lundi 11 juin 2018

Voyage à La Nouvelle Orléans (7/8) : jeudi et vendredi



Jeudi, au lendemain de mon incroyable nuit avec Miguel, je déprimai sincèrement.  
Mon binôme s’était levé de mauvaise humeur, prenant ses affaires et quittant la chambre sans un mot. 
J'ai supposé qu'il n'avait pas apprécié que je rentre tard.
Ou alors c'était parce que je n'avais pas mis le réveil - oui, il n'avait pas de réveil non plus, et comptait sur moi pour ça.
Moi j'avais besoin de raconter mon histoire, mon mélange de joie et de détresse, et je me suis retrouvée seule. 
Cela dit, avec le recul, il valait mieux que je n'en parle pas avec lui (qui pense qu'une femme qui a une sexualité est la dernière des salope).

Je suis sortie prendre mon petit déjeuner dans la cour de l'auberge, en me sentant franchement comme une merde, avec la folle envie de repartir, de rentrer chez moi, de me coucher dans mon lit avec mon chat et mes états d'âme - et là, les vieux démons remontent : Personne ne me parle, je n'arrive a rien, je ne suis qu'une petite fille effrayée. 
Personne ? 
Absolument pas : Glenn est arrivé sur ces entrefaites, m'a fait un hug, et a discuté avec moi. Et dans la foulée, aussi facilement que ça peut l'être aux usa - ou peut être dans les auberges de jeunesse, ou peut être juste quand on arrête de se poser des questions - j'ai rencontré de nouvelles personnes, et je les ai suivi pour un petit tour touristique. 
Il y avait Stuart, un artiste anglais, Glenn, une indienne, et une Ukrainienne.  
La journée était affreusement chaude. Le soleil nous tapait dessus, et je sentais ma peau chauffer. Stuart, qui était aussi blanc que moi, m'a filé un peu de son écran total. Et il a préféré rentrer, pendant que nous repartions vers le centre. 
L'une des pires idées de mon séjour : J'étais déjà moyennement dans mon assiette, et la chaleur m'écrasait. Mais surtout, je n'avais pas encore réalisé que j'étais avec une accro compulsive du selfie. 
Arrivés au centre-ville, j'ai voulu les emmener boire un verre - déjà parce que je crevais de soif. 
On a mis 1h30 pour faire 400 mètres. 
UNE PUTAIN D'HEURE ET DEMIE. 
Tous les deux pas, l'indienne (dont je serais incapable de retranscrire le nom, malheureusement) faisait un selfie. Mais pas elle toute seule hein : non, avec nous quatre à chaque fois. A CHAQUE FOIS.  Et pendant cette heure et demi, on grillait en plein soleil, et je commençais à me sentir de plus en plus mal. 
Sans compter mon envie de la tuer lorsqu'elle a dit « Oh, oui, c'est plus fort que moi, je fais des milliers de photos, tout le temps. Et en fait, je ne les regarde jamais après ! Ahahahah ! » 
J'ai fini par aller m'asseoir à l'ombre, parce que je ne tenais quasi plus debout. Je me sentais vraiment très mal – et j'avais tellement soif, bordel ! Je voulais juste un jus de fruits, on était à côté du café, mais elle faisait encore des photos, sans rien regarder, et je me disais « on y arrivera jamais ». 
Glenn m'a regardé, il a eu l'air très très inquiet. Il a récupéré les deux filles, et a dit que je devais absolument m'asseoir au frais et boire et manger quelque chose.
Après cette pause (où l’indienne s’est littéralement recouvert le visage de sucre glace pour prendre un « selfie rigolo »), j'avais juste envie de rentrer.  
Evidemment, ça a repris 1h. 
Je n'en pouvais plus. 
Je suis partie poser mes affaires près de la piscine. 
J'ai vérifié mes messages – évidemmentMiguel n'avait pas écrit. Evidemment, c'était une histoire d'une nuit – qu'importe si celle-ci semblait être tellement plus. 
« Tu sais que ça ne peut pas être de l'amour, n'est ce pas ? », me rabroue avec bienveillance Copine#1 à qui j'écris en renfort. 
Et puis je me suis souvenue que l'écriture me faisait du bien – alors j'ai commencé à écrire.  
Le soir, j'ai réussi à renouer un semblant de dialogue avec mon binôme. Puis j'ai passé un peu de temps dehors, sur le perron de l'auberge. J'ai discuté avec Frank, Mitsy, Eric. J'ai rencontré un américain dont je n'ai pas réussi à saisir le nom – son accent était tellement fort que je l'ai cru anglais. Il m'a ri au nez : « I love money, sex and god. I'm a fucking american !! ». 
J'ai ensuite rencontré Bernardo, mexicain qui était là pour un congrès sur le climat.  
Bref, une petite soirée très sympathique... Mais où clairement, je sentais que j'avais de plus en plus de mal à comprendre – il était temps que j'aille dormir ! 
J'ai continué à écrire avant de me coucher. 

Le lendemain, ça allait un petit peu mieux avec mon binôme. On a convenu d'aller manger ensemble au Hard Rock Café, et qu'ensuite on irait vadrouiller chacun de son côté.  
Je me suis dit qu'on trouvait seulement maintenant notre façon de fonctionner. 
J'ai été faire "Magazine Street", réputée pour ses magasins, notamment ses friperies. Sauf qu'en réalité, cette fichue rue faisait 10 km. Avec des endroits pleins de boutiques, mais aussi de longs espaces pavillonnaires où il n'y avait rien à voir. Au bout de 6km, j'ai jeté l'éponge : j'étais crevée, le ciel devenait franchement grisonnant, et j'en avais marre. J'ai fait une pause d'une petite demi-heure dans un parc, et je suis rentrée. 




Bon, très honnêtement, je me suis un peu perdue, et je suis passée par des endroits totalement dévastée et vraiment flippant. J'ai traversé des zones carrément abandonnées. Je n'en menais pas large, j'avais le dos trempé de sueur froide, et je priais pour ne pas me faire agresser. 
Heureusement, j'ai retrouvé mon chemin, et il ne m'est rien arrivé. A part d'avoir eu une sacrée frousse. 

Je me suis posée à l'auberge, sur un siège dans le salon. Eric est passé me dire bonjour. J'ai continué de taper mon texte, terminant de raconter ma nuit.  

2h54 (heure française). 
C'est l'heure à laquelle je me suis envoyé ce texte par mail (parce que je n'avais pas encore compris comment fonctionnait One Note) 
C'est précisément à cette même heure que je recevais un mail me notifiant un message de Miguel.  

J'ai lu, et relu, re-relu son message.  
Il m'avait écrit ! 
Et toute ma tristesse de ces deux derniers jours s'est envolée.

Frank est venu me chercher « Hé, c'est Storytime ce soir ! Viens avec nous ! ».
  
Tout le monde était réuni dehors, et, chacun son tour, racontait une anecdote qu'il avait vécu.
Entre rires et larmes, nous sommes passés de l'histoire de Stuart, anglais, qui avait fait l'amour si longtemps et brutalement que son pénis avait viré au noir... Et que tout l’hôpital était venu voir ça et rire, pendant que lui se demandait s'il allait voir son pénis tomber, à un récit très poignant de Mitsy, nous racontant comment elle avait vécu les attentats de Manchester, finissant par nous lire un poème qu'elle avait alors écrit sous le coup de l'émotion, et qui nous a tous fait pleurer.
Il y a eu l’histoire d'Eric, qui s'est retrouvé coincée dans une coulée de boue pendant des heures et qui a cru mourir.
Ou celle de Pauline, qui, un jour de manifestation étudiante, est tombée, son tee-shirt s’arrachant au passage et la laissant nue et pantoise devant tous ses profs et chefs d’université – qui ont eu la délicatesse de ne pas rire.

Ensuite nous sommes tous sorti au centre-ville, et je me suis fait alpaguer par des geeks bossant chez Facebook ('scuse) qui, sous prétexte de vouloir pratiquer leur français, m'ont traînés dans des bars où je ne voulais pas aller, et m’ont entraînés loin du reste du groupe – alors que c'était avec eux que je voulais passer ma soirée. Ils étaient méprisants, imbu d’eux même, et j'étais extrêmement mal à l'aise.
Pire, j'ai reconnu des coins que j'avais visité avec Miguel - quelle horreur, de retrouver ces endroits magiques accompagnés de ces trois prétentieux !
J'ai réalisé beaucoup trop tard qu'ils étaient complètement défoncés ; je ne m’en suis aperçu que lorsque l'un deux a manqué tomber sous les roues d'une voiture. Ils ont décidé de prendre un taxi pour rentrer, et durant tout le trajet, la fille du groupe, assise à côté de moi, avait des hauts le cœur qu'elle ravalait lentement, pendant que je me disais « pourvu qu'elle ne me gerbe pas dessus ».

J’ai retrouvé l’auberge et mon lit avec soulagement - bien que très déçue de cette soirée désagréable.  

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