jeudi 11 juillet 2019

Le point sur Julien


Julien vient chaque semaine, et je ne comprends toujours pas ce qui se passe. Et certainement pas comment je suis passé de « Je vais créer une poupée vaudou avec ses putains de cheveux et marabouter ce CONNARD » à « Je dors avec lui, ma main dans ses cheveux, et ma bave sur son épaule ».

J'aime nos discussions. J'ai le sentiment de pouvoir être moi-même, en sa présence. J'ai l'impression qu'il aime celle que je suis, sans fard, au naturel.
Je ne me sens pas obligé de jouer un rôle, d'en faire des tonnes. Il m'a vu en pyjama chez moi quand il était locataire : ça sert à rien que je fasse semblant maintenant !
Il m'a connu à une période de l'année hyper intense au boulot ; j'avais pas le temps de m'épiler, je rentrais tard et je m'écroulais de sommeil, je ronflais, j'avais sans cesse les yeux gonflées.
Il s'en fout.
Parfois il m'appelle "Ma puce".
Du coup je reste comme ça, façon hippie, des poils sur les jambes, et j'arrête de m'inquiéter de mes ronflements.
C'est tellement agréable ! 

Il m'a raconté que sa mère est morte il y a 4 ans. Ça a été très difficile. Et l'héritage a divisé toute la famille ; il est fâché avec presque tout le monde.
Il a fait une tentative de suicide. Je ne sais pas exactement comment ; mais il s'est brisé beaucoup d'os, dont les cervicales. Il a de nombreuses cicatrices. Moi, je m'en fiche - les cicatrices racontent notre histoire. Mais lui, ça le complexe : il ne veut pas me tourner le dos. Entre autres.

Sexuellement, c'est pas mal. Un peu routinier, d'autant plus que j'ai réussi à introduire deux autres positions en dehors du missionnaire qu'il affectionne tant, mais c'est laborieux.
La seule fois où j'ai proposé une levrette, il a débandé.
Il n'ose pas toucher ma poitrine, il n'est pas trop cuni, je pense que dans l'ensemble, il a très peur de l'effet porno.
Bref, je galère un peu à le décoincer... Mais au-delà de ça, il a compris comment me faire jouir, et il le fait à chaque fois. 
Ce qui est, bien sûr, particulièrement agréable. 
Même si j'aimerais que le schéma ne soit pas systématiquement "Je t'embrasse, je te fais jouir avec mes doigts, puis je te pénètre en missionnaire".

Je pense qu'il a besoin de se détendre, et qu'il a besoin de temps.

Bref, dans l'ensemble, il pourrait être une personne exceptionnelle, s'il lâchait un peu prise.

Mais il ne sait pas du tout lâcher prise.

Il est maladroit (on le savait), pas diplomate, jaloux et possessif.
Je réalise que ses premiers abords pédants et insupportables ne sont qu'une façade (on pouvait s'en douter) : Julien est le mec le moins assuré du monde, il croit voir des signes partout, il se fait des films très vite et il panique.

Julien est jeune (trop ?) : il a 25 ans. J'en ai 32, j'ai une vie active et bien remplie, et je suis assez indépendante.
Je ne sais pas s'il est prêt à ça.
Il est touchant dans sa volonté de bien faire. Il s'enflamme. C'est mignon... Mais aussi un peu étouffant. Il envoie des dizaines de messages par jour. Si je ne réponds pas, il s'inquiète, et il appelle.
Il appelle BEAUCOUP : mon historique est rempli de ses appels. Ca va de 4 à 7 fois par jour.
Il laisse des messages sur mon répondeur :
« Salut c’est moi, rappelle moi »
« Salut, c’est encore moi, rappelle moi »
« Salut, c’est encore moi, rappelle moi dès que tu as ce message »

Au début, je pensais qu’il se passait un truc grave.
Sauf que non, pas du tout ! « Ah non, ben c’était juste pour qu’on s’appelle ! »
Je répond « Tu sais, on n'est pas obligé de s'appeler tous les jours non plus ».

Je sors du travail, je ne suis pas dehors depuis 3 min qu’il appelle : « Tu es sortie ? Tu fais quoi ? Ça va ? »

Il n'a pas le temps de me manquer.

Je lui ai dit que ce n’était plus possible. Qu’il m’étouffait. Qu’il fallait qu’il arrête.
Mais c’est plus fort que lui : s’il envoie un message et que je ne réponds pas, il panique, et il fait des choses irrationnelles.

Il fait des crises de paranoïa. Il est revenu de vacances, et il s’est persuadé que les personnes dans le train lui voulait du mal, et voulait lui voler ses affaires.
Il est descendu du train, et il a fini par rentrer en taxi.

A chaque fois qu’on se dispute (et c’est déjà arrivé beaucoup trop souvent, pour quelqu’un que je côtoie depuis deux mois), il se confie à moi, comme pour rattraper cette distance qui s’est mise entre nous.
Je découvre petit à petit une personnalité complexe et torturé. J’essaie de garder une distance, pour ne pas me noyer, moi qui sort à peine d’une période difficile.
Il me raconte que lorsqu’il a fait sa tentative de suicide, il s’était persuadé que les gens autour de lui voulaient qu’il meure – et donc il faisait tout pour mourir.

Parfois il veut raconter, mais il n’arrive pas à dire les mots. Il s’interrompt, et dit « Tu vois ce que je veux dire ? ». Alors patiemment, je réponds « Non, tu n’as rien dit, je ne peux pas combler les trous. Mais tu n’es pas obligé de me raconter ».
Il le fait quand même – c’est souvent confus, et peu compréhensible. Je crois qu’il essaie désespérément de nous rapprocher, et qu’il veut bien faire.

Je le trouve touchant. Il me fait de la peine, aussi. Ce n'est pas très sexy, en fait. J'ai l'impression d'être sa psy - c'est un comble !

Dans une énième tentative de se rapprocher de moi, il me confie : « J'imagine parfois que je tue mes proches. C'est très violent. Je ne le ferais pas, mais j'ai ces images qui s'imposent à moi. C'est vraiment très violent ».
Et puis : « Tu en penses quoi ? »
J'ai lu la BD "Le Nao de Brown" de Glyn Dillon. Je ne suis pas inquiète outre mesure de ce genre de chose.

Mais tout de même.

Dans la balance, ça donne quoi ? Est-ce que nos moments agréables équilibrent le reste ?
Est-ce que j'ai envie d'avoir cette relation ?
De l'avoir lui, dans ma vie ?
Et surtout, est-ce que j'en suis capable ?

10 commentaires:

  1. Je me suis rendu compte après l'avoir pensé que tu l'avais écrit:
    Pour moi, il a plus besoin d'un psy que de toi...
    Entre la tentative de suicide, la paranoïa des gens qui voudraient le tuer, ce besoin de contact permanent et de contrôle de ce que tu fais, les dix coups de fils par jour...
    Maintenant, je suis persuadé aussi que tu le prends en pitié et que t'as pas envie de le quitter parce que t'as peur de ce qu'il pourrait faire par la suite. J'ai raison ? En plus, t'as eu tes propres problèmes récemment, t'as pas forcément besoin des siens.
    D'expérience (j'étais à sa place mais lui c'est vraiment puissance 10000), je sais que c'est une erreur, et que tu ne dois pas t'en vouloir, que oui, y'a une infime chance qu'il fasse une connerie derrière, mais tu ne dois pas t'en rendre responsable. Ce qui ne t'interdis pas de l'aider, hein.

    Je le suis pas, psy, mais enfin il me semble évident qu'il a vraiment un problème psychologique, probablement suite à la mort de sa mère, ça a dû casser quelque chose chez lui.

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    1. Oui, tu as raison, d'ailleurs j'ai dit exactement ça à mes copines il y a deux jours : "Je ne pense pas que le quitter maintenant serait une bonne chose pour lui, il m'inquiète..."
      Elles m'ont regardé avec des yeux ronds : "Tu ne dois surtout pas commencer à penser comme ça !!!"
      Et, bon, c'est vrai. Mais il y a quand même de l'appréhension, et de l'empathie, quoiqu'il arrive.

      Le problème étant qu'il est psy, et qu'il pense donc être capable de s'autoanalyser. Il refuse de voir un autre psy "On n'aura pas les mêmes pratiques, et puis si ça se trouve ce sera un con, je le jugerai en tant que praticien....".
      Oui mais BON... Je ne comprend pas qu'il ne se dise pas, à un moment "Là mes crises de paranoïa, c'est pas un truc trop sain...". Enfin merde, il a justement les connaissances psy pour prendre un peu de recul !
      Bref.
      J'ai l'impression d'être sa bouée de sauvetage, et comme tu dis, j'ai une peur bleue qu'il me fasse retomber dans une période de déprime. Et je me dis effectivement que je n'ai pas besoin de me mettre dans une relation pareille alors que je viens juste à peine de retrouver à donf goût à la vie.
      ... Mais c'est con, j'me sens ultra égoïste de penser ça.

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    2. Ben faut pas.
      Y'a rien d'égoïste à penser d'abord à sa propre santé physique et mentale.

      En plus, il est psy ? J'aurais du coup envie de dire que c'est lui le "con", le mauvais psy qui devrait être jugé par les autres...

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    3. Laisse, c'est mon côté judéo-chrétien : je suis dans la culpabilisation et le sacrifice XD
      Peut-être que c'est un bon psy... Mais qu'il est mauvais juge quand il s'agit de lui même ? Comme nous quand on donne aux gens des conseils qu'on ne suit pas nous même ?
      Mais je t'avoue que ça me dépasse aussi. Toute cette histoire me dépasse.

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  2. C'est la première fois que je commente ici, je suis une lectrice de l'ombre :) mais là en lisant ton post j'ai eu l'impression de me retrouver face à un exercice d'étude de cas qu'on avait à la fac de psychologie.. il a l'air d'avoir quelque chose de serieux..

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    1. Eh bien quoiqu'il en soit, madeleine-de-l'ombre, merci de ton commentaire ;)
      Tu es étudiante en psy ? Ou tu as fini tes études ? Lui il vient d'avoir son diplôme, et justement, je ne comprends pas qu'il n'ai pas un recul tout professionnel qui lui fait réaliser qu'il a un problème...
      En tout cas, les éléments auxquels je dois actuellement faire face te donnent raison je crois...

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    2. Oh je me sens toute spéciale d'avoir une réponse! J'aurai peut-être du oser commenter avant?
      Je suis toujours étudiante :) et oui c'est pour ça que je pense que c'est serieux, c'est qu'il ne semble pas en avoir conscience. Tu le fréquente donc toujours? Les choses ne s'améliorent pas?

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    3. Il ne faut jamais hésiter à commenter ;) Mais pas de regrets, tu l'as fait quand tu en as eu envie, et c'est très bien ! :)
      Je ne sais pas s'il en a conscience ou pas... Ca me parait tellement démesuré que je me dis qu'il ne peut qu'en avoir conscience... Sauf que pas tant que ça, finalement. Ou alors c'est plus fort que lui, et c'est après coup qu'il se dit qu'il a été trop loin ?

      Les choses ont empirés, en fait. Je n'ai plus de nouvelles depuis une semaine, il a... Je ne sais pas. Perdu l'esprit. Je spoile un peu mes prochains articles, mais il a disparu, et puis après plusieurs jours où je l'ai cherché et où j'ai cherché comment le contacter, j'ai appris qu'il avait été placé en hôpital psy, en isolement. Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire.
      ... Et je ne sais pas du tout comment me placer vis à vis de ça.

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    4. Du coup j'ai lu ton dernier article et c'est vrai que j'étais un peu spoilé, mais tout de même, ça fait froid dans le dos..
      C'est vrai que c'est délicat, votre relation est quand même récente et ça ne se passait pas très bien, comment es tu supposé réagir? Est-ce que tu connais le diagnostic?

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    5. C'est une excellente question : comment suis-je supposée agir ? Comment me positionner ? Je ne sais pas. Comment on "doit" agir dans ces cas là ? Ça me dépasse. D'autant plus que, comme tu le souligne, la relation est très récente. Et la situation est tellement... inhabituelle. Surréaliste. Inattendue.
      Et je n'ai pas de diagnostique, pas d'infos, rien qui me permet de comprendre.
      Oui, c'est le mot : je me sens complètement dépassée.

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