jeudi 14 juin 2018

Voyage à La Nouvelle Orléans (8/8) : Derniers jours et retour en France

Samedi, il pleuvait à torrent, et nous avons fait un dernier tour en ville. 
Le dernier, car notre avion décollait dimanche matin. 
Dans le tram, où nous sommes arrivés trempé, un vieux Monsieur a dit à mon binôme « Vous pourriez donner un parapluie à la charmante jeune fille, ne la laissez pas être trempée comme ça ! »
Mon binôme a répondu : « Pffff, elle n'est pas charmante du tout »
Le vieux Monsieur a été très choqué. Il lui a demandé comment il pouvait dire une chose pareille, et a été encore plus indigné de voir que mon binôme riait grassement.
Moi, comme souvent, j'avais honte de lui, et je répétais « Non mais ce n'est pas grave, ça va très bien »
Sauf que le vieux Monsieur s'étouffait d'indignation. A tel point qu'il m'a donné son parapluie, me disant : « Tenez. Restez au sec. Et promettez moi que vous ne le laisserez pas s'abriter dessous. Vous ne devriez pas rester avec un homme comme ça ».
Et, méprisant, il lance à mon binôme : « Un parapluie ne coûte que cinq dollars, pour l'amour de Dieu ! »
J'ai tenu ma promesse : je me suis abrité sous le parapluie, laissant mon binôme sous la pluie.
"Have you seen the horizon lately ?"
Mon objectif du jour était de trouver une carte postale représentant une statue vu avec Miguel, qui m'avait poussé a lui demander candidement « Do you believe in God ?". 
Evidemment, je n’avais aucune idée du nom de cette statue, ni de l’endroit où je l’avais vue.
Et je suis donc repartie bredouille.
Grâce à la magie d'internet, j'ai pu retrouver cette statue.
J'ai quitté avec regret cette ville qui m'avait tant offert - une nuit sublime, un Dieu vivant, et le sentiment de vivre, vivre, vivre si fort. 
Même si je sentais que la fin du voyage arrivait, et que je voyais toutes les personnes que j’avais rencontrées à l’auberge partir une à une.

Comme il me restait quelques dollars, je me suis offert une demi-heure de massage des pieds dans l’un des multiples salons Thaï qui alpaguait le chaland un peu partout en ville.
C’était divin.
Même si ces petits malins commençaient à masser, et au bout de 5 min (quand tu commences à être vraiment bien et à ne plus réfléchir), te disent « On fait 1h, finalement ? ».
(Fallait bien qu’il y ait une tentative d’entourloupe)
Le dimanche, le départ fut déchirant pour moi : Sentiment de m'éloigner encore de Miguel, refus violent de retourner à "la vraie vie", peur de mettre un océan entre lui, moi… et tous mes bons souvenirs. Pas envie de quitter un endroit où je me sentais si à l'aise et épanouie - pourrais-je toujours être cette personne sociable, souriante et épanouie à mon retour ? Je peux vraiment revenir à ma vie ? Est-ce que ces expériences m'ont révélées à moi-même ? Ou était-ce juste l’effet vacances ?

Car oui, depuis la veille, nous nous écrivons sans cesse, me donnant l’impression que le rêve se poursuit.
Sauf que ce n’est pas un rêve.

Arrivés à l’aéroport, après un trajet en taxi où mon binôme soutenait à un chauffeur dubitatif que Trump est admirable parce qu’il s’est tapé une actrice de porno (*sic*), nous apprenons que notre avion est annulé. « Il y aurait des grèves en France, ça vous dit quelque chose ? »
Gros soupir. Ouais, ouais, ça sonne comme quelque chose de familier.
Du coup notre trajet est assuré jusqu’à Atlanta, et ensuite il nous faut attendre.
Si on a de la chance, quelqu’un loupera son avion et on pourra partir dimanche soir.
Sinon, ce sera le lendemain après-midi.
Il est onze heure du matin, et on sent que l’attente va être interminable.

Étonnamment, mon binôme est soudainement devenu incroyablement bavard. 
Je ne le comprends vraiment pas.
D’un autre côté, ces centres d’intérêts étant très limités (il ne lit pas, ne joue pas, n’a pas de console ou tablette, etc), il n’a absolument rien à faire pour occuper cette longue attente 

Rester coincée un peu plus longtemps que prévu aux USA me convient – je suis d’ailleurs à deux doigts de dire « Allez tous vous faire foutre, je prends un avion pour Miami et je rejoins Miguel ».
Je ne le fais pas.
Mais si j’avais été seule…

Et puis finalement, vers minuit, la chance nous sourit, et on peut embarquer avec un autre avion.
Le retour est cauchemardesque par bien des aspects :
Nous quittons donc les USA, nous nous éloignons de Miguel
- Toute la nuit, l’avion est secoué de toutes parts par des perturbations.
Je passe donc quasiment la nuit à pleurer, de tristesse et de trouille.
J’ai mes règles depuis quelques heures. Bonne nouvelle : je ne suis pas enceinte de Miguel. Mauvaise nouvelle : … J’ai mes règles à plusieurs milliers de pieds de la civilisation. Je bidouille une protection dans les toilettes de l’avion, je mets ma cup sans la stériliser, et je me nettoie tant bien que mal… Bref, une succession de mauvaises idées, puisque deux jours plus tard, je devrais foncer chez un médecin à cause d’une monstrueuse mycose, qui mettra quasi trois semaines à guérir, avant de se transformer en cystite. A.k.a le combo gagnant.

Lorsque nous atterrissons à Paris, le lendemain, je n’ai pas dormi depuis des heures (une vingtaine ? Plus ?), je prends de plein fouet le décalage horaire, je me sens sale, je suis de mauvaise humeur, j’ai mal au ventre, je commence à avoir des démangeaisons intimes, et je suis triste.
Mais notre périple n’est pas fini !
Parce qu’il y a *aussi* les grèves de train, plus le fait que, notre avion n’ayant pas décollé, nous avons loupé le train que nous devions initialement prendre.
Le comptoir sncf nous renvoie vers le comptoir Air France.
Le comptoir Air France nous renvoie vers le comptoir sncf : « on ne comprend pas pourquoi ils vous ont dit de venir vers nous ».
Je leur jette mon regard le plus fatigué et le plus menaçant : « Ecoutez… On est parti de la Nouvelle Orléans hier à 9h du matin. On a passé des heures à attendre dans l’aéroport d’Atlanta. Je n’ai pas dormi une seule minute. Aujourd’hui on est lundi, 14h en France, mais entre-temps il y a 7h de décalage horaire, alors je vous laisse faire le calcul. Je suis épuisée, j’en ai marre, et je me fiche de savoir qui a raison. Je veux juste rentrer chez moi et prendre une douche ».
La fille hésite : « Hum… Peut-être qu’on va aller nous-même voir pourquoi le comptoir sncf vous a renvoyé vers nous… »
« Très bonne idée, merci ».
On a fini par avoir un train 2h plus tard, et « Allez, on ne vous fait pas payer les 15€ pour le changement de billet ! »
Ahahah. Je ne comptais pas les payer, rassurez-vous.

Au final, ma mère est venue nous chercher à la gare. Mon binôme s’est mis à tchatcher boulot avec elle, et j’ai cru que ça ne finirait jamais. J’avais juste envie qu’il s’en aille, ça faisait beaucoup trop longtemps qu’on était ensemble.
D’ailleurs pour la petite histoire, il a raconté à ses collègues (devant ma mère) que j’étais la nouvelle Arlette Laguiller, que j’étais écolo, que c’était n’importe quoi parce que tout le monde sait que l'écologie ne sert à rien, et que ce n’était pas étonnant que je sois célibataire en étant végétarienne et féministe.

Autant dire que nous ne repartirons plus jamais en voyage ensemble.

Concernant Miguel, et contrairement à mes craintes, mon retour à la « vraie vie » n’a pas marqué la fin de notre correspondance.
Si ses vacances ont été plus longues que les miennes, son retour à sa vraie vie au Brésil n’a pas non plus marqué la fin de notre correspondance.
Bref, c’est une histoire belle et folle. Belle comme une nuit magique à NOLA, et folle comme mon cœur qui accélère lorsque j’y repense.

Une histoire à suivre.

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