D'ailleurs je ne suis pas entièrement d'accord avec cette dernière affirmation.

Lorsque le discours du Président a eu lieu, j'étais au bar avec des collègues. Léger flottement à l'annonce d'un reconfinement (« Alors c'est vrai ?! »), puis l'entrechoquement des verres et l'explosion de joie (« Les enfants iront à l'école quand même, youpi ! »), et élaboration d'un plan d'attaque, basé sur notre expérience : « On reprend nos cours de sport en visio dès ce weekend ?! » « Et les apéros ! » « Ah oui, les apéros ! » « On invente quoi, ce coup-ci, comme animation numérique pour le boulot ? »

C'était plus léger.
C'était du connu.
Du déjà vécu.

Et puis en réalité, nous avons appris aujourd'hui que nous pourrions retourner travailler. Avec des conditions très intéressantes, des horaires libres et du télétravail partiel ou complet, à notre convenance. 
Nous savons déjà que nous allons nous revoir, nous côtoyer.
C'en est presque décevant : on était prêt à un confinement strict, on avait tous fait le plein d'outils et de matériels pour bosser dans nos maisons, le stock de laine pour les tricoteuses, de tissu pour les couturières,...

On était prêt. On est prêt. 
Et surtout, on a eu un peu le temps pour prévoir, acheter de quoi s'occuper, ou avancer nos projets respectifs. 
Et je crois qu'on a eu aussi le temps de se dire au revoir, en sachant à quoi s'attendre, au moins à peu près.

Ce soir j'ai été boire un dernier verre. 
"Le dernier verre avant la fin du monde", s'est-on dit en plaisantant (cela dit, je disais déjà ça hier).
J'ai réalisé en rentrant avant le couvre-feu que c'était le même bar où j'étais avec Isaac le soir où on apprenait la fermeture des lieux "non indispensables". Même lieu, mêmes circonstances... et pourtant tout est tellement différent !
J'aborde ce reconfinement avec une sérénité qui m'étonne moi même. 
Aujourd'hui je sais que je peux rester confiné, pour la simple et bonne raison que je l'ai déjà fait. Finalement je n'aurais d'ailleurs pas à le vivre une seconde fois, mais j'étais prête à l'affronter sans broncher : je peux le faire, c'est aujourd'hui une certitude.
Tout me semble différent. Je me sens différente. Je ne sors pas d'un burn-out. Je ne vis plus une relation toxique. Je ne serai plus tiraillé par l'angoisse de l'indéfinissable "après". Il n'y a plus l'ombre de Victoria pour me faire sentir insuffisante, inutile. J'existe, communément unique, et j'aime ma propre compagnie.
J'ai découvert Whatsapp et je suis en contact permanent avec mon groupe de méditation, avec qui on échange chaque jour. Contact permanent avec mes collègues également - et pas spécialement pour le boulot. Ma seule crainte, était de passer noël seule - moi qui ai mis si longtemps à aimer cette fête, synonyme des pires moments de mon enfance, et que  j'ai décidé d'aimer à la folie, comme une revanche sur la vie. Mais j'ai déjà des invitations d'amis ou de collègues, qui me proposent de venir le fêter chez eux si je ne peux pas aller dans ma famille - on sera peut-être quelques-uns dans ce cas ! 
Voilà de quoi régler l'appréhension. 
J'ai également beaucoup de choses à faire - déjà, m'occuper des 14 (oui : 14) articles que j'ai en cours et que je dois finir d'écrire et mettre en forme. 
Et puis m'occuper de moi. 
Lire devant des feux de bois. Prendre des bains moussants. Ecrire. Me sentir en sécurité chez moi.

Certes, le monde s'arrête partiellement - mais on a déjà vécu ça, et on sait que même la fin du monde se termine un jour.
Alors prenons un dernier verre, souhaitons nous à bientôt, et restons serein.

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