lundi 14 septembre 2020

Isaac : Et maintenant ?

C'était l'année dernière. 
J'étais en sparing à la boxe, quand mon adversaire m'a décoché un direct dans le plexus. Mon souffle s'est coupé, j'ai eu quelques secondes de sidération, puis je suis tombée à genoux. J'avais une douleur terrible dans la poitrine, qui m'empêchait de respirer - c'était du moins mon impression. Des larmes roulaient malgré moi sur mes joues, et je cherchais vainement à inspirer de l’oxygène.
Panique animale : impossible de penser rationnellement.
Le coach hurlait « Redresse-toi ! Mets toi debout ! Respire ! ». 
Et moi je me recroquevillais au sol en position fœtale.
Deux boxeurs sont venues me redresser, m'obligeant à me déplier, à me tenir debout. Le coach répétait en boucle dans mon oreille « Tu dois te redresser pour que la douleur passe ». 
Je ne comprenais pas ce qu'il voulait dire. 
« Détends toi, relâches tes muscles. Redresse toi. Détends toi. RESPIRE ».
Allant contre mon instinct premier, j'ai ouvert ma poitrine, acceptée la douleur, relâchée les muscles qui s'étaient crispées, et l'épouvantable douleur s'est volatilisée. 
En réalité, par ma crispation, j'entretenais le choc que mon corps avait reçu.
Psychologiquement, c'était abominablement perturbant.
Physiquement, c'était totalement sans conséquences. Dès que j'ai pu respirer à nouveau, j'étais fraîche et dispo, je ne sentais plus rien. Le coup n'avait même pas été très puissant.

***

Si la dernière partie de l'histoire de ma relation avec Isaac est paru il y a quelques jours, en réalité, tout cela s'est déroulé le 23 juillet. 

Plus d'un mois s'est donc écoulé depuis ce cauchemar.

...Et maintenant ?


Je ne sais toujours pas qui je suis, ni ce que je suis devenu. 
Je ne sais pas si je m'en veux. Ni même si cette question a un sens.
J'ai passé beaucoup de temps à demander autour de moi : « Suis-je une personne odieuse ? »
Je n'ai pas ma propre réponse à cette question.
Qui suis-je ?
Peut-être que ce n'est pas le moment pour se poser la question.

Je n'ai plus eu de nouvelles d'Isaac depuis ce mail où il disait que j'étais destructrice et dégueulasse, et que j'ai détruit sa vie, son honneur et la vérité.
Je continue de penser qu'il a sa propre responsabilité dans cette destruction - et que cette phrase pourrait s'appliquer à lui même.

En majorité, mes amis réprouvent mon choix d'avoir contacté Victoria. Certains, comme Copine#1, m'ont regardé comme si j'étais devenu quelqu'un d'autre - bien qu'aucun d'entre eux n'en éprouve pour autant une quelconque sympathie pour Isaac. Loin de là ! 
Mister Perfect voulait débarquer chez moi, me disant d'une voix posée, quoique tendue à craquer par la colère :
- Non mais là je n'ai pas d'autre choix que de venir lui foutre mon poing sur la gueule. Je ne peux pas faire autrement.
- Tu sais, s'il y a quelqu'un ici qui doit lui foutre son poing sur la gueule, c'est moi...
Un petit silence pensif, et puis :
- ... C'est vrai. Mais tu sais quoi ? Je fais un autre vœu, alors : je souhaite que tu ne penses plus à ce mec. Ni en bien, ni en mal. Que tu sois juste complètement indifférente, que tu l'oublies, que tu effaces son existence de ta mémoire, que tu ne ressentes plus aucune émotion à son sujet. Et que si tu venais à le croiser, ce serait comme croiser un inconnu.
- C'est un joli voeu !

... Qui ne s'est pas réalisé, bien sûr.
Je pense à Isaac chaque jour. Parfois en bien, parfois en mal - mais irrémédiablement tous les jours. Parfois j'ai des flambées de haine. Parfois il me manque. Souvent, je regarde seulement l'étendue de ce que j'ai vécu avec lui depuis un an [la première nuit avec Isaac était le 6 septembre 2019].

Je me sens épuisée et exsangue. J'ai le sentiment d'avoir tellement donné à Isaac, qu'il ne reste plus de moi qu'une enveloppe vide et atone.
J'ai décidé d'accepter cet état. D'accepter d'être triste et dévastée, d'accepter ma faiblesse.

Étonnamment, c'est plus facile à vivre : en acceptant mon état d'esprit, je ne m'autoflagelle pas, je prend juste soin de moi, je me laisse le temps, je fais preuve de bienveillance à mon égard. Je fais ce qui me fait plaisir, mange ce qui me fait du bien, sors quand j'en ai envie, ne me met aucune pression. C'est presque confortable : j'ai fait de ma tristesse un manteau, dans lequel je reprend des forces et de la chaleur.

Étonnamment, les journées sont plus difficiles que les soirs, ce qui est finalement plus commode à gérer : en journée je peux m'abrutir de travail ou d'activités, et les soirées sont des moments de calme et de repos, loin des peurs, des angoisses, des questionnements, des fantômes et des souvenirs.

Pendant quelques temps, j'ai eu peur qu'Isaac trouve le moyen de revenir. 
Peut-être que cette peur est toujours un peu là.
Mais une petite voix me souffle qu'en contactant Victoria, en touchant à sa sacro-sainte sécurité et en mettant à mal son confort de vie, j'ai fait la seule chose qu'il ne pourrait jamais me pardonner. 
Est-ce une des raisons, inconsciente ou non, de mon geste ? 
Encore une question qui n'aura jamais de réponse.

Bien que ma psy semble en être persuadée.
- Vous avez repris le contrôle, dit-elle en haussant les épaules.
- Mais... La façon de faire est...
- Elle est quoi ?
- Tordue ? Pas... bien ?
Nouveau haussement d'épaules.
- Le jugement ne m'intéresse pas. C'est quoi, le bien ? Ca dépend de celui qui parle. Ce qui m'intéresse, ce sont les faits et le pourquoi. Vous avez repris le contrôle sur cet homme, sur la situation. C'est tout. La façon de faire... Eh bien... Vous avez fait ce que vous avez pu.
Je reste interdite.
- Et moi je suis fière de vous. Essayez de vous féliciter, quelques fois. Vous avez beaucoup avancé, et vous avez fait preuve de courage. Et nous travaillerons ensuite sur le pardon, vis à vis de ce garçon, afin que vous puissiez complètement lâcher prise.
Elle regarde l'expression de mon visage, et conclu tranquillement, en écrivant sur son bloc note :
- Hum, trop tôt.

Après la dernière fois où j'ai vu Isaac, après le mail envoyé à Victoria, mes règles sont arrivées avec deux semaines d'avance.
Juste avant cela, mes règles étaient déjà arrivées avec deux semaines d'avance suite à l'envoi de ma lettre à mon oncle. « Un choc émotionnel peut bouleverser le cycle menstruel » m'a-t-on dit.
Du coup, j'ai eu mes règles toutes les deux semaines cet été. Ou comment le terme "exsangue" prend littéralement tout son sens actuellement.
Mon poids, qui avait chuté en dessous de 50 kilos pendant le confinement, et que je tentais de regagner, s'est effondré à nouveau, augmentant ma fatigue déjà abyssale suite à ma tristesse et à mes menstruations quasi permanentes. 
Conséquence de tout cela, j'ai tout le temps froid. 
J'étais celle qui, en plein été, avait toujours besoin d'un petit pull : 
- « Il y a un petit vent frais, non ? ».
- « Non, c'est la canicule, on crève de chaud »
- « ...Ah ? »
Mais comme pour tout le reste, j'ai choisi d'être patiente et bienveillante. Ça passera. 
Et tant pis pour les petites robes d'été.

Suivant les conseils de ma psy, je traite l'émotion liée à Isaac comme une dépendance. C'est une étonnante façon de gérer les choses, qui impose une distance bienvenue : l'homme est relégué au rang d'addiction, d'objet. Son visage s'efface, ne reste que l'émotion que son souvenir me procure, et que je considère comme quelque chose que je dois soigner. Là encore, en acceptant cela, j'accepte mes blessures, et je n'en suis que plus bienveillante envers moi même. 
Je traite cette dépendance par d'autres dépendances - et je suis une vraie délinquante, accro aux substances illicites telles que les fraises, le gingembre frais ou les épices (un demi litre de Golden mylk par jour, bien corsé).

Ma cheville s'est rétablie aussi brutalement qu'elle avait lâché. Je n'ai plus jamais eu mal, tout a dégonflé tout seul, comme s'il n'y avait jamais rien eu.
Encore un mystère.

J'ai repris le sport, en faisant attention à ne pas tomber dans l'excès - mais en réalité, mon corps va bien, même si je suis en sous-poids. 
Petite folie, je me suis offert une montre connectée pour évaluer mon activité quotidienne, et mon cycle de sommeil. Je suis dingue de ce petit objet abominablement autoritaire, qui me dit que je me couche trop tard, que je ne fais pas assez de pas à la journée et que mon poids devrait être de 4kg plus élevé, mais que j'ai un bon sommeil profond, et des activités saines.
J'ai commencé à aller courir en foret avec des collègues. J'ai toujours détesté courir, mais c'était le défi. Ma seule expérience de course, c'était les 10 minutes d'échauffement à la boxe, et les cours d'endurance au collège (que j'ai commencé à sécher dès la 5e). 
Mes collègues m'ont dit « Tu sais, nous c'est de la course tranquille hein ». Alors j'ai cru naïvement qu'on allait faire 20 petites minutes.
40 minutes plus tard, le meneur me disait « Alors si on va à gauche, on fait l'équivalent de ce qu'on vient de faire. A droite, ce sera moitié moins longtemps ».
J'ai choisi la droite en essayant de cacher le fait que je frôlais l'infarctus.
1h plus tard, mon collègue me demandait : 
- Mais tu n'avais pas couru depuis quand, en fait ?!
- Hum... Plus ou moins jamais.
- Ah oui !
Aujourd'hui, mes collègues disent de moi en riant : « Mademoiselle B., quand elle tombe, c'est la forêt qui a mal ! » [Parce que pendant la course, j'ai bien évidemment trouvé le moyen de glisser et dévaler une pente]
J'ai découvert, ébahie, que je peux courir 1h sans trop de soucis. Comme ça, à la fraîche. 
Alors j'ai acheté des baskets, et je le fais une à deux fois par semaine. Avec un collègue, on envisage de se lancer des défis : et si on s’entraînait pour un marathon ? 42km, le défi est lancé.
Je suis en réalité dans une forme physique qui m'épate moi même. Je suis confiante : mon régime alimentaire, mes activités, le soin que je m'apporte, ça paiera forcément.
J'irai mieux. J'en suis convaincue.
D'ailleurs, j'ai réussi à atteindre à nouveau les 50 kg.
J'ai testé des cours de danse classique. Ou comment les superbes high-kick de la boxe me permettent de ne pas rougir de ma souplesse dès le premier cours.
J'ai fait un stage de danse tzigane. 3 ans après mon dernier stage de danse, ma position est parfaite, droite et fière. Ma prof m'a pressé le bras affectueusement, avec un sourire entendu « Très belle position ». Elle qui m'avait chuchoté, il y a quelques années « Ne rentre pas ta tête dans les épaules, et redresse le menton ; ne montre à personne que tu n'as pas confiance en toi ». 
J'ai fait un stage de tribal-fusion. Ou comment j'ai observé, fascinée, que je pouvais contrôler au ralenti tous les muscles de mon corps.
Je suis là et j'existe, je vis et je ressens.

Je n'ai pas pu continuer mon escalier. Impossible de reprendre ce chantier, que j'associe, je pense, à mon deuil d'Isaac.
Ça m'a tout d'abord tétanisée : est-ce que ça signifie que je n'ai même pas commencé mon deuil de notre histoire ? J'ai le sentiment de ne pas du tout traiter le problème.
Et puis là encore, j'ai choisi de ne pas m'en vouloir ; je le reprendrai quand je pourrais. Et je sais que ce jour arrivera. Et ce jour là, je mettrai à nu ce magnifique chêne brut, et mon escalier sera simplement sublime.
Et en attendant d'être capable de continuer mon escalier, j'ai décidé de réaménager ma cave, d'enduire les murs à la chaux et me construire un établi avec des palettes.

Si j'ai fait quelques rencontres (Gérard-Nicolas, dont j'ai déjà parlé, et Martin, dont je parlerai très bientôt), en réalité l'idée qu'un homme puisse me toucher me fait horreur, et j'ai arrêté les rencontres. 
M'imaginer coucher avec quelqu'un me donne envie de hurler. 
Je suis hantée par l'immonde acte sexuel avec Isaac, qui a éradiqué tout ce qu'on avait vécu de beau. C'est d'ailleurs pour cela qu'il manque un "interlude" : je ne suis même plus capable d'écrire ce qui a été, et ce qui était sublime. Ne me reste que l'image de lui derrière moi, de mon hébétude, de mon horreur, et de son sperme sur mon dos.
Est-ce que quelque chose s'est cassé en moi ?
Il est trop tôt pour que je pose cette question.
Mais je décide de croire que je saurai aussi m'en remettre.

J'ai peur des dimanches soirs, qui étaient nos moments de rendez-vous. Ces fins de weekend où il me rejoignait, avec une barbe de quelques jours, et ses pulls dans lesquels j'enfouissais mon nez pour le respirer.
Pour contrer l'angoisse, pour ne pas avoir à subir les souvenirs liés à l'habitude, je me suis débrouillée pour avoir toujours quelque chose à faire le dimanche soir : j'ai été à Paris voir Morgueil, j'ai été dans ma famille, j'ai été faire des apéros avec des collègues, je fais de l'escalade avec mon frère, de la méditation avec mon groupe, ou vais marcher avec des amis. Je créé de nouvelles choses sur ce qui a existé, je plaque de nouvelles habitudes sur les anciennes - jusqu'à ce que je puisse vivre normalement ces moments particuliers. C'est le conseil que j'avais donné à Caroline, avec qui j'avais médité en faisant chanter mon bol tibétain. Angoissée, elle m'avait dit : « C'est ce qu'Olivier faisait. Il avait plein de bols tibétain ». 
J'ai proposé : « Et si on créait de nouveaux souvenirs, loin de lui, avec le chant de ce bol ? On essaie ? »
Caroline associe maintenant le chant des bols tibétain à une soirée au milieu des arbres, à méditer entre filles. Et m'a proposé de venir poncer mon escalier avec moi : « Et si on associait ton escalier à autre chose qu'à Isaac ?! »
J'ai adoré l'idée. Mais j'ai décliné : je ne suis pas prête. Et je crois que j'ai besoin de finir cet escalier seule.
En cherchant bien, il y a finalement des tas de choses à faire hors de chez soi un dimanche soir ; je pourrai aussi aller simplement au cinéma, et grignoter du popcorn.
Ou simplement appeler l'un de mes amis, et dire « C'est dimanche soir et ça m'angoisse vis à vis d'Isaac, tu veux bien être mon exorciste et aller boire un verre ? ».

Si Isaac a disparu, j'ai pourtant crains quelques temps qu'il ne cherche à me faire du mal.
Et puis j'ai ri tristement : que pourrait-il me faire maintenant ? Il m'a déjà fait du mal. Il a tout fait. Encore et encore. Il ne peut plus faire pire.
En réalité, je suis à l'abri. A l'abri dans mon manteau de tristesse, exsangue et glacée de l'avoir aimé.
Mais j'ai fait mes choix. J'ai voulu vivre l'histoire, j'ai voulu lui témoigner mon amour, et me donner. Je ne m'en veux pas, qu'importe l'issue merdique de tout ça. C'est facile de s'en vouloir lorsqu'on connait la fin. J'ai fait mes choix ces derniers mois - ça n'aurait aucun sens d'avoir des regrets aujourd'hui.
Je ne veux pas tomber dans les "J'aurais dû" et les "et si". Je décide d'accepter ce qui a été - de toute façon, ça a existé. Inutile de refaire le match, ou de regretter.
De ma tristesse de lui avoir tout donné - mes plus beaux textes, mes plus belles peintures, mes plus belles déclarations - j'ai décidé d'en tirer une autre conclusion : j'ai tout donné parce que c'est moi, je me suis offerte parce que je suis une passionnée, si j'ai su écrire le sublime, je saurais le refaire, et si j'ai progressé en peinture, je pourrais faire d'autres toiles, plus belles encore. Rien n'est perdu. Juste du temps, et de l'énergie - mais en échange, j'ai acquis de l'expérience.

J'ai acheté un autre téléphone. 
J'ai choisi de ne pas récupérer mon ancien répertoire, que j'avais synchronisé sur google. J'ai souhaité repartir de zéro. Tout reconstruire.
Copine#1 m'a proposé de prendre mon portable pour bloquer le numéro d'Isaac, qu'elle a toujours, sans que j'ai à m'occuper de ça. Et de faire pareil avec ma boîte mail.
J'ai trouvé que c'était une très belle attention.

Et puis il y a quelques jours, un homme a téléphoné à ma mère : « J'ai trouvé un téléphone, il y avait votre numéro dans le répertoire, ça vous dit quelque chose ? »
Jeudi dernier, deux mois après la perte, j'ai récupéré mon téléphone. La puce SD est dedans. La carte Sim aussi. Tout est intact. 
Mais impossible de me souvenir de mon code pin. 
Il y a certainement quelque chose à comprendre là dedans.

J'ignore si je pourrais faire confiance à quelqu'un à nouveau.
J'ai jalousé Victoria si longtemps, avant de réaliser que la relation qu'ils avaient, et qui, selon Isaac, provoque l'admiration de leur entourage, me fait horreur : distance, dissimulation, mensonge. 
Voudrais-je réellement qu'un homme dise de moi que je suis la femme de sa vie, et qu'il juge à ma place ce que je dois savoir ou non, qu'il me mente "pour mon bien" ? 
Non, pour rien au monde.
Y-a-t-il vraiment des couples qui marchent ?
Si oui, est-ce que je suis le genre de personne qui peut obtenir un couple qui marche - qui marche vraiment ?
En 15 ans de vie d'adulte, pas un seul gars n'a été digne d'une vie équilibrée, faite d'amour et de partage, avec qui j'aurais pu construire quelque chose. Pas un seul. Et Isaac, qui se voulait le guérisseur, arrivé là pour me réconcilier avec la gente masculine, a été le pire d'entre tous. 
Peut-être que je suis incapable de déceler les bonnes personnes.
Peut-être qu'à voir avant tout les qualités des gens, je suis trop facilement manipulable.
Peut-être que le jeu n'en vaut pas la chandelle.
Et si, comme pour tout le reste, je devais compter que sur moi même ?
Et si ma vie devait prendre un autre chemin ?
Je regarde de très près les débats sur la PMA. J'écoute des podcasts, je lis des témoignages. Je fais des calculs, je contacte crèches et mairies, je fais des simulations financières pour voir si je pourrais m'en sortir financièrement. J'en ferai sans doute un article.
Je continue de chercher du travail ailleurs, pour me rapprocher de ma famille. Si je dois faire des enfants seule, j'aurais besoin de soutien et d'aide.
J'envisage de faire un don d'ovocytes, pour pouvoir avoir le droit d'en congeler pour moi. Je fais des démarches. J'en reparlerai sans doute aussi.
Je tourne mon regard et mon énergie vers un autre chemin, vers ce désir d'enfant. Vers la construction de vie que je souhaitais, ou presque ; j'en éradique l'Autre, l'Homme, l'Amour. Peut-être que finalement, ça pourrait être plus simple. Plus triste et plus solitaire - mais exempt de trahison et de déception.
Du coup je planifie les rénovations de la maison, et réfléchis à la suite : la vendre ou la louer ? Je fais des simulations. Je regarde ce qui est possible. 
En réalité, tout est possible.
Je me dis que je vais partir à la recherche de cette maison que j'ai vu en rêve, pour mettre au monde cette fillette qui n'existe pas encore, afin qu'elle puisse courir dans l'herbe en riant.

Je sais que tout cela est dicté par la tristesse, par la colère, par la douleur. Je sais que je pourrais changer d'avis, ou que ma réflexion pourrait évoluer dans un sens ou un autre. Mais pour l'instant, cette voie me semble avoir du sens, et me permet de canaliser mes projets.
Il sera toujours temps de bifurquer si besoin.

Alors : et maintenant ?
Eh bien... la vie continue.

6 commentaires:

  1. contente que tu tournes la page Isaac !
    a envisager : la coparentalité. trouver un homme qui souhaite lui aussi devenir père sans pour autant être en couple. c'est une piste à ne pas négliger.

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    1. C'est une piste, mais qui implique une forme de confiance tout de même - peut-être encore plus qu'un couple traditionnel ? Et également un risque, car rien n'est fixé légalement dans ce genre de cas... Non ? Et comment ça se trouve, un "partenaire de parentalité" ? Tu connais des gens qui l'ont fait ? Tu as des retours ? Ca m'intrigue...

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  2. Tu es très émouvante. Ça ne sera pas facile, mais je crois que tu as les ressources. Tiens j'avais commencé à courir "comme ça" aussi, et sur un coup de tête je m'étais lancée un défi que je trouvais déjà pas mal, faire un semi 3 mois après la première course. On me disait déjà que j'étais pas nette, alors un marathon ;) but you can do it, sure!

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    1. Merci. Ta confiance en mes ressources me donne envie de croire que tu as raison !
      Tiens, je n'avais même jamais envisagé qu'il y avait des demi-mesures : un semi, c'est vrai que c'est tout de même un défi plus accessible ! Et ça ne m'a même pas effleuré !
      Et tu as pu le faire ce semi ?!

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  3. Je suis émue en lisant ce dernier post. Même si tu exprimes encore des sentiments que tu juges négatifs, ils te mèneront vers la résilience que tu commences déjà à entrevoir.
    Ton dernier paragraphe résonne fort en moi, je suis aussi dans ce cheminement de pensée : penser à soi premièrement, savoir que tout est possible et faisable seule. Je pense que tout est là. Que le couple et tous ces schémas tradi ne sont pas une norme à suivre, ce qui est important c'est de se donner les moyens d'atteindre une sérénité et ne jamais s'oublier.
    Que tu penses que tu ne saches pas déceler les mauvaises intentions de l'autre est un défaut, je ne suis pas d'accord avec toi. C'est à mon sens un joli don de la nature et il faut que tu ouvres les yeux sur cette jolie faculté et cette vision hors norme que tu as en toi :)
    Prends soin de toi (mais je vois que tu le fais merveilleusement bien)

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    1. Merci sister.
      Je crois que, toi comme moi, on sait désormais de quoi on est capable. Il y a tellement de trucs qu'on fait (ou qu'on a dû faire) seules - et je crois que de ton côté, tu peux être fière de toi, de ta force de matka, et de ta superbe petite puce ! Etre bien avec soi-même, et savoir ce qu'on vaut, c'est déjà pas mal. C'est sûr que ne pas être seule, c'est (ou ce serait) mieux, mais en effet, il faut déjà viser la sérénité. (Et parfois je me dis que cette sérénité, bon sang, elle ne passe pas par les hommes !)
      Disons que voir le positif chez les autres ne m'a pas apporté grand chose dans ma vie. Ah, si, j'ai bossé quelques mois en prison, et j'étais très appréciée parce que je voyais les humains, non pas des criminels. Mais est-ce que ça suffit à vivre sereinement... Pas sûre. En tout cas pour ma vie sentimentale, c'est pas très pratique.
      Prend soin de toi également.
      Et... Matka... Bordel ça fait quoi, 3 ans qu'on se connait... ? Tu parles toujours aussi bien, tu es un baume pour les cœurs cabossés.
      Luv <3

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