J’attendais avec
impatience cette soirée à l’Asso. Il s’agissait plus exactement de la pendaison
de crémaillère de Président, et comme c’est un mec qui aime la démesure, il y
avait une centaine d’invités et un orchestre de jazz. J’avais dit « Plus
jamais ça » la dernière fois, mais cette fois il y avait plus de monde que
je connaissais, et surtout, j’y allais avec Charles-Henri.
Nous avions
prévu de covoiturer pour y aller il y a quelques semaines (lorsque nous n’étions
que de simples amis). Charles-Henri devait venir me chercher à la sortie du
boulot, et on partait : environ 1h de route, de quoi passer un
peu de temps ensemble.
J’avais
réfléchis, et je préférais qu’on reste discret pendant la soirée. D’une part
parce que ça ne fait que quelques jours, et aussi pour éviter les regards et
les interrogations. Plus officieusement, je craignais également que, comme ils
sont tous « Santé Pu’ », ils connaissent son ex, comparent, et me
trouvent forcément moins classe (une vulgaire prolétaire !). En un
mot, je ne suis pas sûre de me sentir légitime.
Je voulais en
parler à Charles-Henri dans la voiture, pour qu’on soit d’accord sur l’attitude
à adopter, et puis je me suis dégonflée : il roulait tranquillement au son
d’un jazz des années 40, élégamment habillé d’une chemise et d’un nœud papillon,
son visage serein regardant droit devant lui d’un air satisfait, me jetant
parfois un regard et me souriant, sa main posé sur ma cuisse. Et moi, avec une petite robe noire, me disant que nous pourrions tout aussi bien rouler en
dehors du temps : plus rien n’existait en dehors de l’habitacle de la
voiture. Je n’ai pas eu le courage d’aborder
une conversation sérieuse : j’aurais voulu faire durer ce moment parfait d’insouciance
pendant une éternité. Comme l’éternité n’existe pas, j’ai préservé et savouré
chaque secondes. Pas envie que ces lèvres qui m’hypnotisent se mettent à former
des mots qui nous jetteraient dans le monde réel, surtout si celui-ci doit
rompre l’illusion.
Et advienne
que pourra.
Lorsque nous
sommes arrivés, nous étions parmi les premiers car Charles-Henri devait monter
le bar… Et accessoirement être le barman de la soirée (Président aime bien
exploiter ses amis).
Charles-Henri m’a juste volé un baiser entre deux portes, sans se poser de
question quant aux regards qui auraient pu nous capter. Quelque part, ça me
rassure : il n’est pas dans une optique de me cacher à tout prix. Parce
que oui, je voulais rester discrète, mais je craignais en même temps d’être une
personne à cacher absolument. Bref, je suis un paradoxe vivant – ou juste
traumatisée par mes précédentes expériences.
Au final, j’ai
passé une super soirée : j’ai discuté avec une fille très sympa, copine du
Secrétaire de l’Asso, que je détestais parce qu’elle est absolument magnifique –
d’ailleurs quand elle est arrivé, dans une superbe robe jaune qui la rendait
divine, avec un collier de perles et des chaussures ultra élégante, il y a eu
un petit flottement parmi les gens présent, un petit « waouw »
sous-jacent. Charles-Henri lui a dit qu’elle était un véritable ravissement pour le regard – j’ai
eu beau faire « gnagnagna » dans ma tête, il faut avouer que c’était
vrai.
Une fois ma
jalousie éteinte, nous avons sympathisé, nous sommes aperçus qu’on n'habitait pas loin l'une de l'autre et du coup, comme elle cherchait du monde pour nourrir ses chats
pendant ses vacances, je me suis proposé avec plaisir. Nous nous
verrons certainement avant pour mettre au point tout ça, et on tachera de
manger ensemble.
Je me suis
sentie une personne adulte, capable de passer outre mes préjugées et ma
jalousie imbécile. J’étais fière de moi, et très Paix &
Amour (J’en étais à mon 2e verre)
Ensuite j’ai
retrouvé une fille de l’Asso que j’aime beaucoup, et on a pu discuter et
prendre des nouvelles. Elle est drôle et très sympa, je l’apprécie vraiment
beaucoup.
En cours de
route, je suis tombée sur le Dragueur à 1 Dong, qui s’est précipité sur moi avec
une voix enjôleuse « Hey, salut tôa ! Comme on se retrouve ! ».
Nom de Dieu !
Et arrive en
même temps l’Infirmière Acariâtre, qui
me fait « Mais oui, on se connait ! ».
Au secours !
J’ai donc
fait mon plus beau sourire « Oh mais oui ! … Tiens, mon verre est
vide, je vais me resservir, allez, à plus tard ! ».
J’étais très
fière de mon échappatoire (J'en étais à mon 3e verre)
Ensuite j’ai
sympathisé avec deux mecs, M & M. L’un des deux était végétarien, nous nous
sommes trouvés ensemble à faire une réserve de carottes crues et de brochettes
de légumes pour avoir quelque chose à manger (Une vraie vie de
chasseurs-cueilleur en plein XXIe siècle). Il m’a raconté que sa mère avait eu plus de mal à accepter son végétarisme que son homosexualité, ce qui nous a
fait beaucoup rire. Ensuite on a parlé de plein de trucs, pendant très
longtemps, et c’était super. Ils étaient mignons, et gentils, et drôles, ils
remplissaient mon verre et me donnaient des brochettes aux légumes : je les
aimais d’amour (j’en étais à mon 6e verre).
Au bout d’un
moment, j’avais franchement mal aux pieds, et j’avais envie d’aller voir
Charles-Henri, alors je les ai laissé, et j’ai été m’asseoir près du bar, dans
un état de béatitude absolue. J’ai amené des choses à manger à Charles-Henri,
parce que personne n’avait pensé à lui – et que pour ma part je m’étais
visiblement transformé en maman-oiseau. Il m’a resservi un verre, ce qui n’était
peut-être pas une bonne idée, mais ça partait d’un bon sentiment.
Je
ressentais cette satisfaction grisante de savoir que personne ici ne soupçonnait
ma relation avec Charles-Henri, cette impression que le « secret »
était là, à fleurs de peau, mais indétectable. Et en même temps une envie folle
de le dire, juste pour voir les visages changer d’expressions. La situation,
finalement, m’amusait beaucoup.
Mes souvenirs
suivants sont plus flous, mais je me souviens avoir blagouné avec l’un des deux
jumeaux de la dernière fois, m’être retrouvé avec quasi tous les gens cools du
soir près du bar, moment un poil gâché par le Dragueur à 1 Dong, qui a voulu s’incruster
et me draguer (Charles-Henri me dira plus tard : « Ce mec est un
tocard »). A un moment, je crois que je me suis mise à nourrir un peu tout
le monde avec une fourchette et des pêches marinées au vin, extatique, me
sentant comme une sorte de Mère Nature Bienveillante. Le pire dans tout ça, c’est
que tout le monde acceptait ma becquée avec plaisir. (Comment se fait-il que
les gens sobres suivent les délires des gens les plus bourrés ?! ‘Sont
fous les gens !)
Vers 1h30 du
matin, Charles Henri, qui avait 24h de garde le lendemain, me dit qu’il
faudrait partir. Moi je suis emballée par à peu près tout ce que j’entends,
donc je lui dis « ouiiiii ! ».
Et puis la
partie la plus vile de mon cerveau pense « Chouette, on va se retrouver
tous les deux, tout seuls, on va pouvoir faire des câlins !! »
Je ne sais
plus combien de verres j’ai bu : Je suis Paix & Amour & Sexe.
M & M
partent au même moment, et on se retrouve en se disant « On part – Nous aussi
– On te cherchait pour te dire au revoire – Moi aussiiiiii ! ». Et je
suis mega Paix & Amour, et je leur dis que j’ai passé une super soirée
grâce à eux (et peut être que je les aime d’amour, mais je ne suis plus tout à
fait sûre). Charles-Henri propose de les déposer, et je suis enchantée qu’on
puisse faire ça. On discute dans la voiture, c’est génial.
Lorsqu’on
les a déposé, Charles-Henri me demande si j’ai passé une bonne soirée, et je
soupire, ravie : « Ouiiiiiii ».
Il pose sa
main sur ma cuisse en riant, et me dis « Eh bien voilà, te voilà avec deux
nouveaux amis gays ! ».
« Mais
carrément ! Et en plus l’un deux est végétarien ! C’est trop cool !
J’avais pas encore, gay et végétarien ! Super combo ! »
On rit, on
arrive dans son appart (donc pas son internat de médecine : son appart,
dans la même ville que là où nous étions pour la soirée). C’est aussi une
colloc, mais il n’y a personne ce soir et l’appart est à nous. On s’embrasse,
on se caresse, il me retire très vite ma robe, et moi j’ai très envie de lui.
Je pense à tout ceux qui sont encore à la soirée, je pense à la musique, la
chaleur de la nuit et l’ambiance, me disant que personne ne soupçonne ce qui se
passe ici ce soir, et que je n’échangerais ma place pour rien au monde. Il
commence à descendre avec sa bouche, me regarde, me demande « Puis-je ? ».
Et cette politesse incongrue me fait fondre. Je lui dis que j’aimerais prendre
une douche avant, et il me demande « Est-ce que je peux la prendre avec
toi s’il te plait ? ». Je suis évidement totalement pour, et,
ravi, il m’attrape et me porte jusqu’à la salle de bain. Je ris qu’il fait
vraiment n’importe quoi avec moi, et il acquiesce, me disant qu’il adore, je ne
pèse rien… Mais que quand même, il admet que me prendre dans ses bras pour m’emmener
dans la salle de bain, ça ne sert à rien.
On s’embrasse
furieusement sous la douche, l’eau est chaude, je suis contre lui, j’adore. Je
râle pour pouvoir le savonner, appréciant chaque seconde que je passe à frotter
sa peau, pendant qu’il m’observe par-dessus son
épaule. Je ne sais plus ce qu’il me dit, mais je lui réponds, très
sérieusement, mes yeux droit dans les siens « Charles-Henri, tu es
absolument canon ».
Il rigole « Et
toi tu es bien bourrée »
Je m’énerve « Mais
enfin, ça n’a rien à voir ! ». Du coup je me mets en tête de lui
raconter cette histoire de fantasmes pendant les réunions de l’Asso, pour
prouver que je murissais ma réflexion sur son physique depuis plus longtemps
que ce soir : « Tu te souviens en réunion, quand Président m’a demandé
″Et
toi Mademoiselle B., tu en penses quoi ?″ et qu’il y a eu un long
silence paniqué ? Que j’ai fini par sortir un misérable ″Heuuuuu,
je partage ton avis….″, parce qu’en réalité je n’avais aucune foutue idée de quoi on
parlait ? Eh bien c’était parce que je me demandais comment tu faisais l’amour ».
Il a eu l’air complètement saisi, et je me suis dit « Et voilà, je l’ai
choqué. Quelle connerie, rappelle toi que les hommes sont des petits faons
apeurés, merde ! »
Alors pour
me rattraper, je l’embrasse à nouveau, et je lui dis « Et tu as des lèvres
indécemment sexy ». Il est encore plus saisi, et me dit « On m’a
jamais dit ça ! ». Je soupire « Les filles sont des connes, tu sais bien », et je me dis que je vais arrêter de dire des bêtises et juste l’embrasser,
avant de me griller complètement.
On
retourne au lit, et je garde un souvenir délicieux et onirique des moments qui
suivent, de sa langue sur moi (première fois qu’il fait ça), et puis de sa
façon de me faire l’amour. C’est clairement de mieux en mieux, petit à petit
nous nous apprivoisons et nous adaptons à l’autre. J’aime ce sentiment d’évolution.
Lorsqu’on
a fini, il est trempé de sueur. Il retourne vite fait prendre une douche, et
lorsqu’il se lève, il me dit « Ouh, j’ai la tête qui tourne ! … Et ce
n’est pas seulement dû à ta plastique avantageuse ! ». Sous la
douche, je l’entends chanter « Tu me fais tourner la tête ». Je ris. Je me sens bien.
Nous
discutons un peu. Je caresse son visage, il me dit qu’il s’est rasé, que c’est
quand même mieux comme ça non ? Moi je lui dis que je le trouvais très
sexy, avec sa barbe de 3 jours. Il s’exclame « Ah mais ça change tout
alors ! ». Je lui demande bêtement pourquoi, et il me dit, sur le ton
de l’évidence, que mon avis compte dans l’histoire. Je suis surprise. Ravie,
mais désarçonnée. Je bredouille qu’il faut surtout qu’il soit à l’aise. Puis le
sujet dérive, il me demande qu’elle est mon type de femmes (ou si j’en ai un),
car il sait que je suis foncièrement bisexuel. Ensuite il me demande si mon
type d’homme, c’est les petits chétifs, et je lui assure que non, bien au
contraire. Je ne sais plus comment, on en arrive à parler d’Hector, il me
demande pourquoi je suis resté avec. Je termine, m’endormant à moitié, en
disant « De toute façon désormais pour moi c’est fini, j’en suis
absolument convaincue. En plus te voilà qui a débaroulé dans ma vie en
bouleversant tout… ». Et ma dernière pensée fut « Merde, penses ″Petit
faon apeuré″ et tais-toi !! » avant de sombrer dans le sommeil.
Nous
dormons étroitement enlacés.
Sur le
matin je vais aux toilettes, et à mon retour il me serre fort contre lui pour
me réchauffer. Nous nous agrippons, nous enlaçons nos doigts. J’ai envie d’y
voir le signe que je ne suis pas en train d’idéaliser une aventure sans lendemain.
J’espère ne pas me tromper.
Lorsqu’il
faut se lever, on traine les pieds. Il me murmure « J’ai juste envie de te
faire l’amour, encore… »
Je frissonne de plaisir.
Il va
chercher un petit dèj, on prend 20 min pour manger, avant de repartir dans
notre Verte et Sauvage Contrée, à 1h de là. Il me dépose à ma voiture, qui est
resté sur le parking de mon boulot, et nous nous embrassons encore 5 bonnes
minutes, comme deux adolescents qui n’arrivent pas à se quitter. Il me juche
sur ses hanches, et je me dis qu’heureusement qu’il n’y a personne au bureau,
parce que mes collègues qui adorent cancaner en feraient une crise cardiaque – il
faut avouer que la position n’était pas très conventionnelle.
Mais il
faut bien se séparer, il doit aller bosser, et il a encore 30 km de route pour
aller à son travail. Nos bouches se quittent à regrets, je monte sur le trottoir
pour lui voler un dernier baiser (rappelons qu’il fait 30 cm de plus que moi),
je ris du fait que je ne pourrais jamais réussir à lui voler un baiser sans son
consentement et il me rappelle ce que j’ai dit à propos de sa « bouche
gourmande ». Ce n’est pas le terme que j’ai employé, mais celui-ci me
plait aussi. Pendant la nuit aussi, il m’en a reparlé. Je crois que ma
réflexion à fait mouche – il faudra maintenant que j’assume d’avoir confié ça a
haute voix.
Il me
demande poliment si j'accepterais qu’on se voit la semaine prochaine, avant qu’il parte
en vacances. Je réponds très vite que oui, absolument, il faut qu’on en profite
avant qu’il parte une semaine. Et que je rêve qu’on puisse avoir une grasse mat’
tous les deux. Il murmure qu’en effet, il aurait adoré me refaire l’amour encore
une fois ce matin… Je ris qu’on ne fait que courir après l’heure pour ne pas être
en retard au boulot. Il temporise « Bon, cela dit, ça fait seulement 3
fois qu’on dort ensemble… ».
Je reste interdite : ma foi, oui, c’est
vrai. 3 fois. 5 jours. Trois fois rien.
... Et pourtant tout mon monde semble
s’être tourné vers lui.
Mon chaton, il faut que tu arrêtes de penser que tu es "moins classe" que qui que ce soit, ou que tu es une "vulgaire" quoi que ce soit. Il n'est rien en toi qui ne soit digne, noble et distingué. Tu fais partie de ces personnes rares chez qui les diamants ne sont réellement que des accessoires.
RépondreSupprimerTu n'es qu'un vil flatteur, dont l'objectivité est inexistante.
Supprimer... N'arrête jamais de m'aimer à ce point, mon cher, très cher ami, je ne sais pas ce que je ferais sans toi !