lundi 2 avril 2018

Le petit théâtre de la vie / Appelle-moi si t'as besoin de vomir les mecs

  
 Extrait de Aime moi, por Favor ! / Lucia Extebaria, dont je parlais ici.

Etre triste me rend contemplative. Un peu comme si regarder les autres me permettait de prendre de la distance avec ce que je ressens.


Ma Psy m'a invité à accepter ma sensibilité - ce que je refuse de toute mes forces. Mais devant mon entêtement, elle a choisi une métaphore : « Vous avez la peau très claire. Si vous voulez vous mettre au soleil, vous brûlez. Vous pourrez souhaiter de toute vos forces avoir la peau mate, ça n'arrivera pas : Vous ne ferez que brûler ».
J'ai acquiescé : Oui, finalement, notre nature est aussi immuable que notre physique. Et je suis passé à l’écran total depuis des années, alors pourquoi ne pas admettre le reste ?

Je me suis alors souvenu d'une histoire que ma mère m'avait raconté un jour : mon tout premier jour d'école, à 3 ans, j'étais partie à la rencontre de la classe et des autres enfants avec curiosité et confiance - ma mère était la seule à le vivre mal.
Et puis j'ai avisé un petit garçon assis dans un coin, en train de pleurer. Alors j'ai été m'asseoir à côté de lui, je l'ai regardé... Et j'ai pleuré avec lui.

Je crois que je suis une personne empathique. Et parfois, je comprends des choses sans qu'on me le dise. J'ai une collègue qui m'a un jour avoué en chuchotant « Tu sais, je ne l'ai jamais dit à personne mais... je suis homosexuelle ».
Et moi j'étais surprise, parce que ça me semblait d'une évidence limpide, et je croyais que tout le monde était au courant. Et en fait pas du tout : elle n'en avait jamais parlé, elle le cachait, elle le vivait très mal.
Elle m'a d'ailleurs annoncé il y a quelques jours qu'elle avait rencontré quelqu'un, et que ça se passait très bien. J'ai été enchantée de l'apprendre. Elle a apparemment enfin arrêté de penser qu'elle n'avait pas le droit d'aimer et d'être aimé.

Cette semaine, j'ai mangé avec une autre collègue. Elle m'a parlé d'un homme rencontré il y a quelques mois, un artiste guinéen. Rien dans son discours ne me permet de le prouver, mais je suis absolument certaine qu'elle a une relation avec cet homme. Evidemment, elle ne va pas se confier à moi : elle est mariée depuis plus de vingt ans, et je ne suis qu'une collègue. J'ai essayé de prendre du recul, et d'analyser pourquoi j'avais déduit ça. Je n'ai pas trouvé, mais je suppose que c'est un tout : je l'observe en parler souvent, j'observe son langage corporel, et intuitivement, je comprends.
Je me suis demandé si j'assistais au début d'un désastre annoncé, d'un mariage qui va voler en éclat. Comme je ne suis rien sensé savoir, j'attends, et j'observe. Et si besoin, je tacherai d'être une épaule compatissante, comme elle a pu l'être avec moi il y a quelques mois.

Le lendemain, j'ai mangé chez une autre collègue.
Là, le schéma était complètement différent. A 25 ans elle a deux filles, qu'elle élève seule car le père s'est radicalisé et est parti dans un autre pays. Elle essaie tant bien que mal de survivre, et d'expliquer à ses filles qu'il y a différentes formes de religion - et que la façon dont leur père vit la sienne n'est pas la seule et unique façon de faire.
Elle vit dans un appart minable, au 5e étage sans ascenseur, elle est entouré de gens qui touchent à la drogue, et lorsqu'elle dit « Cette personne, je la déteste », c'est pas pour des broutilles, mais plutôt : « Parce qu'il vend de la coke à des mineurs et je trouve ça intolérable ».
Son quotidien est fait d'histoires brisées, d'alcooliques, de junkies. Elle peut dire d'un seul coup d’œil « Celui-ci carbure à telle drogue ».

Et c'est son entourage, c'est sa vie, son quotidien.

Ça m'a interrogé, sur les différences entre nous tous, la différence de nos vies, l'injustice de nos parcours. Je n'ai pas trouvé ça juste, pas mérité.
Mais je crois que, même si ça me rend folle, je dois me faire à l'idée le bonheur et la chance ne sont pas forcément offert à ceux qui le mérite...

Ensuite j'ai été passer un week-end chez Président. Il s'est absenté pour prendre une douche, et son mec m'a dit : « Je vais te dire quelque chose que Président ne voudrait pas que tu saches... Mais je préfère t'en parler ». 
(J'avoue, j'ai eu peur)
Il a continué : « En réalité, on n'est plus ensemble. Ça fait déjà deux semaines. On fait un peu semblant - et puis on s'apprécie toujours beaucoup, mais lorsque j'aurais fini mon mémoire, je fais mes cartons et je m'en vais ».
Et il a ajouté : « Tu ne dis rien à Président hein ? Il ne doit pas savoir que tu le sais. Mais je ne veux pas que tu arrives un week-end, et que tu apprennes seulement à ce moment là que je suis parti ».
J'ai donc fait semblant de rien devant Président. 
Ce qui a été une foutue performance digne de l'Actor Studio.
Et je me suis dit que, malgré nous, les choses changeaient continuellement.

Et puis quelques jours plus tard, une autre collègue m'a téléphoné en début de soirée. J'étais étonnée - et vaguement inquiète, car nous ne sommes pas vraiment proche. « Je t'appelle parce que... heu.... Je me suis dit que tu étais la meilleure personne pour ça.... »
-          - Heu..... Ouiiii ?
*silence*
*J’attends patiemment*
-          - ....Les mecs, c'est tous des SALAUDS !
-          - Oh. Ça. Oui, ben oui, bien sûr.
Elle m'a raconté que son ex se tapait sa belle-sœur, la copine de son frangin. J'ai donc abondé en son sens : c'est plutôt sale, en effet. Je l'ai laissé déverser sa haine, et elle a pu raccrocher soulagée.

Bien. Apparemment je deviens la Madone des cœurs brisés.

A priori, tu peux donc toi aussi m’appeler si tu penses que les mecs sont tous des salauds.
De toute façon, dans l'ensemble, je suis assez d'accord avec ça.

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