samedi 21 décembre 2019

Peur de le perdre


Ma peur s’est amplifiée.
J’ai passé 4 jours à me persuader qu’Isaac allait me quitter.
J’ai décidé de le quitter. Je ne pouvais pas imaginer retraverser une souffrance comme celle ressentie avec Charles-Henri.


Copine#1 m’a regardé avec effarement lorsque je lui en ai parlé : 
« Tu veux faire QUOI ?! Le quitter parce que… Parce que quoi au juste ? Ah, pour qu’il ne te quitte pas. Parce que tu sens que tu tombes amoureuse. Mais… Heu... Ta réaction te parait logique ? Censée ? Rationnelle ? »
Je hausse les épaules : 
« Boarf… Non, en l’occurrence, non, ça me parait complètement con. Mais je ne peux pas faire autrement, je suis bien trop vulnérable, et ça me terrorise ».

J’appelle Morgueil le lendemain, qui a une réaction a peu près similaire.
Il me cite plusieurs passages de la Reine des Neiges, et me fait répéter « Ecoute ton cœur, n'écoute pas ta peur »
A la fin de la conversation, il me dit « Ne le quitte pas ! »

Je ne sais plus ce qui est rationnel et ce qui ne l’est pas.

Finalement, je décide d'écrire à Isaac.
On ne s’est pas écrit depuis des jours (car on s’est vu quasi tous les jours depuis la fin de l’introspection), et peut-être que j’ai besoin qu’on parle de notre relation.
Lorsque je commence mon message, les mots s’ordonnent tout seul ; ce que je veux lui transmettre n’attendait qu’une chose : que je commence à écrire.
Pourquoi je n’y ai pas pensé avant ?!
Je passe une bonne heure à écrire mon message, et je sens la tension me quitter petit à petit.
Lorsque j’envoie mon message, je me sens déjà mieux.
Il m'écrit aussitôt qu’il ne peut me répondre tout de suite, car il est minuit et il prend le train à 7h, mais qu’il le fera sans faute le lendemain.
Ça me fait également du bien.

Le lendemain, je reçois sa réponse en fin de journée, quelques heures avant qu’on se revoit :
[...] Effectivement notre relation prend un tour un peu inattendu pour toi comme pour moi. Mais je ne regrette rien même si je dois gérer deux problématiques relationnelles en parallèle, sans parler des interrogations légitimes de mon entourage auxquelles je dois faire face. Mais je prends un plaisir entier, sain et non dissimulé avec toi et cela me ravit. Je suis à la fois comblé (et demandeur) de pouvoir passer avec toi plus de temps et envisager une relation moins cachée mais redoute paradoxalement qu'une évolution plus officielle de notre relation n'en casse la magie et la dimension passionnelle tout à fait inédite dans ma biographie personnelle. Par ailleurs, il me faut gérer avec respect ma situation avec Victoria et ne peux remettre en question 12 ans de vie commune d'un revers de main. Je m'interroge sur l'opportunité de sortir du mensonge d'autant que Victoria ne semble pas en mesure de répondre à mes attentes mais je crois plus que jamais que ce serait cruel et définitif. Laissons un peu de temps au temps.  Quant à toi, tâche d'être sereine et libérée dans notre relation, je n'aspire à rien d'autre que de t'apporter des sentiments sincères et vivre du plaisir partagé. J'apprécie beaucoup d'aspects de ta personnalité, ton originalité, ton parcours atypique, ton rapport curieux et spirituel aux choses, et c'est cela que j'aime en toi et qui me donne envie de découvrir plus encore cet être étrange et attachant qu'est Mademoiselle B. Il est beaucoup trop tôt pour spéculer sur la suite de notre relation, et je ne pense pas que ce soit utile dans l'immédiat. Quant à toi, tu restes libre de ta vie même si j'adore te savoir à moi tout seul. Mais cela est égoïste et j'admets sans conditions l'hypothèse que tu te lasses de tout cela ou encore que tu rencontres au coin de la rue cet homme tatoué et baraqué en qui tu verras le père de tes enfants, ou tout simplement que tu souhaites mettre en balance notre passion partagée avec une autre. C'est aussi la règle du jeu mais dans ce cas, ne me dis rien. A quoi bon gâcher notre plaisir. Comme je te l'ai dit, ne crains pas mes réactions, sois naturelle et tâchons de ne pas nous faire souffrir mutuellement par des promesses non tenues ou intenables. [...]

Je le retrouve chez lui vers 21h, et nous nous embrassons passionnément. Nous parlons de ce que nous avons fait ces derniers jours. Je lui parle de mon travail, où je rencontre de gros problèmes avec ma nouvelle cheffe – comme d’habitude, il est de très bon conseil.
On parle d’autres choses.
Puis, à ma demande, il me montre des photos de lui en 2006. « Qu’en penses-tu ? ». J’en pense qu’il est absolument canon, et je ne peux quitter des yeux cet homme aux yeux clairs, aux cheveux noirs, qui se mord la lèvre en regardant le ciel, sur une photo de promo de son groupe. Il me montre son ancien bassiste.
- Toutes les filles craquaient pour lui, il est extrêmement beau. 
- Rien à foutre, remontre-moi la photo de toi
J’ai beaucoup changé ? Je suis mieux maintenant ?
Je suis toute émoustillé par la photo de lui à 27 ans, et ne lui dit que « Ce n’est pas comparable… »
Il pose sa tête sur mes genoux « Oh ! Elle ne veut pas me dire que je suis mieux maintenant ! ».
Je ris, et embrasse sa nuque.

Petits moments de perfection, et j’oublie mes angoisses : elles se sont évaporées.

Nous nous asseyons sur son lit.
- Dis donc, tu connaissais mon percussionniste, avant de le voir au concert ?
- Oui, je le connais depuis quelques années. On a été à un ou deux concerts ensembles. On s’est vu quelque fois.
- Oui, c’est aussi ce qu’il m’a dit.

On s’embrasse, on commence à se caresser, et puis ça fait tilt dans ma tête :
- Mais… D’où vous avez parlé de moi ? Quand ? Pourquoi ?!
Il rit.
- Oh…. Oui…. On a parlé. 
J’attends, sourcils froncés. Il finit par biaiser :
- A ton avis ?
Je réfléchis. Ils se sont vu hier, ils étaient en répétition, peut-être….
- Vous avez parlé du précédent concert, où je suis venue et on s’est tous parlés ?
- Ah.... Eh bien.....Non, pas du tout
Je grommelle.
Il rit.
- Par rapport à ma publication au sujet du concours, où vous avez réagi tous les deux ?
- Ah oui, ça aurait pu… Mais non
Je grommelle d’autant plus, et commence même à m’inquiéter. Pourquoi ces deux couillons ont parlés de moi ?!
Il me laisse mariner un bon moment, et finit par dire :
- Hier en répétition, j’ai annoncé à tous les membres du groupe que je fréquentais quelqu’un. Que cette personne s’appelle Mademoiselle B. Et mon percussionniste a tout de suite fait le lien avec toi, et a dit qu’il te connaissait bien.
- Tu as fait QUOI ?! Mais…. Tu n’as pas peur ??? Et s’ils en parlent ?! Et si ton percussionniste en parle à sa copine, qui est une amie de Victoria ?!
- …. C’est un risque, dit Isaac avec beaucoup de calme. 
Un calme qui me donne un peu envie de le secouer comme un prunier.
- Tous ces connards de musiciens sont de vraies pipelettes !
- Ça c’est bien vrai !
- Et tu leur fait assez confiance pour leur avoir dit ça ?!
- Eh bien oui. On verra si j’ai eu raison.
Je suis assez scotchée, je me demande pourquoi il a fait ça, je suis un peu flattée, mais j’ai surtout très peur que tout ça ne lui saute au visage. Surtout qu’il compte virer le percussionniste du groupe dans quelques jours, et il lui donne ainsi des armes pour lui faire mal s’il se sent d’humeur revancharde.
- Bon, enfin… Cela dit c’est ton choix, tu les connais mieux que moi, je n’ai rien à dire.

On s’embrasse à nouveau, et j’oublie bien vite mes interrogations sous ses doigts. Je suis nue, il est torse nu et je le laisse en jean le plus longtemps possible, tant je le trouve sexy comme ça. J’adore le regarder déboutonner son pantalon, j’en ai des frissons d’excitation.
A genoux devant moi qui suis debout, il couvre mon corps de baisers et de caresses. Je regarde, fascinée, sa main posée sur mon ventre, pendant que sa bouche s’aventure entre mes jambes.

Nous allons sur le lit, où il me lèche et me caresse longuement.
J’ai une folle envie de jouer avec lui, et lorsqu’il enfile une capote, je m’esquive, l’effleure, revient, repart. Puis je m’empale sur lui, provoquant un grognement, et m’arrachant un hoquet de surprise, car comme toujours, je sous-estime la sensation de l’avoir en moi.
Nous faisons l’amour, je me sens bien, quoique laissé sans orgasme.
Toutefois après sa jouissance, où j’observe attentivement son visage, son expression, nous nous caressons encore. Jusqu’à ce que je le sente bander à nouveau, et que j’aille le titiller avec ma bouche.
Mes doigts s’aventurent sur son périnée, puis un peu plus loin. La dernière fois, il a pris ma main pour la mettre entre ses jambes, et je suis donc assez en confiance quant au fait de m’aventurer vers sa prostate sans choquer sa masculinité hétéro-viril. Il se met au dessus de moi, et je le titille du bout de mes doigts, mais aussi avec ma langue. Il en fait de même sur moi.
J’explose dans un orgasme extrêmement rapide, pendant qu’il se dilate sous ma langue, à mon plus grand plaisir.
Je n’ose pas franchir le pas, jusqu’à ce qu’il se saisisse de ma main, enfonçant mes doigts en lui. D’une main je le branle, de l’autre je fouaille son intérieur, pendant qu’il gémit et se tortille, et me tiens fermement la main, cherchant à enfoncer plus profond encore mes doigts – je dois déplorer des doigts trop courts, et une position pas franchement pratique. Mais vu l’effet que ça lui fait, je ne veux pas changer de position.
Il jouit étonnamment assez peu bruyamment, et je le vois, comme au ralentit, s’effondrer sur le lit, et se recroqueviller en haletant. J’ai même l’impression qu’il y a des sanglots dans son souffle. Je l’observe quelques secondes, interdite, avant de me redresser pour le prendre dans mes bras. Il tressaille entre mes bras, et j’aimerais savoir ce qu’il a ressenti, j’aimerais qu’il me raconte, j’aimerais qu’on débriefe – mais on ne le fait jamais, et j’en avais déduits peut être à tort, que c’était par pudeur de sa part. Alors je ne dis rien.
Nous trouverons bien un message pour en parler.   

Il se lève pour prendre sa cigarette, se couche contre mon dos pendant que je suis sur le ventre. Il ne dit rien. Il sourit. Il me caresse. Il me regarde. Il fume. Une bouffée. Je ne l’entends pas expirer. Une odeur fruitée. Ananas ? 

Puis on se couche, il me serre contre lui, et je m’endors sans même m’en rendre compte.

Au matin, il est à peine réveillé qu’il me dit « Je sais ce que tu vas faire ! Tu vas écrire une lettre à ta cheffe ! »
J'ouvre les yeux avec difficultés : « Heu.... Ah ?... »
Je baille. Puis je ris.

On se câline un peu, avant de se lever.

Je prend une douche rapide.

Et puis au petit déjeuner, devant son regard absent, je lui demande si ça va.
- Mais oui ! Très bien !
- Ah, parfait !
- Mais et toi ? Est-ce que tout va comme tu veux ?
Je me dis que c’est le moment - même s’il faudra en parler très vite, car on travaille dans 20 min.
Je cherche mes mots
- Je suis… angoissée. Je panique. Je m’attache à toi. Et du coup j’ai peur. Je me sens vulnérable. C’est insupportable. Alors j’envisageais de te quitter.
Il rit, toujours cet étrange rapport au rire qu’il a, et qui est sans malveillance, et ne l’empêche pas d’être le plus sérieux du monde
- Tu t’attaches et donc tu crains que je m’en aille.
- …. Oui
- Tu crains que j’ai désormais les moyens de te faire du mal
- Oui
-Tu as peur de l’abandon.
- …. Oui
-Tu te dis que peut-être, je vais agir comme un connard de médecin, parvenu, qui vote à droite, et qui t’as quitté du jour au lendemain sur un prétexte bidon
- ….. Alors... Dans l'absolu oui… Mais cela dit il votait à gauche….
- Pfffff ! Il votait quoi ?! Parti Socialiste ??? C’est pareil !
- Bon…. (De toute façon je ne vais pas défendre Charles-Henri)
- Il y a peu de chances que j’agisse de la même façon.
- …
- On ne sait pas de quoi demain sera fait. On pourrait avoir tout deux des milliards de raisons de se quitter l’un l’autre. Et d’ailleurs toi plus que moi !
- Moi ? Tu crois ?
- Bien sûr. C’est bien plus compliqué pour toi que pour moi !
- Ah….
Je ne trouve pas, mais si lui à cette impression…
- C’est à toi d’accepter ou non une situation sans savoir où tu vas. Te demander si je quitterai un jour Victoria, ou si je serai un lâche incapable de prendre une décision.
- Je ne te demande rien en tout cas.
- Mais il n’empêche que c’est là. Et que la vraie question est de savoir si je peux la quitter, ou si je n’oserai jamais. Si je la choisi elle ou toi.
- La vraie question ce n’est pas ça. La vraie question, c’est de savoir ce que tu veux faire de ta vie. Tu peux choisir entre elle et moi, mais tu pourrais aussi dire « Je la quitte, mais je ne veux pas être avec toi ! ». Tu pourrais choisir d’être seul. Indépendant. Tu peux faire ce que tu veux, c’est ta vie.
Il me regarde comme si je venais de dire une énormité.
Je me dis que je vais nuancer un peu :
- Enfin, tout ça c’est théorique. Et quoiqu’il en soit, mon problème n’est pas vraiment Victoria
- Tu pourrais te dire « Quand est-ce qu’il va quitter cette radasse ?! », et décider de partir avec un autre. Tu me quitteras pour un barbu, tatoué – il ne sera peut-être pas baraqué – avec qui tu feras des enfants. Tu vivras cette vie là, que tu désires, pendant quelques années. Et puis quand tes enfants auront 8-9 ans, on se croisera par hasard – tiens, à ce festival que tu aimes tant ! – et on se dira « Ça alors ! ». Et on se retrouvera, et on fautera à nouveau,  parce qu’on ne pourra pas s’en empêcher !
- …. Ah…. Oui…. Tu vois loin, tout de même… Alors bon, sans aller jusque là, moi je disais surtout ça parce que, au final, je gérais très bien la situation lorsque c’était une impasse, je n’avais pas à m’interroger sur mon attachement, et maintenant que les choses ont changés, je ne gère plus du tout.
Il faut partir, on est en retard, je me dis que je n’ai vraiment pas bien choisi mon moment. 
En fermant la porte, il me dit : 
- C'est ton droit de me quitter. Si tu le fais, je comprendrais complètement. Je ne le souhaite pas, et ça me rendrait très triste. Mais je comprendrais
On se bécote dans ascenseur, et puis dehors, il me dit
- On pourra reprendre cette conversation.
- Oui, faisons cela.

En repartant, je me sens mieux.

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