Nous
organisions une soirée avec l'Association : une projection du film Metropolis
sous forme de ciné-concert, un pianiste jouant la bande-son en direct.
*Point Culture*
Metropolis est le film phare du mouvement expressionniste allemand - à mon sens, Le Cabinet du Docteur Caligari est plus représentatif de ce mouvement (et plus intéressant sur bien des points), mais j'admet très volontiers que Metropolis est un chef-d'oeuvre. La chose date de 1927 et fait tout de même 2h30, en étant entièrement muet. [Quelques anecdotes valent qu'on s'y attarde, notamment que Luc Besson s'est beaucoup inspiré de ce film pour l'esthétique du Cinquième Élément - oui, une anecdote qui a vingt ans de retard, c'est le plus récent que je puisse faire]
Blockbuster de l'époque, il nous montre une société où les pauvres sont exploités en sous-sol pour alimenter la ville à la surface (qui s'appelle donc Metropolis) où les riches vivent dans l'oisiveté. Le fils du big boss de Metropolis découvre ça (parce qu'il tombe amoureux d'une pauvresse idéaliste, évidemment) et décide de changer les choses et accessoirement de retrouver son amour (simple, classique, efficace).
Bref : C'est bien, c'est beau, c'est du génie pur (même si c'est écoeurant de candeur), et je n'accepte aucune critique négative à son encontre.
J'étais donc enchantée que l'Asso organise cette projection.
Charles-Henri et moi nous retrouvions donc de nouveau face aux autres membres de l'Asso depuis la Crémaillère, et bien sûr, nous n'en avions toujours pas discuté : je n'avais donc aucune idée de l'attitude à adopter. Et pourtant nous aurions pu y penser, puisque nous avions passé la nuit ensemble.
Je suis arrivé avant Charles-Henri, pour découvrir que presque tout le monde était déjà là. A son arrivée, je me dandine d'un pied sur l'autre. Il va dire pour faire la bise aux autres, qui reculent tous d'un pas « Non, je suis malade ».
Ne reste
plus que moi.
Il me
regarde.
Je le
regarde.
Flottement
de plusieurs secondes.
Lisa : «
C'est bon tu peux y aller, Mademoiselle B. n'est pas malade, tu peux même lui
rouler une pelle si tu veux ! ».
Tout le
monde rit de bon cœur.
Il me
regarde.
Je le
regarde.
Il est tout
rouge.
Je sens que
je suis toute rouge moi aussi.
On détourne
le regard.
Silence
pesant.
Gros malaise
pour tout le monde.
J'envisage
l'espace d'un instant de dire « Ok, d'accord alors ! » et d'embrasser
Charles-Henri. Mais comme je ne connais pas sa politique sur le sujet, je
préfère éviter.
Et dans ma
tête je me dis « Mais qu’on est con ! Qu'on est con bordel ! ». Et je suis très mal à l’aise.
Il brise le
silence en disant « Bon, je vais aller m'acheter à manger ! Qui veut quelque
chose ? ». Je décide de l'accompagner, puisqu'on est les deux seuls à n'avoir
rien dans le ventre.
Je sors avec
soulagement du cinéma.
Il se tourne
vers moi « Bon, alors, on s'embrasse ou on ne s'embrasse pas devant les autres
?! »
« Oh la la,
c'était gênant hein ?! Moi je m'en fous, c'est pour toi »
« Moi je
m'en fous aussi qu'ils sachent »
« Ok, donc
c'est réglé ! »
Je me dis
tout de même qu’avec la scène lamentable qu’on a joué juste avant, s’ils n’ont
pas de soupçons, c’est qu’ils sont naïfs. Ou stupides. Et s’ils additionnent
1+1, ils se souviendront de ma sortie bizarre et pas subtile du tout lors de la
dernière soirée, et ils auront encore plus de doutes.
On en a
reparlé pendant le trajet du retour, et il m’a confié avoir lui aussi envisagé
la provoc « Bon ok, alors je l’embrasse ! ». Mais qu’il ne
savait pas comment je réagirai donc qu’il a préféré éviter.
On a donc eu
la même idée, mais on a toujours cette retenue polie. Dommage, ça aurait pu être
drôle.
On a été
chercher de quoi manger et à notre retour, la salle commençait à être installé.
Charles-Henri a été s'occuper des branchements, et moi je n’avais pas grand-chose à faire. Comme
je flippais que quelqu’un me demande « Bon sang mais qu’est-ce qui s’est
passé tout à l’heure au juste ?! », je me suis mise un peu à l’écart
pour boulotter mon sandwich.
Lorsque les
gens ont commencés à affluer dans la salle, j’ai retrouvé Copine#1, qui venait avec
son mec (celui-ci était d’ailleurs tout fou de pouvoir voir Charles-Henri, et m’a
dit, surexcité « Oooooh ! C’est lui ?! Il est beauuu !!
Oooooh ! Et puis il est bien foutu !!! Ooooh c’est bieeen ! »).
Et j’ai découvert avec horreur et révulsion que le Drageur à 1 Dong était là
aussi. Pire : Il s’était permis de s’installer sur les places « Réservé
Staff de l’Asso ».
J’étais
furax – et j’ai été prise d’un gros doute : ce con n’essaierait tout de
même pas d’intégrer l'Asso ?! On nage en plein cauchemars.
Peu de temps
avant que la séance ne commence, il s’est tourné vers moi, m’a fait son plus
beau sourire (alors que j’avais envie de lui cracher au visage) pour me demander : « Il
y a quelqu’un à côté de toi ? »
Panique :
Charles-Henri est assis plus loin à discuter, j’ignore s’il se mettra près de
moi, mais quoiqu’il arrive je refuse d’avoir ce déchet à mes côtés. En plus
il serait foutu d’essayer de me peloter, et je me verrai dans l’obligation de
lui éclater la tronche sur le siège de devant.
Je proteste :
- Heu... Il y a le
photographe…
- Mais ses
affaires sont à côté !
- Président ?
- Il veut être devant
- Heuuu….. Le
2e photographe ?
- …
- ...
- ....Il n’y a
pas de 2e photographe...
- .... Ah.
Charles-Henri
arrive, ignore superbement le Dragueur à 1 Dong et me demande :
- Il y a
quelqu’un à côté de toi ?
- Non
Et il se met
à côté de moi.
(Encore une scène lamentable – mais on va dire que c’était un état d’urgence).
Soulagement
(d’esquiver l’autre imbécile) et ravissement (d’être à côté de Charles-Henri)
Il faut
savoir que je suis une grande adepte du cinéma expressionniste allemand. J’ai
découvert ce mouvement lorsque j’étais en Première ou en Terminal (donc il y a –Oh
Mon Dieu – 12 ou 13 ans). Mon premier film, ma découverte, c’était justement
Metropolis, en ciné-concert. J’avais été scotchée pendant les 2h30 que durait
le film, et ça a, à une petite échelle, changé ma vie – ou ça l'a au moins auréolé d'une passion.
En regardant
ce film, 12 ans après, dans des conditions presque similaires, j’ai ressenti
cette même excitation, cette même palpitation dans la poitrine, ce sentiment que
je regardais quelque chose d’extraordinaire et de génial. Et je regardais ça
avec Charles-Henri à côté de moi, sa main sur ma cuisse, nos doigts entrelacés.
Et j’ai eu le sentiment que tout ça avait un sens, que, bon sang, il ne pouvait
pas être là, à cet instant précis avec moi sans que ça ait une importance
particulière ! C’est trop symbolique, ça ne peut pas être anodin, être
juste un hasard !
Je n’ai pas
pu résister à l’envie de l’embrasser – juste quelques secondes, pour ne rien
rater du film- avec le sentiment de faire quelque chose d’important, de presque
réaliser un fantasme.
Lorsque le
film s’est fini, tonnerre d’applaudissement.
Charles-Henri
me dit « J’ai une copine et ancienne co-interne qui est venu, je suis
désolé, je vais discuter un peu avec elle ! »
Ne sachant
pas comment agir, n’ayant pas envie de m’immiscer dans la conversation, je vais
discuter avec Copine#1, puis lorsqu’elle s’en va, je pars tranquillou à la recherche des toilettes.
Lorsque j'en sors, légère et épanouie, une fille attend devant la salle de projection. Je lui souris, et au moment où je
rentre, elle me demande : « Excuse-moi, tu ne serais pas Mademoiselle
B. par hasard ? »
- Heu... Si, c'est moi...
- Ah !
Charles-Henri était parti te chercher ! Il me semblait bien t’avoir
reconnu ! Il m’a montré fugitivement une photo de toi le week-end dernier
[ils étaient partis à une dizaine d’anciens co-internes dans la maison
familiale]. Cool ! Je suis contente de rencontrer la copine de Charles-Henri !
Moi c’est Fannette, nous étions co-interne lors de notre précédent stage !
Wow.
Trop d’informations.
Il a parlé
de moi ?!
C’est la
première fois qu’on m’appelle comme ça « La copine de Charles-Henri ».
Putain oui, ça y est, j’y suis : je suis officiellement la copine de
Charles-Henri.
Je ne sais
plus du tout ce que je ressens.
Sur ces entrefaites,
Charles-Henri arrive « Ah ben vous vous êtes trouvées ! Excellent ! ».
On discute
un peu, je demande quelle est donc cette photo fugitive dont Fannette m’a
parlé, et puis on va aider à démonter la salle.
Lorsque c’est
fait, nous ne tardons pas à partir car Charles-Henri a proposé à Fannette de la
déposer chez elle, et nous avons encore de la route avant de rentrer. Nous
faisons la bise à tout le monde, et nous partons.
On passe
quelques vingt minutes avec Fannette, qui est gentille – mais j’atteins vite
mon seuil de « Maintenant j’ai envie d’être seule » : Il est
tard, et je commence à sentir que ma journée a commencée il y a 16h.
On dépose
Fannette, on se tape les 70 bornes jusqu’à chez moi qui me semblent prendre
trois fois plus de temps que d’habitude, et on rentre s’échouer dans mon
appartement avec soulagement. Charles-Henri tiens absolument à me déshabiller
avant que je prenne ma douche, et il s’exclame « Je ne me lasserai jamais
de faire ça ! »
Et puis on
se blottit sous la couette. Il me dit « Je suis désolé, je suis trop
fatigué ce soir… ». Et puis « Tout de même, ça m’embête de ne pas t’honorer,
tu mérites mieux que ça ». Je suis tellement touchée, émue, ravie,
flattée, que, la gorge nouée, je ne trouve rien à dire. Il finit par dire « Viens
sur moi » et on fait l’amour, pas très longtemps mais qu’importe, c’était bon.
Après l’amour,
il me demande si j’ai des « demandes sexuelles à réaliser en urgence ». Je ris. En urgence ? Non, prenons tout notre temps pour nous découvrir, c'est déjà si bon comme ça...
Il me serre
contre lui, et murmure « J’adore coucher avec toi ».
Je demande d’une
petite voix « Et donc tu as parlé de moi à tes anciens co-internes ? »
« Ils m’ont
demandés ce que je devenais. Alors j’ai parlé de toi »
« Alors
je fais partie de ce dont tu deviens ? »
« Oui,
il me semble. Et moi ? Je fais partie de ce dont tu deviens ? »
« J’aimerai
beaucoup. Et en attendant, depuis 1 mois, oui, clairement tu en fait parti »
« C’est
vrai que ça fait un mois déjà »
« Ca ne
te mets pas mal à l’aise de parler de moi ? Tout tes amis sont médecins,
toute ta famille est médecin. En plus ils ont tous connus ton ex, qui était en
médecine… Est-ce que je suis légitime ? »
« Quel
est le rapport ?! On s’en fout non ? »
« Je ne
sais pas, c’est quand même pas aussi classe »
« Les
médecins ne sont pas tous élitistes et snobinards tu sais. Il y a des gens bien ! »
« Ah.
Oui. Sans doute. Apparemment »
« Et
puis de toute façon, j’évite de mélanger le travail et… et…. Le reste. Je n’ai
jamais couché avec qui que ce soit avec qui j’ai travaillé »
« Hum,
n’empêche qu’on est tout les deux à l’Asso »
« C’est
vrai. Mais c’est l’Asso, c’est en dehors de mon travail »
« Oui,
c’est vrai »
« D’ailleurs
on va avoir un problème si ça ne marche pas entre nous. Toi tu coupes les
ponts avec tes ex, alors ça sera compliqué avec l’Asso »
« Je…
heu…. Oui…. Je…. Ne sais pas….. Je peux aussi peut-être gagner en maturité à ce
propos ou…. »
Charles-Henri
me coupe, chuchotant dans mon oreille : « Je plaisante Mademoiselle
B. Ne pensons pas à ça, c’est idiot. Et puis après tout, on n’est pas à l’abris
que ça marche bien entre nous, n’est-ce pas ? »
Je ris
doucement « En effet. Eh bien partons du principe que c’est la solution au
problème : que ça aille bien entre nous ».
Et on s’endort
l’un contre l’autre, paisiblement.
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