lundi 1 avril 2019

Deuxième séance chez cet Osteo : Ambiguïtés

J'ai repensé à lui chaque jour, jusqu'au rendez-vous suivant. Tous les jours pendant trois semaines. Et j'appréhendais sérieusement cette nouvelle séance.
Qu'allait-il me dire cette fois ? Comment allait-il me déstabiliser ?

Lorsqu'il vient me chercher dans la salle d'attente, je redécouvre son visage - moi et mon absence de physionomie…
Je ne me souvenais que de son sourire, et du blond-roux de sa tignasse en bataille.
On fait le point : oui j'ai moins mal, non je ne suis pas au top, oui, bon, ok, peut-être que je continue de faire la fofolle au sport.
Il glousse à certaine de mes réponses.
Puis, lorsque je lui dis que j'ai constamment mal aux trapèzes et que c'est une fatalité car je me tiens toute renfrognée toute la journée, comme un bouledogue, il se penche en avant et éclate de rire. C'est clair, naturel et joyeux. Je le regarde, ébahie et émerveillée d'avoir provoqué ça. Je me dis que c'est la chose la plus adorable que j'ai eu à observer depuis longtemps.

Je me déshabille.
J'ai décidée de ne pas être hypocrite, et de ne pas faire d'efforts. Je suis plus velue qu'il y a trois semaines (c'était pourtant difficile de faire pire), et j'ai remis le même soutien-gorge qui, s'il est plein de peinture, à au moins le mérite d'être simple, sans rembourrage et sans armature (honnête, donc). J'ai opté pour mon super slip "Jack" (mon porte-bonheur, mon slip-réconfort - et puis il a des coutures en fil violet brillant !), et des chaussettes infantilisantes avec des têtes d'animaux.
C'est comme si je voulais tout faire pour ne ressembler à rien, et ne surtout pas montrer à quel point cet homme me touche… Et me plait.
Jack. Mister Jack.
Je suis debout devant lui, il me regarde, je n'ose pas soutenir son regard. Je suis gauche et gênée, de ma nudité, de mon corps, de moi.
Il se met derrière moi, palpe mes vertèbres. Ses mains s'attardent sur mes épaules, sur mes bras. Peut-être une seconde de plus que nécessaire. J'ai presque l'impression qu'il me caresse. Je ne sais pas quoi penser…. Mais je suis électrisée.

Lorsque je m'allonge, il me dit « Vos fesses sont incroyablement rebondies ! Non vraiment, c'est fou ! ».
J'éclate de rire, parce qu'il faut bien faire quelque chose. Une part de moi est flattée, l'autre part trouve cette remarque carrément borderline.

Je suis sur le ventre, et, après un silence, il dit « Je peux vous poser une question ? ».
Silence.
« Oui », dis-je, en pensant qu'il ne s'est pas soucié de demander la permission, la dernière fois.
« Vous n'êtes pas obligé de me répondre si vous ne le souhaitez pas »
« Je ne m'en sentirais pas obligé ».
« Bien »
Un silence.
« Pourquoi êtes-vous "renfrognée comme un bouledogue", comme vous dites ? Pourquoi sur la défensive ? »
Ahah. Première question épineuse de la séance.

« Vous avez mal quand je fais ça ? »
« Oui »
« Et là ? »
« Oui »
« Bon, comme ça ? »
« Aussi »
Il soupire. « Mais qu'est-ce que je vais faire de vous ? »
Je ris. Je pense « J'ai bien quelques idées.... ». Je dis « On démonte tout et on jette, ya rien à garder ! »
« Mais non voyons ! »

Puis je passe sur le dos, et il me demande ce que j'ai pensé de la séance d'avant. Comment je me suis sentie. Je repense à cette phrase qui me hante : « Et les hommes, c'est un caprice ? ». Je déglutis. Je ne veux pas lui dire à quel point il m'a perturbé. Pas lui avouer le trouble qu'il sème en moi. Ce serait à moitié avouer mon attirance, et c'est hors de question. Hésitante, je réponds que j'ai eu mal après, mais que ça allait. Posément, il dit « ce n'était pas ma question ». Il attend. J'élude, je parle trop, je noie le poisson.
Soit j'ai réussi à détourner son attention, soit il a compris que la question me dérangeait, mais il se laisse embarquer sur d'autres sujets.
Avec le recul, je me dis que j'aurais peut-être dû répondre. Est-ce que c'est grave, d'avouer mon attirance ? Est-ce que c'est grave, d'en avoir une ?

Il regarde mes chaussettes. « Ce sont des chats ou des souris ? C'est pas bien clair… »
« Vous n'avez qu'à décider »
« Non, je ne pourrais pas. Hum, c'est vraiment perturbant ».

Il rit souvent. Chuchote moins.
C'est à la fois plus et moins intime. C'est... différent.

Il me fait incliner la tête. A droite, dans un premier temps. Mon visage repose dans ses mains, et il me tient délicatement, comme si j'étais en porcelaine.
« Vos yeux sont ouverts ou fermés ? »
« Ouverts »
« Fermez les yeux »
Il passe délicatement une mèche de cheveux derrière mon oreille.
Puis il me fait incliner la tête à gauche. « Gardez les yeux fermés ». Et de nouveau, il passe une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.
Je trouve ce geste très, trop intime.

Je tremble comme une feuille depuis dix minutes.
« Vous tremblez comme un petit poussin ! C'est mignon »
« Vous vous moquez », je grogne.
« Non. Bon, si. Mais c'est bienveillant, dit-il. Et ne vous inquiétez pas, c'est assez habituel. C'est l'émotion ».
Je fronce les sourcils. Je ne suis pas sûre de comprendre vraiment - j'ai l'impression que cette séance est moins éprouvante que la première - mais c'est vrai que c'était difficile de faire pire !

On parle de sciences, de langage, d'enfants. Il me dit qu'il pense que je suis bien moins calme que je n'en ai l'air - encore une phrase ambiguë que je ne sais pas comment prendre ni comment relever. Moi qui ai toujours de la répartie, cet homme me clou le bec - je ris doucement et je baisse les yeux.
« Je bouge beaucoup c'est vrai... »
« Ce n'est pas ce que je voulais dire... »

Mais que voulait-il dire... ?

Je crois qu'une partie de lui, sa façon d'observer et sa perspicacité, me font penser à Charles-Henri.

Hum, ce n'est pas bon.

« Vous êtes pleine de contradictions… », dit-il.

Je tente de maîtriser mes tremblements, mais c'est peine perdue. Il pose ses mains sur mon torse et sur mon dos, et je commence à paniquer, avec la sensation de manquer d'air. Je ferme les yeux et me raisonne. J'ai l'impression d'être sous l'eau. J'essaie de maîtriser ma panique irrationnelle, et de me rappeler que je ne suis absolument pas en train de manquer d'air, que tout va bien, que je suis en sécurité.
« Cette posture ne va pas », affirme-t-il en relâchant la pression. « Non non, ce n'est pas grave, je vais me concentrer, me calmer, ça va ». Je le regarde, son visage à quelques centimètres du mien. Il est catégorique « Non, c'est grave. On va faire ça autrement ». Finalement, il appuie plutôt sur mon plexus.
C'est un peu moins oppressant.
Je ne m'explique pas pourquoi j'ai fait ce début de crise de panique.
« Je ne suis pas trop sur votre sein ? ».
Bon sang….

Je crois que j'aurais aimé qu'il me serre dans ses bras.

Non, ne pas penser ça.

Nous débriefons après la séance. Il me dit d'arrêter de penser que je suis fragile : « Votre dos n'a rien. Vous avez un dos solide, super musclé - bien plus que moi ! [Je hausse un sourcil, me disant en moi-même qu'il est de toute façon gaulé comme un cure-dent] Et je ne parle même pas de vos fesses, en béton armé. Vous pouvez tout faire. Ne vous restreignez pas - c'est ça qui fait du mal ! Vivez ! Faites-vous du bien ! »
Je suis interloquée. Mais ravie.
« Mais... Même la boxe ? C'est un peu violent… Non ? »
Il me regarde. « Je fais du rugby ». Je le regarde de haut en bas, je ravale un « Sérieux ?! » qui serait indélicat, et un « mais vous devez vous faire écrabouiller ! » encore plus indélicat, pendant que je me dis qu'il doit être carrément plus gaulé que je n'en ai eu l'impression aux premiers abords. Je hoche la tête, bouche ouverte, dans la parfaite imitation de la carpe.
Oh non, les rygbymen… Ma kryptonite.
« Et c'est quand j'arrête d'en faire que j'ai des douleurs. Alors ? Ça répond à votre question ? »
Oui, plutôt.
Et ça m'ajoute une ligne dans la case "fantasme", mais n'insistons pas, je suis définitivement tombée...

Il dit : « Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? »
Je ne comprends pas la question. Mon cœur bat la chamade. « Ce... qu'on... fait ? »
Il laisse passer un silence.
« Je parle des séances », précise-t-il d'une voix totalement neutre.
Je me demande si l’ambiguïté de la question était volontaire.

Il regarde l'heure « Je vais me faire engueuler », dit-il.
Oui, je sais, je sais. Cette alliance en or blanc m'éblouit à chaque fois.
« Pas grave, j'ai l'habitude », dit-il encore.

Je rentre, retrouver mon chat et ma solitude - oh, tiens, j’aurait pu l’appeler comme ça. Je tremble encore comme une feuille et je dois attendre une bonne demi-heure avant de pouvoir écrire à Copine#1. Encore une fois, cette séance tourne et retourne dans ma tête.

« Arrêtez de penser que vous êtes fragile, ou faible ».
Je me demande si je peux appliquer cette phrase à moi, en général.
« C'est parce qu'on se restreint, qu'on se dit qu'il faut faire très attention, qu'on se limite »
Peut-être que je devrais juste croire en ma propre force ?

6 commentaires:

  1. Il a totalement raison. T'es ni fragile ni faible.
    T'as l'air d'une warrior en sport, j'ai marché 2h samedi et je m'en suis encore pas tout à fait remis. T'as fait tout plein de travaux chez toi, j'ai tout juste été foutu de percer des trous dans un mur. ��
    Par contre, il est effectivement très ambigu comme mec, surtout si il est marié...

    (J'ai lu ton blog depuis le début après que t'aies commenté sur le mien, et je dois dire que t'es tombé sur des sacrés cas... Hector, Charles-Henri, Miguel, pas un pour taper sur l'autre... Tout ce que tu peux te reprocher, c'est peut-être d'avoir été un peu trop naïve. ��)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu as tout lu depuis le début ?! Wow. Alors là... Trop fort. Y'a pas un paquet d'article pourtant - et le moins qu'on puisse dire, c'est que je ne suis pas une personne qui sait faire des articles courts.
      Chapeau !

      Et je te l'accorde, j'ai un côté un peu naïf. Je fais bêtement confiance aux gens - ya pas idée !

      J'avoue, j'ai beaucoup rit (pardon) avec cette histoire des 2h de marche samedi qui t'ont même empêché de faire quoi que ce soit avec Juliette le soir.
      Mais c'est une histoire d'entrainement, n'importe qui peut devenir sportif, j'suis pas une athlète non plus, loin de là. 2h de marche tout les jours, et tu y seras toi aussi ;)

      Hum, donc de ton point de vue de mec, ça te semble aussi un peu chelou ? 'Me suis demandé à un moment si c'était pas moi qui voyait des ambiguïtés et/ou qui était perturbé pour pas grand chose. Bon, je ne suis donc pas *si* prude que ça.

      Supprimer
    2. Bah, ça va, ça prend juste du temps de tout lire. Mais du temps, j'en ai plein au boulot. :)

      Oui, il y a ambiguité, je trouve. Maintenant, j'ai jamais été chez un kiné ou un osthéo, donc je connais pas vraiment les standards. Et puis peut-être que ça vient du fait que tu l'as perçu comme ambigu pendant la séance, et que tu l'as retranscrit de cette façon dans l'article (parce qu'il a l'air de te plaire), alors que c'était en fait plus professionnel. Mais bon, pour ça, t'es la seule qui puisse en juger. Ou encore, il est plus amical parce que toute la journée il voit que des ptits vieux, et quand c'est quelqu'un de son âge, il est plus à l'aise pour discuter, et il dépasse un peu les bornes sans s'en rendre compte.

      T'es pas plus avancée, hein ? ;)

      Supprimer
    3. Les statistiques de mon blog tiennent à remercier Evil Corp, sans qui rien n'aurait été possible. Love.

      Hahaha, non pas trop, en effet :p
      Mais ce qui me rassure, c'est que tu as raison : en fait on n'en sait rien, parce qu'on ne connait pas les intentions de ce type. J'ai encore 3 articles sous le coude à propos de lui (j'en suis à ma 4e séance), et ce que tu avance reste une possibilité plausible.
      En vrai, je ne saurais probablement jamais le fin mot du truc !

      Supprimer
  2. Très professionnel cet ostéopathe. S'il avait été vieux ou/et repoussant, ces remarques et gestes déplacés auraient fait de lui un vieux libidineux abusant de sa position. De quoi le dénoncer auprès de son ordre. Mais comme il est sexy, il peut se permettre d'émettre un avis sur le cul de sa patiente et de la tripoter. Tranquille. Un praticien à recommander.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce n'est pas faux, je vous l'accorde...
      Cela dit, si ça avait été une femme, l'attitude générale serait passée pour un excès de familiarité...

      Supprimer