vendredi 6 novembre 2020

Dix jours de congés et un couple heureux


C'était cet été.
 
Après le dernier chapitre de l'histoire avec Isaac, après les rencards étranges, j'ai décidé de prendre des congés. Et, pour une fois, de ne pas courir dans ma famille, ou me donner des dizaines d'objectifs inatteignables : cette fois, je passerai quelques jours chez moi à profiter de ma maison, avant de partir quelques jours, me reposer et voir des amis.

Je crois que c'était le moment le plus reposant, si ce n'est de ma vie, au moins de mon année !

J'ai lu, je me suis fait des gaufres au petit-déjeuner, et des jus de fruits maison. J'ai ramassé mes dernières fraises, quelques irréductibles framboises, mes tomates tardives. J'ai humé l'odeur de l'automne qui arrivait à grand pas. Je me suis vautrée dans un transat, à l'abri de mon ostentatoire (et un peu honteux) parasol orange fluo "Oasis is good".
Y-a-t-il plus paradisiaque que de lire à l'ombre d'un parasol, dans son jardin ? Pourquoi n'ai-je pas fait ça avant ?!

Puis je suis partie quelques jours en vadrouille. J'ai été voir ma mère, mes grand-parents, ma famille.
J'ai croisé en coup de vent Mister Perfect, qui sera très bientôt papa - et je lui ai remis les cadeaux que je voulais faire à sa fille et à sa copine (en lui disant que sa participation anecdotique à cette histoire d'enfants ne méritait pas de cadeaux pour lui).
J'ai été boire un verre avec Tabi, du blog Newkidontheblog (coucou Tabi !).

Et j'étais invité au Pacs de David et de son mec. 
La fête se déroulait à peu près au milieu de nulle part (d'ailleurs nous nous sommes retrouvés , avec plusieurs invités aussi paumés que moi, à tourner en rond, serrés les uns contre les autres, à lancer des "ohé ?" pas très rassurés. Le positif là dedans, c'est que ça nous a donné l'occasion de faire connaissance).

Sur place, je retrouve Q. qui discute avec un type magnifique, grand, barbu, baraqué, aux yeux maquillés de bleu électrique, et au sourire incroyablement doux. 
Comme souvent avec David ou son entourage, je réalise, frustrée, que les mecs se maquillent mieux que moi - et savent bien mieux marcher avec des talons.

La fête a lieu dans le jardin de leur futur maison, que Seb, le mec de David, construit lui même. Il nous fait faire un tour dans sa maison "en paille et en caca", comme il dit. Il nous montre la structure en bois, qu'il construit autour de l'ancienne maison en pierre qu'il utilise comme échafaudage intérieur. Il explique la démarche, le projet, les grandes baies vitrées au dessus du lit pour dormir à la belle étoile, le système de régulation thermique, les charnières qu'il a conçu lui même et fait breveté...
Je suis passionnée par ses explications, soufflée par le projet.
Seb est typiquement la personne que je n'ai jamais réussi à cerner : je n'ai jamais réussi à déterminer s'il est complètement fou, ou extrêmement intelligent. Je crois que c'est un peu des deux. C'est une sorte de génie qui n'a aucun sens des convenances, architecte génial capable de se mettre à lécher le visage de David pendant que celui-ci discute avec le maire de la ville. Ou de disparaitre toute une soirée pour aller recouvrir chaque centimètres carré du carrelage des toilettes par des petits dessins. Il sait aussi être à l'écoute, empathique, d'excellent conseil, et d'un recul redoutable sur les choses.
Je n'arriverai jamais à le comprendre - mais il rend David heureux, et c'est tout ce qui m'importe.

Il y a une quarantaine d'invités, peut-être un peu plus. Il y a des enfants qui courent, et des ballons argentés et dorés. Au milieu du jardin, dans un cabanon qui ferme à peine, des toilettes sèches bricolés avec une grande marmite et de la sciure. Il y a de la musique et beaucoup de rires. Des lampions et des tournesols. 

Je retrouve quelques têtes connues. Stéphane, radieux, me présente son mec.
- Tu as retrouvé quelqu'un ! Toi qui disais "Plus jamais ça !"
- Oui, il m'est tombé dessus... C'était pas prévu !
Ils se regardent amoureusement.
- Je suis très heureux en ce moment !
Je le prends dans mes bras, ravie d'entendre ça. Ca me fait tellement plaisir qu'il ai pu remonter la pente après son divorce.
- Comme quoi... La vie continue toujours !
- Oui !
Je souris très largement.
- Tu n'es pas venu avec.... Tu es toujours.... Ca devient quoi avec Isaac ?
- Il m'a quitté, il est revenu, puis reparti, puis revenu, puis re-quitté, puis revenu, ça a duré un moment, et il y a un mois j'ai envoyé un mail à sa femme, je pense qu'il ne reviendra plus
Stephane lève les yeux au ciel :
- Oh, bah ! En effet ! En tout cas, situation classique : tu vois Karine, là bas ? Elle s'est fait balader exactement de la même manière pendant deux ans par un mec, avec qui ça n'allait plus dans sa vie maritale, puis en fait si, puis en fait non...
Je connais un peu Karine, on a fait quelques soirées ensemble, je la trouve drôle et incroyablement sexy. Elle a une voix légèrement rauque, des formes somptueuses, de longs cheveux bruns qui retombent toujours parfaitement, et un très joli sourire. Et, summum de la sophistication à mes yeux, elle porte divinement le rouge à lèvres vermeille. 
Elle a 36 ans, est prof, actrice et chanteuse, et n'a jamais eu de relations stables, à son corps défendant : elle enchaine les relations catastrophiques, au point que David a écrit une pièce de théâtre racontant ses déboires (et la pièce finit mal, bien sûr).
Ce soir elle est venu avec un homme, que tout le monde regarde d'un œil circonspect : est-ce que lui aussi la bousillera et la quittera d'ici quelques mois, comme les autres ?
J'espère très fort que non.
Et puis il y a ce léger malaise, en bordure de conscience : ne suis je pas exactement comme elle ? Chaque fois qu'un homme entre dans ma vie, mon entourage n'est-il pas dubitatif, en attente du moment où il faudra sortir les mouchoirs et ramasser les morceaux ?
Karine a senti mon regard et s'est tourné vers moi. Je lui fais un sourire, et intérieurement je souhaite très fort qu'elle trouve la paix et la sérénité dans ses relations.

J'arrive à parler aussi avec David, avec son mec, avec Loïc. Ils sont tous là. Et tous me demandent si je suis venue avec Isaac. Lorsque je résume brièvement que non, et que plus jamais, ils haussent les épaules, approuvent, et me font un câlin. 

Au milieu de la soirée, une pièce de théâtre est joué en l'honneur du pacs, une sorte de mélange tragi-comique de leur histoire à tous les deux. Il fait nuit, personne n'arrive à lire son texte, Loïc lâche un "Putain j'suis bourré" au milieu de sa tirade, et l'ensemble est juste à mourir de rire. Quarante minutes plus tard, tout de même, c'est pluie de cadeau sur David et son mec, puis déshabillage en règles pour leur fourrer des billets de banques dans le slip. 

Une sorte de géant barbu et grisonnant, la soixantaine, et qui se déplace uniquement pieds nus, lance des feux. Un brasero et un "riot fire" dans un caddie, avant que l'idée de faire griller des chamallow se généralise. 
- C'est cancérigène, non ? me demande Q., légèrement hypocondriaque sur les bords (rappelons que la dernière fois qu'il a embrassé des inconnus en boite, il était persuadé qu'il attraperait un cancer de la langue)

Je discute avec des personnes que j'ai déjà vu de loin, et avec d'autres que je ne connais pas. C'est paisible, il y a de la musique, et les feux qui crépitent doucement. 
Les enfants qui couraient partout font maintenant des coloriages - certains sont endormis sur un transat, à la chaleur du feu. Une maman confie sa fille à un type qu'elle vient de rencontrer :
- Je vais aller fumer un joint. Ma chérie, continue de colorier. Et fais ça bien ! Tonton... c'est quoi ton nom ? Ok, tonton Gustave ici présent te regarde et vérifie que tu ne dépasses pas !
Le Gustave en question se redresse, légèrement paniqué d'être promu tonton aussi cavalièrement, et il observe de très près le coloriage, comme si sa vie (ou son nouveau statut ?) en dépendait. Je le regarde en riant, et croise son regard angoissé, pendant qu'il articule en grimaçant "tonton !".

Je rencontre une fille qui est agent de stars, elle me raconte son boulot, son quotidien, mais aussi les contraintes inimaginables qui accompagnent ce poste de rêve (qui est loin d'être idyllique en réalité).

Il y a des tas de gens différents, des histoires incroyables, des personnalités diverses et attachantes. Le grand barbu aux yeux maquillé de bleus a clairement flashé sur Q., qui préfère son pote (qui, par définition, n'est donc pas intéressé par Q.). Depuis ue je le connais, ça a toujours été ainsi.

Je m'assois près du feu, hypnotisée par les flammes et incroyablement sereine. 
Je me sens bien, à ma place. Je suis fatiguée, mais heureuse. J'ai parlé à des tas de gens, y compris des inconnus. Ca m'a épuisé, car je dois aller au delà de ma timidité, mais cet exercice devient de plus en plus facile malgré tout. Je peux le faire. Et ça fonctionne : personne ne me rejette, tout le monde est ouvert, et prêt à engager la conversation. Au contraire, je récolte bien souvent un gentil "T'es super sympa !"
Je me dis que lorsqu'on arrête de traiter le monde comme un ennemi, les choses deviennent plus simple.
Vers 1h30 du matin, je décide de rentrer. Je suis ravie de ma soirée, et même si la fête n'est pas fini, pour moi il est temps de partir si je veux pouvoir faire la route sereinement. J'ai un peu plus d'une demi-heure de route, il vaut mieux que je sois capable de me concentrer !
Je me surprend à saluer quasiment les trois quart des invités ; j'ai donc discuté avec tant de monde ?! Je récolte de chaleureux souhaits de bon retour, beaucoup de "ravi(e) de t'avoir rencontré !", et autre "à bientôt j'espère !", que je redistribue avec enthousiasme. Je fais de gros câlins à mes amis, et le grand barbu aux yeux maquillé de bleus hésite également à me prendre dans ses bras - il finit par me presser affectueusement le bras.

Q. me dira plus tard 
- Ohlala, tu étais tellement élégante et sexy !
- Ah bon ?! J'ai surtout fait un compromis entre confort et un peu d'élégance vu les circonstances !
- Moi j'étais fringué n'importe comment, on aurait dit un collégien !
- Oh tu exa... non, tu as raison, c'est vrai que tu aurais vraiment pu faire mieux.
- Ah, tu vois !
Je réalise, plus tard, que ma tenue est exactement celle que je portais à la Nouvelle Orléans, et que je n'avais plus remise depuis Miguel. Je suis contente d'avoir ressortie la robe et les chaussures, et d'avoir brodé de nouveaux souvenirs dessus.

Dans la voiture, sur les petits chemins de campagne plongés dans le noir, mon gps dira "route inconnue". Je roulerai paisiblement, en écoutant Wardruna, et en me laissant bercer par ce sentiment de plénitude. Je repenserai aux gens que j'ai rencontré. A mes amis que j'ai retrouvé. A la chaleur de nos retrouvailles - à leur contact, j'ai l'impression de faire le plein d'amour et de bonheur. Je penserai à David, qui a vécu tant de galère, et qui, aujourd'hui, est si heureux avec Seb. Je crois que ça fait 5 ans que ça dure, maintenant - et ils m'ont l'air toujours aussi équilibrés, complémentaires. Difficile de ne pas voir des âmes sœurs quand on les regarde. Et ça me fait tellement chaud au cœur ! De toute mes forces, je leur souhaite de continuer à construire et à être heureux.

Je me sens bien. Je suis fière de moi, d'avoir osé m'ouvrir à des gens que je ne connais pas. J'ai le sentiment d'être à ma place.
Je regarde les lumières d'une ville, loin en contrebas, et me dis "J'existe".
C'est si beau, d'avoir une place dans le monde.

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