Charles-Henri m’a demandé mon avis sur « ce qui était
en train de se passer », à savoir ce raz de marée de témoignages, qui
emporte toutes les justifications vaseuses et les œillères que la société veut
bien porter.
J’ai répondu que je regardais ça avec intérêt, une sorte de
satisfaction froide à voir sortir ce que toutes les femmes savent déjà, mais
que les hommes ne réalisaient pas : toutes les femmes ont une histoire à
raconter, plus ou moins grave. TOUTES.
Que c’est le nombre de témoignages qui fait la force des
choses.
Que c’est à la fois terrible et beau.
Pour la petite parenthèse, je connais une femme qui est née
homme. Elle a effectué sa transition vers cinquante ans. « La transition »,
c’est déjà le fait de se travestir et de vivre comme une femme, avant de le devenir
chirurgicalement.
Donc elle se promenait, avec une jupe à mi- mollets et un
petit gilet qui n’aurait pas dépareillé dans un pensionnat pour filles des
années cinquante, quand elle s’est fait siffler par un groupe de mecs.
Elle n’avait jamais connu ça de sa vie. Elle découvrait ça à
cinquante piges, en passant « de l’autre côté de la barrière ».
Elle m’a raconté à quel point elle s’était sentie humiliée,
à quel point elle était folle de rage.
Moi je trouvais qu’elle sur-réagissais, pour « juste un
sifflement », avant de réaliser que ce n’était pas elle qui sur-réagissait
mais que c’était moi, que c’était nous toutes, qui sous-réagissions : nous
prenons ça comme quelque chose de désagréablement ordinaire.
Je me dis que j'ai le devoir, en tant que femme, d'ajouter ma pierre à cette édifice avec mon témoignage :