Jeudi, au lendemain de mon incroyable
nuit avec Miguel, je déprimai sincèrement.
Mon binôme s’était levé de mauvaise
humeur, prenant ses affaires et quittant la chambre sans un mot.
J'ai supposé qu'il n'avait pas apprécié
que je rentre tard.
Ou alors c'était parce que je n'avais
pas mis le réveil - oui, il n'avait pas de réveil non plus, et comptait sur moi
pour ça.
Moi j'avais besoin de raconter mon
histoire, mon mélange de joie et de détresse, et je me suis retrouvée
seule.
Cela dit, avec le recul, il valait mieux
que je n'en parle pas avec lui (qui pense qu'une femme qui a une sexualité est la dernière des salope).
Je suis sortie prendre mon petit
déjeuner dans la cour de l'auberge, en me sentant franchement comme une merde,
avec la folle envie de repartir, de rentrer chez moi, de me coucher dans mon
lit avec mon chat et mes états d'âme - et là, les vieux démons remontent :
Personne ne me parle, je n'arrive a rien, je ne suis qu'une petite fille
effrayée.
Personne ?
Absolument pas : Glenn est arrivé sur
ces entrefaites, m'a fait un hug, et a discuté avec moi. Et dans la foulée,
aussi facilement que ça peut l'être aux usa - ou peut être dans les auberges de
jeunesse, ou peut être juste quand on arrête de se poser des questions - j'ai
rencontré de nouvelles personnes, et je les ai suivi pour un petit tour
touristique.
Il y avait Stuart, un artiste anglais, Glenn,
une indienne, et une Ukrainienne.
La journée était affreusement chaude. Le
soleil nous tapait dessus, et je sentais ma peau chauffer. Stuart, qui était
aussi blanc que moi, m'a filé un peu de son écran total. Et il a préféré
rentrer, pendant que nous repartions vers le centre.
L'une des pires idées de mon
séjour : J'étais déjà moyennement dans mon assiette, et la chaleur m'écrasait.
Mais surtout, je n'avais pas encore réalisé que j'étais avec une accro
compulsive du selfie.
Arrivés au centre-ville, j'ai voulu
les emmener boire un verre - déjà parce que je crevais de soif.
On a mis 1h30 pour faire 400
mètres.
UNE PUTAIN D'HEURE ET DEMIE.
Tous les deux pas, l'indienne (dont je
serais incapable de retranscrire le nom, malheureusement) faisait un
selfie. Mais pas elle toute seule hein : non, avec nous quatre à
chaque fois. A CHAQUE FOIS. Et pendant cette heure et demi, on grillait
en plein soleil, et je commençais à me sentir de plus en plus mal.
Sans compter mon envie de la tuer
lorsqu'elle a dit « Oh, oui, c'est plus fort que moi, je fais des
milliers de photos, tout le temps. Et en fait, je ne les regarde jamais
après ! Ahahahah ! »
J'ai fini par aller m'asseoir à l'ombre,
parce que je ne tenais quasi plus debout. Je me sentais vraiment très mal – et
j'avais tellement soif, bordel ! Je voulais juste un jus de fruits, on était à
côté du café, mais elle faisait encore des photos, sans rien regarder, et je me
disais « on y arrivera jamais ».
Glenn m'a regardé, il a eu l'air
très très inquiet. Il a récupéré les deux filles, et a dit que je
devais absolument m'asseoir au frais et boire et manger quelque chose.
Après cette pause (où l’indienne s’est littéralement
recouvert le visage de sucre glace pour prendre un « selfie rigolo »),
j'avais juste envie de rentrer.
Evidemment, ça a repris 1h.
Je n'en pouvais plus.
Je suis partie poser mes affaires près
de la piscine.
J'ai vérifié mes messages – évidemment, Miguel n'avait pas écrit.
Evidemment, c'était une histoire
d'une nuit – qu'importe si celle-ci semblait être tellement
plus.
« Tu sais que ça ne peut pas être
de l'amour, n'est ce pas ? », me rabroue avec bienveillance Copine#1 à qui
j'écris en renfort.
Et puis je me suis souvenue que
l'écriture me faisait du bien – alors j'ai commencé à écrire.
Le soir, j'ai réussi à renouer un
semblant de dialogue avec mon binôme. Puis j'ai passé un peu de temps
dehors, sur le perron de l'auberge. J'ai discuté avec Frank, Mitsy, Eric.
J'ai rencontré un américain dont je n'ai pas réussi à saisir le nom –
son accent était tellement fort que je l'ai cru anglais. Il m'a ri au nez :
« I love money, sex and god. I'm a fucking american !! ».
J'ai ensuite rencontré Bernardo,
mexicain qui était là pour un congrès sur le climat.
Bref, une petite soirée très
sympathique... Mais où clairement, je sentais que j'avais de plus en plus de
mal à comprendre – il était temps que j'aille dormir !
J'ai continué à écrire avant de me
coucher.
Le lendemain, ça allait un petit
peu mieux avec mon binôme. On a convenu d'aller manger ensemble
au Hard Rock Café, et qu'ensuite on irait vadrouiller chacun de son
côté.
Je me suis dit qu'on trouvait seulement
maintenant notre façon de fonctionner.
J'ai été faire "Magazine Street", réputée pour
ses magasins, notamment ses friperies. Sauf qu'en réalité, cette fichue rue
faisait 10 km. Avec des endroits pleins de boutiques, mais aussi de longs
espaces pavillonnaires où il n'y avait rien à voir. Au bout de 6km,
j'ai jeté l'éponge : j'étais crevée, le ciel devenait franchement grisonnant,
et j'en avais marre. J'ai fait une pause d'une petite demi-heure dans un parc,
et je suis rentrée.
Bon, très honnêtement, je me suis
un peu perdue, et je suis passée par des endroits totalement dévastée et
vraiment flippant. J'ai traversé des zones carrément abandonnées. Je n'en
menais pas large, j'avais le dos trempé de sueur froide, et je priais
pour ne pas me faire agresser.
Heureusement,
j'ai retrouvé mon chemin, et il ne m'est rien arrivé. A part d'avoir
eu une sacrée frousse.
Je me suis posée à l'auberge, sur un
siège dans le salon. Eric est passé me dire bonjour. J'ai continué de
taper mon texte, terminant de raconter ma nuit.
2h54 (heure française).
C'est l'heure à laquelle je me suis
envoyé ce texte par mail (parce que je n'avais pas encore compris comment
fonctionnait One Note)
C'est
précisément à cette même heure que je recevais un mail me notifiant
un message de Miguel.
J'ai lu, et relu, re-relu son
message.
Il m'avait écrit !
Et toute ma tristesse de ces deux
derniers jours s'est envolée.
Frank est venu me chercher « Hé,
c'est Storytime ce soir ! Viens avec nous ! ».
Tout le monde était réuni dehors, et,
chacun son tour, racontait une anecdote qu'il avait vécu.
Entre rires et larmes, nous sommes
passés de l'histoire de Stuart, anglais, qui avait fait l'amour si longtemps et
brutalement que son pénis avait viré au noir... Et que tout
l’hôpital était venu voir ça et rire, pendant que lui se demandait s'il
allait voir son pénis tomber, à un récit très poignant de Mitsy, nous racontant
comment elle avait vécu les attentats de Manchester, finissant par nous lire un
poème qu'elle avait alors écrit sous le coup de l'émotion, et qui nous a tous
fait pleurer.
Il y a eu l’histoire d'Eric, qui
s'est retrouvé coincée dans une coulée de boue pendant des heures et
qui a cru mourir.
Ou celle de Pauline, qui, un jour de
manifestation étudiante, est tombée, son tee-shirt s’arrachant au passage et la
laissant nue et pantoise devant tous ses profs et chefs d’université – qui ont
eu la délicatesse de ne pas rire.
Ensuite nous sommes tous sorti au centre-ville,
et je me suis fait alpaguer par des geeks bossant chez Facebook ('scuse) qui,
sous prétexte de vouloir pratiquer leur français, m'ont traînés dans
des bars où je ne voulais pas aller, et m’ont entraînés loin du reste du groupe
– alors que c'était avec eux que je voulais passer ma soirée. Ils étaient
méprisants, imbu d’eux même, et j'étais extrêmement mal à l'aise.
Pire, j'ai reconnu des coins que
j'avais visité avec Miguel - quelle horreur, de retrouver ces endroits
magiques accompagnés de ces trois prétentieux !
J'ai réalisé beaucoup trop tard qu'ils étaient
complètement défoncés ; je ne m’en suis aperçu que lorsque l'un deux a
manqué tomber sous les roues d'une voiture. Ils ont décidé de prendre un taxi
pour rentrer, et durant tout le trajet, la fille du groupe, assise à côté de
moi, avait des hauts le cœur qu'elle ravalait lentement, pendant que
je me disais « pourvu qu'elle ne me gerbe pas dessus ».
J’ai retrouvé l’auberge et mon lit avec
soulagement - bien que très déçue de cette soirée désagréable.
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