jeudi 2 août 2018

Je suis partie au Brésil retrouver un homme que je connaissais à peine (5/7) : Let it be


Je vais un peu mieux – mais la menace n'est pas loin. J'ai intérêt à boire beaucoup d'eau aujourd'hui. 
Pendant la nuit, nous avons dormi collés l'un à l'autre. Au réveil, il me serre dans ses bras et me dit quelque chose que je ne comprends pas. Je lui fait répéter. Il utilise des mots que je ne connais pas. Je lui fait répéter encore.
Il rit en m'embrassant, et me dit « Tu as failli me faire tomber, cette nuit ! » 

Nous devions repartir aujourd'hui, puis non, puis oui, puis non…  

On prend tranquillement notre petit déjeuner, comme chaque matin il nous cuisine des galettes de Tapioca et des œufs, pendant que j'ouvre des oranges et des papayes. 

De retour dans la chambre, je m'accoude à la fenêtre, à genoux sur le lit, pour regarder les poules. Comme tous les jours, elles sont en train de glouglouter ensembles, voleter et se grimper dessus, et, comme si l'une d'entre elle donnait un top départ, elles se mettent à foncer dans une même direction. 
« Fucking Chickens » 
Elles sont complètement cinglées. 
Et cette nuit, l'une d'elle à chié sur mes chaussures, laissées à l'extérieur. 
Je suis un peu colère.

Pendant que je suis là, à me demander ce qui leur passe par la tête, Miguel s'est allongé à côté de moi sur le lit. Il caresse mes fesses, soulève ma jupe, puis glisse sa tête en dessous et commence à me lécher.  
Je regarde autour de moi, un peu flippée - merde, et si quelqu'un nous voit ? 
… 
Eh bien ils verront une fille penchée à la fenêtre, et il me faudra garder un visage impassible. 
Miguel est infatigable, et pendant que les poules foncent de l'autre côté du campement, un orgasme me jette au bas de la fenêtre, sur le lit. Je me cogne l'épaule sur le montant du lit, mais la douleur attendra – j'ai besoin des bras de Miguel pour contenir mes tremblements. 
Son sourire victorieux ne m'échappe pas.

Après quelques temps, il guide ma main pour que je m'occupe de lui. Je le caresse, puis je le prend dans ma bouche – qu'est-ce que j'aime lui faire ça. Même si j'ignore s'il apprécie. 
Puis nous faisons l'amour, furieusement. Le soleil tombe sur nous par la fenêtre, pendant que Miguel observe ses rayons sur ma peau, fasciné par la vision de nos corps qui s’emboîtent. Je me sens plus nue que je ne le suis, mon intimité soumise à son regard – mais une partie de moi est excitée de le voir excité.  

Après l'amour, nous restons enlacés. 

Je sens que je paierai ces folies - il fallait qu'il redevienne chaud comme la braise pile quand je devrais rester sage !

Plus tard, nous prenons nos affaires et vidons la chambre, pour partir en randonnée. Quoiqu'il arrive, nous ne reviendrons pas ici. 



Il y a un chemin de randonnée, à quelques kilomètres à peine de notre campement. Pas très long, mais assez escarpé. La température plafonne à 31°C. Heureusement, une grosse partie est sous les arbres, et le chemin fait le tour de nombreuses cascades, qui nous rafraîchissent.

Je m'écarte régulièrement du chemin pour aller faire pipi. 
C'est affreusement contraignant. 
Et lorsque je me jette dans un buisson, animée d'une envie très pressante, je me coupe la fesse dans des branchages. 
Me voilà avec la fesse gauche qui saigne, balafrée sur toute sa rondeur. 
Je lève les yeux au ciel, blasée. 


Au détour d'une cascade et d'une "piscinas", on fait la connaissance de Joao et Lucia, un un couple de Brésiliens. 
Ils parlent tous les trois. Parfois, Joao et Lucia essaient de baragouiner en anglais. Mais dans l'ensemble, je ne peux qu'essayer de saisir quelques mots que je connais – et regarder voleter les libellules. 




Miguel me dit « Joao m'a parlé d'une super auberge à São Jorge ! On pourrait aller y passer la nuit ! » 
« Mais... Tu n'avais pas dit que l'on devait partir aujourd'hui, car demain tu as des choses à faire et tu dois passer à ton travail ? Tu as encore changé d'avis ? » 
Regard gêné « ….Je pourrais faire tout ça vendredi » 
J'hésites. 
Nous retrouvons une super complicité - j'ai l'impression que l'on a trouvé notre rythme. Le paysage est sublime, et j'ai envie de prolonger le séjour. En plus, de retour à Brasilia, il y a des chances qu'il veuille sortir – et là, je me retrouverais de nouveau seule avec plein de gens dont je ne parle pas la langue. Cette bulle à Chapada me convient bien. 
D'un autre côté, je suis malade, mes vêtements commencent à manquer, et j'aurais plus besoin de Madame Civilisation (et d'une machine à laver) que de Mère Nature (qui m'en veut). 
Il me demande franchement mon avis. 
J'apprécie qu'enfin, il m'intègre aux décisions. 
On pèse le pour et le contre ; et puis il y a cette randonnée, Vae da Lua "La vallée de la lune", très réputée, que nous aimerions bien faire. Nous n'aurons clairement pas le temps de la faire aujourd'hui : nous sommes déjà bien fatiguée, et la journée est déjà bien avancée - j'oublie toujours qu'ici, le soleil commence à se coucher à 17h00. 
Je ne suis pas raisonnable : tant pis pour mon corps qui se détraque. De toute façon, je doute de pouvoir résoudre mon problème en retournant à Brasilia. Et j'ai dû lâcher prise sur beaucoup de choses, car mon rasoir est cassé, je ne peux plus m'épiler.  
Je veux profiter encore de cette petite bulle de bonheur à Chapada dos Veadeiros. 


Joao et Lucia nous offre des bananes séchées - je couine de bonheur, c'est absolument délicieux. 
Nous leur offrons des oranges, que nous partageons.  
Miguel : « Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui aimait les oranges à ce point ! » 
« Tu devrais me voir avec les fraises ! » 


A la fin de la randonnée, on va manger puis on part à la recherche de la première auberge, "La tente dans la tente", puisque Miguel a pu obtenir du wifi avant de partir, et qu'on sait désormais comment y aller. L'auberge est bien avant São Jorge, et on doit rouler jusqu'au kilomètre 60. 
(Et donc, oui, Miguel a changé d'avis concernant l'auberge dont lui a parlé João)

J'ai de nouveau une folle envie d'aller aux toilettes – mais là, pas moyen de s'arrêter.  
Arrivée à l'auberge, on trouve porte close.  
Miguel essaie de téléphoner. Pas de réponses. 
Finalement, le type rappelle, et annonce qu'il est complet – d'où la porte close. 
Il nous indique un autre campement, un peu plus haut sur la route. 
On suit donc ses indications, et repartons sur un chemin de terre, vers une auberge-retraite de yogi. 
On arrive à un grand bâtiment vide. Miguel rentre, pour essayer de trouver quelqu'un. Il n'y a pas de toilettes apparent, et je suis en train d'envisager me cacher derrière du linge qui sèche quand il revient au petit trot - « Cet endroit est super flippant, les pièces sont grandes, et vides, et blanches, et il n'y a pas de fenêtres ! On dirait un asile ! Partons ! » 
Et puis en repartant, on voit une pancarte qui annonce que l'auberge est plus loin. On pousse donc jusqu'à d'autres bâtiments.  
Un homme vient nous accueillir. Il dégage beaucoup de tranquillité. Il explique qu'ils ne prennent des gens que les week-end, pour des stages de yoga. Ils papotent un peu tous les deux – c'est comme ça ici, tu t'arrêtes pour discuter avec tout le monde. 
Pendant ce temps, je me trémousse sur place, avec l'impression que mes yeux vont me sortir des orbites tellement je me retiens de faire pipi – le type me regarde curieusement. 
Miguel remercie le type, le salue et remonte dans la voiture. Je lui cours après : « Pitié ! Demande lui si je peux utiliser ses toilettes ! » 
Le type accepte – et je crois qu'il comprend mieux mon attitude. Il me montre les toilettes, et je m'y rue avec gratitude.  
Il y a une douche dans les toilettes, et plein de bougies dedans. C'est très bizarre. Mais qu'importe, car je peux vider ma vessie. 

On repart. Miguel en a marre des routes merdiques, et décide de retourner à São Jorge. On cherchera un logement là-bas. 



On fait le tour des auberges. Je sais désormais qu'il aime bien prendre le temps d'en voir beaucoup – et puis parfois, il marche au coup de cœur.  
On passe dans une auberge où il y a des chats absolument partout – sur les tables, les chaises, sur le comptoir... C'est l'auberge des chats. On couine de bonheur et on se met à les caresser tous. Mais personne n'est là pour nous renseigner. 
On arrive finalement à une auberge où un type loue des petits chalets. C'est mignon - ça sent un peu le renfermé, mais c'est propre. 
Certes, ce n'est pas aussi séduisant que notre chalet au milieu de nulle part des précédents jours. Mais ça fera l'affaire.  

Sur la route, Miguel a vu des panneaux indiquant un "abismo", des falaises d'où il espère regarder le coucher de soleil.
Comme toujours, je dit « Okay, allons-y, tentons le coup ! »

On part avec la voiture, sur une route qui est encore pire que les chemins dans la jungle.
On arrive à un parking et on se dit qu'on est arrivé : on sort de la voiture, et on suit un petit chemin.  
Au bout de 10 min, on se dit que c'est plus long que ce qu'on pensait. 
Au bout d'un quart d'heure, une pancarte nous dit qu'il y a 3 km de marche. 
On hésite. Et je finis par trancher : on n'est pas arrivée jusque-là pour se dégonfler maintenant. 3km, c'est rien du tout ! 
On continue donc. 
On arrive à une sorte de point de contrôle, qui dit que la suite est payante – mais personne n'est là. Miguel hésite. « Il n'y a personne, on fait quoi ? On rebrousse chemin ? » 
Mais enfin, choupinou ! Miguel est donc le seul mec (ou alors c'est une particularité brésilienne ?) à être tellement honnête qu'il serait prêt à ne pas aller voir quelque chose s'il n'y a personne à qui payer le droit de passage – alors que tout est ouvert, grand ouvert, genre c'est la nature quoi !! 
Il est mignon. 
Pendant ce temps, j'ai de nouveau très envie de faire pipi, et je vois avec inquiétude les arbres devenir arbustes, puis vagues buissons. Et plus j'ai envie de faire pipi, plus on avance dans une putain de toundra où il est impossible de se cacher. Je commence à paniquer. 



Miguel, en grand mâle doté d'un pénis - et d'une décomplexion totale vis-à-vis de son utilisation, se met tranquillement à faire pipi en marchant. Derrière lui, je le regarde faire, médusée « Est-ce que tu fais vraiment ce que je crois que tu fais ?! » 
J'avoue, je trouve ça très drôle. 
Mais je suis un poil jalouse, avec mon envie pressante. 
Je lui dis. 
« Ahahah, you're jealous about my penis ? You want a penis too ? » 
« Yes, I want a penis », dis-je tristement 
« This will be great ! … But I prefere your little flower » 

Il tente une acrobatie au-dessus d'un arbre couché - et atterri dans un buisson.  
Je suis prise d'un fou rire incontrolable. Il repart, déconfit, puis se retourne vers moi : « It's your fault ! It's because I try to impress you ! » 
Je hurle de rire de plus belle. Il me prend par les épaules, et me tient contre lui. Les larmes aux yeux, je hoquète qu'il n'a pas besoin de m'impressionner, qu'il a juste besoin de me faire rire – et ça tombe bien, il le fait... Même si ce n'est pas fait exprès. 
« Really ? I need to make you laugh ? » 
Il est pensif. 

On discute de plein de choses. Il me demande si je porte parfois des talons. Il m'avoue aimer les filles en baskets – en Vans, plus spécifiquement. 
C'est mon tour d'être pensive. Moi, la fille toujours en baskets, ce qui est une amélioration pour mes collègues, qui m'ont connus quotidiennement en chaussures de rando - j'aime mon petit confort.
Je ne peux pas m’empêcher de me dire qu'on est fait pour s'entendre.

Au bout des 3 km, on arrive à une sorte de carrière de pierres hyper casse-gueule. Je m'échappe discrètement derrière un amas rocheux pour enfin pouvoir assouvir mon envie pressante. 
Que c'est compliqué, d'être une fille. 



Et lorsqu'on escalade les rochers... On tombe sur un panorama qui nous laisse sans voix. 



On regarde le coucher de soleil, et Miguel souffle régulièrement « Je n'aurais jamais pensé qu'on tomberait sur un endroit pareil. C'est extraordinaire » 
Un groupe de personnes est déjà sur place, et ouvre une bouteille de champagne. Je souris « Quite a good idea ! » 
Miguel approuve, me regardant avec étonnement : « Yes, it's a good idea ! ». Je ne sais pas pourquoi il prend cet air surpris ; je n'ai jamais caché mon plaisir de bien boire. 


17h52 au Brésil. Voilà pourquoi je n'arrive pas à m'adapter !
On reste là un moment, à regarder la nuit tomber. 
On repart au crépuscule - il y a encore suffisamment de clarté pour nous permettre de redescendre de nos rochers sans galérer. 
Mais à mi-parcours, la nuit tombe. La fin de la randonnée est plus compliquée : Nous n'avons que mon portable pour nous éclairer. Il nous faut être prudents. 



Arrivés à la voiture, on se pose un moment pour se reposer, boire une bière, et regarder les étoiles. 

De retour à São Jao, on fait un peu le tour des boutiques, avant de chercher où manger. 
Miguel nous fait faire quasi tous les restos de la ville, avant de décider de retourner vers un des premiers qu'on a vu. Mais ça me va. J'aime me promener avec lui. 

On mange, puis on retourne à l'auberge. On se pose devant le chalet, où il y a une table, un banc et un hamac. On ouvre une bouteille de vin que j'ai apporté, un Haut-Médoc absolument divin – et qui n'a rien à envier à la piquette de la veille. 
Je masse les pieds de Miguel – je ne peux pas résister, je trouve ses pieds magnifiques. 
Je dois confesser un secret : J'ai des tendances fétichistes - je suis Eddy Murphy dans "Boomerang", je regarde toujours les pieds de mes partenaires. Il a des pieds fins, presque féminins, et une cheville toute fine. Je suis fascinée par ses pieds – mais je n'avouerai jamais ce penchant. 

Il me demande de lui passer de la musique française. Il me confie être fou de Zaz. 
Je trouve ça drôle. 
Il chante "Je veux" en yaourt, et ça me fait mourir de rire. Surtout qu'il chante extrêmement faux. 
Moment magique.

Je n'aime pas trop la variété française. Sa demande me fait réfléchir.
Finalement, je lui passe du Laurent Voulzy et du Souchon.
En écoutant "Le rêve du pêcheur", il s'exclame « I like this one ! "Pou pou pou pou poupou pour ! Yes, I like ! Pou pou pou poupou poupou ! »

L'alcool aidant, on se détend. Il me demande de mettre les Beatles.  
Grande conversation philosophique en écoutant "Let it Be". On convient que John Lennon avait tout compris - après tout, n'est-ce pas la vraie solution, que d'accepter ce qu'on ne peut pas changer ? "Let it be", ou "Accept". 
Une partie de moi le prend en plein cœur : peut-être que ce message est pour moi. "Let it be" : Tu ne peux pas le forcer à s'attacher à toi. 

C'est une soirée sereine et tranquille. J'apprécie beaucoup ce moment à deux. 
Et puis nous nous confions beaucoup de choses. J'ai vraiment le sentiment qu'on est beaucoup plus à l'aise. Quelque chose se passe. On est bien. 
C'est tellement agréable. 

On se couche un peu pompette. 

Cette nuit encore, il parle en portugais dans son sommeil.


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