mardi 4 juin 2019

Soirée Jazz Klezmer

Ça faisait longtemps que je n'avais pas filé à une soirée après 10h de travail - Ah, tiens, depuis que j'ai quitté l'Asso, en fait... 


Bon, sans compter vendredi dernier, où j'ai quitté le taf à 19h pour filer à la boxe, m’entraîner et souhaiter son anniv' à Laëtitia, picoler un peu, taper 70 bornes pour retrouver mes amis dans notre bar gay favori et danser jusqu'à 3h du mat' en sniffant du Poppers.... Avant de retourner au boulot à 9h, comme une Cendrillon à l'anus dilaté.

Comme quoi, c'est possible.

Bref, outre cette exception notable (et qui m’avait fait un bien fou - je ne parle pas que du Poppers), je me suis retrouvée ce samedi à travailler de 9h à 20h30, de façon plutôt intensive, en terminant par de la manutention puisque le mec de Copine#1, artiste musicien de son état, jouait, et il fallait remballer régie, chaises, etc...


Je suis sortie du boulot complètement claquée à 20h30, et j'ai foncé dans une salle de spectacle très confidentielle et "bobo-chic" pour voir le concert d'un ami du mec de Copine#1, qui jouait de la musique klezmer.

J'avais croisé le type en question deux fois. Il est au mec de Copine#1 ce qu'elle est pour moi, c'est-à-dire qu'ils ont une relation très fusionnelle, dont elle est parfois un peu jalouse. Surtout lorsqu'ils commencent à se faire des bisous en public (la première fois, j'ai été surprise moi aussi). 
Nous avions été faire une dégustation de vin tous les 4, et le mec de Copine#1, passablement aviné, avait très lourdement tenté de nous caser ensemble (j'ai demandé après coup à Copine#1 pourquoi les hommes de sa vie étaient donc à ce point obsédé par l'idée de me caser avec leur meilleur-pote-for-ever). J'ai vachement bien fait semblant de ne pas comprendre les allusions du mec-de-Copine#1, et j'ai discuté avec (appelons-le) Isaac, qui m'a appris qu'il était également musicien, et qu'il jouerait dans deux semaines une formation klezmer.


.... 



Bon, j'avoue qu'il a aussi dit « Je jouerais avec Le-petit-percussionniste-mignon-et-rigolo », dont j'ai peut-être déjà parlé vite fait quelque part (mais je ne sais plus où), et sur qui j'ai un crush depuis.... depuis... ça doit bien faire 3 ans. Mais en cours de route ledit percussionniste a flirté avec Copine#1 (parce que lorsqu’elle est là, elle éclipse toutes les autres filles, et surtout moi, Madame Négligée-normalité) - ça a d'ailleurs été un moment très pénible pour moi, et je lui en ai voulu pendant un temps, j'ai même un article en brouillon sur la jalousie (teinté de culpabilité) qu'on peut ressentir face à une amie proche, et que je n'ai jamais publié.



Bref.



Je digresse terriblement dans cet article, c'est effarant on dirait une lettre envoyée à mon ostéopathe.



Il n'y a plus aucun flirt entre Copine#1 et le Percussionniste (notamment parce que le mec de Copine#1 a dit « On est en couple libre, ok, mais j'appose mon droit de véto sur ce mec »). Et depuis, j'essaie désespérément de le pécho.



Je me suis donc soudain découvert une passion pour la musique juive, et j'ai décidé d'aller au concert de musique klezmer en sortant du taf.

Ça commençait à 20h, il était 20h30, et mentalement, j'ai chaussé mes escarpins et j'ai couru jusque là bas - physiquement, je suis resté en baskets et j'y suis allé en bagnole. 
Pour être honnête, après la journée que j'avais passé, je baignais dans mon jus. et j'étais à jeun. 

Le concert avait déjà commencé, et j'ai trouvé à me coincer dans un coin.J'aurais tout donné pour une place assise, mais il y en avait plus- j'ai trouvé un mur contre lequel m'affaler, ce qui n'était pas si mal. Le-Petit-Percussionniste-Rigolo était en costard, Isaac jouait du violon - je l'ignorais - et même qu'il en jouait vachement bien - ça alors ! Dès le début, j'ai ressentie beaucoup de familiarité avec cette musique, que l'on connait sans connaitre. Et puis il y a un côté très nostalgique qui fait beaucoup de bien, qui touche et qui bouleverse.
J'ai pris un verre de vin, histoire d'avoir quelque chose en main, et dès la première musique, j'ai su que j'allais kiffer le concert - et pas seulement parce que je connaissais la moitié des mecs sur scène et que j’espérais vaguement ne pas rentrer seule.

La première partie est passé beaucoup trop vite. A l'entracte, le petit percussionniste s'est matérialisé devant moi sans que je l'ai vu arriver "Mademoiselle B. ! Quelle surprise ! J'ignorais que tu venais !". On a papoté un petit moment. Evidemment, les musiciens connaissent tout le monde, et est arrivé un monsieur d'un certain âge, et ils se sont mis à parler de leurs anciens tafs ensemble.
"Vous connaissez le groupe truc ?" me demande le vieux.
"Non"
Ils continuent de discuter du groupe truc, puis ils dévient sur le cirque machin, avec lequel ils ont bossés et ça n'avait pas l'air terrible
"Vous connaissez le cirque machin ?" me demande le vieux
"Non", je répond à nouveau, mal à l'aise.
"Mais enfin mademoiselle, vous ne connaissez rien !" rétorque le vieux.
Ça me fiche en rogne, notamment parce que je me sentais déjà complètement ignare, merci beaucoup. Je lâche, avec tout le sarcasme dont je suis capable "Merci, c'est extrêmement délicat de votre part de me dire ça".
Le vieux réalise soudain qu'il s'est comporté comme un connard, et tente de se raccrocher au branche "Non mais c'était pour rire... Et puis d'ailleurs tu es jeune, tu pourrais être ma fille, d'ailleurs je me permet de te tutoyer. Tu as quoi, une vingtaine d'années ?"
Je le regarde, avec un sourire en coin. Le percussionniste n'est pas hyper à l'aise non plus, et tente un petit "Tu as forcément moins de trente ans... Non ?"
Je hausse un sourcil, et lâche froidement "j'en aurais 32 dans un mois"
"Tu ne les fais pas", tente le percussionniste
"Comme quoi, il ne peut pas y avoir que des mauvaises nouvelles !"


Arrive un type, dans le genre géant, avec un long bouc blanc. Je crois qu'on y voit tous une diversion bienvenue. On me présente : "C'est Monsieur V., journaliste et écrivain".

"Oh, mais je suis invité à votre travail en juin, il me semble !"
Et là je réalise que : ma proposition d'inviter ce type au taf dans le cadre d'une animation a été accepté (mais je n'avais pas été prévenu), et donc que ça se fera effectivement (et je ne le savais pas non plus). Tout ça à l'entracte d'un concert klezmer où je suis venu pour essayer de me taper un percussionniste (ouh, jeu de mot !), et où je suis bourrée à cause d'un verre de vin rouge que j'ai siroté pour me donner une contenance alors que j'ai le ventre vide. Je souris, mais j'ai un vilain fou rire nerveux qui monte irrésistiblement. Le journaliste-écrivain ultra connu est super bienveillant, et je me sens toute petite face à ce monstre sacré. Hâte de bosser avec lui (en étant sobre et pro)


La deuxième partie du concert commence, et je n'ai même pas eu le temps de saluer Isaac. J'envoie un message à Copine#1 pour lui raconter ma déconvenue, et pour lui dire que le concert est génial, même s'il y a de l'accordéon (il est de notoriété publique que je considère l'accordéon comme une création du diable en personne, à l'instar du clavecin). Elle me répond "T'es bourrée !"

Je m'indigne : "Oui, mais là n'est pas la question !"


J'ai trouvé un endroit où m'asseoir, et j'écoute la deuxième partie les yeux mi-clos, à savourer la musique. Moi qui suis en ce moment à chercher à comprendre qui je suis, j'ajoute à mes listes de ce qui peut me définir en tant que personne : "La musique klezmer m'émeut".



Le concert fini à 23h, mais c'est bien trop tôt, bien trop vite.



Arrive le moment qui me fait paniquer : je reste un peu ? Mais je parle avec qui ? Je reste à faire potiche dans un coin ? Je vais au moins saluer Isaac, tout de même, non ?

Sauf qu'il est alpagué de toute part, que le percussionniste a disparu lui aussi et que je ne connais personne.


Je décide par commencer par chercher les toilettes, et ça m'occupe dix bonnes minutes : Non seulement ils sont cachés, mais en plus le panneau sur la porte est en arabe. Je grince entre mes dents, en fermant la porte de wawas miuscules et blindés d'affiches en tout genre "C'est bien des chiottes de bobo-bios-gauchistes, bordel de merde".


Plus tard, Isaac m'aperçoit, et il se rue sur moi : "Toi ici ??! Ça me fait super plaisir !"
Ses yeux brillent, il est hyper heureux de me voir... Et là je réalise que le mec-de-copine #1, qui était certes lourd et pas très fin, n’agissait pas spontanément ; Copine#1 confirme : "Mais oui, Isaac est à fond sur toi !'
"M'enfin pourquoi ? Qu'est-ce qu'il me trouve ? Les seules fois où je lui ai parlé, j'ai été une connasse froide et cassante, et je ne lui ai même pas dit au revoir ! Je lui parle comme à une merde !"
"Bah, faut croire que les hommes aimes ça !"
On discute un peu, et le percussionniste apparaît également.


Lorsque je décide de partir, il est 23h30. Ma journée a été beaucoup trop longue, et je commence à le sentir. Je meurs de faim, mais je sais d'avance que je me coucherais directement en rentrant.

Je vais dire au revoir à Isaac, qui me retient encore quelques minutes. Il est presque collé à moi, ses yeux brillent, il sourit sans arrêt,  et il me regarde... Mon dieu, il me regarde comme s'il allait me bouffer. Mais pas de façon malsaine, c'est pas un regard qui salit. C'est un regard de braise, c'est un regard qui dit "Je te veux". Je crois que jamais personne ne m'a regardé comme ça. Et je ne sais pas comment c'est possible, surtout quand je vois comme sa meuf est mille fois mieux que moi, mais j'adore. Je crois que je céderais très volontiers à la tentation, pour un homme qui me regarde avec ses yeux là.
Un peu troublée, je vais ensuite saluer le percussionniste. Je lance un hameçon, je lui dit que s'il repasse dans le coin, qu'il me dise, qu'on ira boire un verre ou se faire un resto. Ça me parait suffisamment clair, et j’estime que j'ai fait ma part.


En sortant, je manque m'emplaffer le bassiste, et je trébuche sur un banc (doux euphémisme pour dire que je me fracasse un genou). Il me regarde avec beaucoup d'intensité lui aussi, et je me demande si c'est ma petite robe en coton couleur d'orage qui fait ça, ou si je suis en pleine période d'ovulation.



Je repars -seule-, et le regard d'Isaac me hante.

Je repense à sa meuf - à leurs meufs à tous les deux - qui étaient là aussi ce soir, et devant qui ils flirtent outrageusement.
Et puis il se passe un truc. D'habitude, c'est le moment où je dis, mortifiée "ok, niet, ils ont quelqu'un, moi je fais pas ça". Et là je me dis merde, j'en ai plein le cul de culpabiliser à la place des autres. Pourquoi c'est moi, qui me sens coupable ?! Pourquoi c'est moi, qui veut être garante de la bonne conduite des autres ? Personnellement, je ne trahis personne, je vis librement. Les choix que font les autres, c'est leurs choix. Ce n'est pas ma faute, ça ne me regarde pas, ça ne me concerne pas. Je culpabilise pour tellement de trucs déjà, et si je laissais ce qui ne me concerne pas loin de ma charge mentale ??


J'ai l'impression qu'un gros truc a bougé en moi. Les fondements même de ma personne, cette capacité à vouloir tout prendre sur mon dos.



Le lendemain, je me sens hyper bien. J'ai peu dormi, hanté par les yeux verts et brillant d'Isaac , à me demander comment il fait l'amour, et aussi, tiens, s'il est circoncis. Pourtant je suis super en forme et je fais plein de choses, je prend plaisir à ranger chez moi, à bricoler, à nettoyer. Ça faisait si longtemps !

.... Et soudain, j'y crois : là, sur mon canapé, le soleil donnant dans le salon, l'air chaud du printemps qui entre et qui disperse l'odeur de ma lessive en train de sécher, je me dis "Je crois que j'ai retrouvé mon chemin, et que je quitte le noir. Je crois que je suis en train d'aller vraiment mieux". J'ai la peur terrible de me tromper, la peur d'être face à une illusion, la peur de retomber à nouveau... Mais je ne crois pas que je me trompe. Je ne le crois pas.

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