A la suite de l’annonce de l’internat de Charles-Henri, j’ai
voulu prendre de ses nouvelles le lendemain : Je m’inquiétais un peu de
son état d’esprit car, pendant des semaines, il s’imaginait habiter dans la
maison secondaire familiale (lui qui rêve d’en être le propriétaire), et il se
retrouve expulsé à l’opposé, dans un obscur département rural et sans intérêt.
Ce soir-là, il était au restaurant avec sa tante (j’étais
rassurée : il se changeait les idées) et je l’ai eu au téléphone le
surlendemain. S’il m’a affirmé que tout allait bien et que c’était « un
désagrément plutôt qu’une désillusion », j’ai senti à sa voix qu’il
n’était pas au top moumoute.
Il m’a proposé qu’on se voie le soir ; j’avais prévu
une soirée chez mes copines, mais on pouvait se voir après.
Nous nous sommes retrouvés chez moi vers minuit, et nous
nous sommes couchés presque aussitôt.
Du coup je ne lui ai parlé du projet voiture que le
lendemain, au petit-déjeuner. A vrai dire, je lui ai asséné deux grosses
nouvelles au petit déjeuner :
- Cette histoire de voiture, qu’il a digéré en ouvrant
grand les yeux et en disant « Mais c’est une grosse dépense quand même ».
(Bof, quand on voit ce qu’elle me coute en réparation, ça
se discute).
- Et une question : « Je vais bientôt avoir mes règles,
est-ce que je commence à prendre un contraceptif ou on attend ? Tu n’es pas
obligé de me réponde maintenant »
Mais mon regard direct disait un peu le contraire.
J’ai senti que je lui en sortais beaucoup d’un coup, et
il m’a répondu d’une petite voix « Oui, tu peux faire ça… ».
Par la suite, je me suis dit que j’avais peut-être frappé
fort, même s’il n’est visiblement pas un flippé de l’engagement. J’ai décidé de
ne plus aborder le sujet, et de ne pas trop lui écrire les prochains jours,
pour qu’il ne se sente pas trop pris en otage.
Je l’ai toutefois eu au téléphone quelques jours plus
tard, où il m’a dit sur le ton de la conversation : « Il faudra que je pense à
faire des ordonnances pour les dépistages et pour ta contraception ».
J’ai lancé un faussement distrait : « Oh… oui » avant
d’ajouter « Ne t’embêtes pas avec la contraception, j’ai toujours des
ordonnances, j’en fais faire à chaque fois à ma gynéco, au cas où »
Et je jubilais qu’il en reparle de lui-même.
Et puis dimanche, j’allais voir un spectacle avec
Copine#1 à Charlhenriville, et je devais ensuite retrouver Charles-Henri, qui
revenait de Paris. Je me suis posée dans un café avec un livre en attendant
qu’il soit l’heure, puis je l’ai rejoint à la gare.
Nous avons marchés jusqu’à chez lui, où, lorsqu’on est
entré, on a vu de la lumière. Panique : Oh Mon Dieu ça y est, je vais
rencontrer quelqu’un de la colloc !
Il s’agissait de son frère, qui a à peu près la même tête
mais avec des traits très fins (alors que Charles-Henri a un visage très franc,
avec beaucoup de personnalité), un air un peu intello et plutôt maigrichon (J’adore
observer les différences entre les frangin/es). Il y avait également sa
petite-amie. On se dit bonjour, et là, Charles-Henri dit « Faut que j’aille aux
toilettes », et il me plante dans la cuisine avec ces deux inconnus.
Panique.
On papote laborieusement, je raconte le spectacle que je
viens d’aller voir, histoire de meubler, pendant que je maudis Charles-Henri
qui passe dix minutes aux chiottes.
Lorsqu’il sort, il s’insère dans la discussion et je
souffle : ouf, je n’ai plus à chercher désespérément des sujets de
conversation.
On prend une douche chez lui parce que chez moi, ma
chaudière est en panne (j’ai passé la nuit précédente à éponger ma cuisine et à
essayer de joindre le dépanneur 24/24h qui n’a jamais répondu). Là, j’apprends
par la même occasion qu’il est propriétaire de cet appart, ce que j’ignorais. «
Ouais après tout, on s’est dit avec mes parents que, quitte à avoir dix ans
d’études, autant acheter l’appart ! ».
Ouiiiiii, alors boooooon, moi quand je faisais mes études
j’avais 400€/mois pour payer mon loyer, mes factures, mes courses et mes
études, alors acheter un appart, excuse-moi, mais ça n’aurait jamais été
possible !!
Mais là encore, nous n’avons clairement pas les mêmes
familles.
Ensuite nous allons chez moi, une heure de route qui
passe très vite, on discute, je joue avec ses cheveux et je caresse sa nuque.
Là encore il m’achève en me disant « J’ai eu une idée
pour la maison de mes parents. Dans ce qui sert d’étable, je mets une grande
baie vitrée, je fais un jardin d’hiver et je mets un jacuzzi ! Bon, c’est de
l’ordre de 30 000€ de travaux, mais c’est pas urgent, je mettrais de l’argent de
côté, ça ne devrait pas prendre très longtemps [sic], et puis je ferais ça ! ».
Ouiiiiii, alors boooooon, moi pour le double, j’achète
une maison et ça m’endette sur vingt ans…
Mais nous n’avons pas les mêmes moyens.
Chez moi, pendant que je prépare le repas, il revient
vers moi, gêné « Est-ce que tu te souviens du prix de ton contraceptif ? »
« Hum… Il me semble que c’est une quarantaine d’euros pour
3 mois »
« Est-ce que ça t’embête si je paie la moitié ? Je n’aime
pas l’idée de ne pas participer… »
Bouffée d’affection : J’adore que ça lui paraisse normal.
Et en plus, je ne savais pas comment aborder le sujet, car je voulais justement
lui demander s’il accepterait de payer avec moi.
Nous allons nous coucher, après nous être chauffés dans
la salle de bain. Je lui dis de faire attention car j’ai la poitrine
douloureuse ces temps-ci. Tout en me disant que, dans le feu de l’action, il
risque de zapper.
Eh bien pas du tout : Charles-Henri mérite le surnom
de Perfect Boy que lui ont donnés mes copine, car il a été d’une douceur
désarmante toute la nuit, même au paroxysme de son excitation.
Nous avons reparlés de son internat, et je me suis forcé
à être confiante : « Ecoute, c’est une histoire d’organisation. On va
y arriver. Il faudra juste qu’on soit hyper organisé. On en est complètement
capable ! ».
Et j’en suis absolument persuadée.
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