Mardi, j'ai revu Hector.
Il m’a invité à
manger chez lui. On avait envisagé ça assez vite après le premier rencard – et
puis il y a eu mes vacances, donc ça a repoussé.
J’avoue que j’étais
flippée à l’idée d’y aller. Je n’étais pas sûre d’avoir envie. On avait convenu
que j’y allais en sortant de la salle de sport. Ma prof était en arrêt maladie
– Veronikédavina, sa future ex-femme. A sa place, un
grand barbu un peu hipster, qui parle anglais comme ma grand-mère. J’étais soulagée
de ne pas la voir – et j’ai trouvé ça bête, je culpabilisais.
Le-mec-de-la-salle-de-sport
n’était pas là non plus. J’étais soulagée aussi - et en même temps un peu frustrée.
Je me dis qu’il
faudrait que je change de salle. Ça devient de plus en plus pénible et de plus
en plus compliqué.
Mon GPS m’a fait
emprunter la même direction que pour aller chez le mec-de-la-salle-de-sport, ce
qui m’a fait furieusement grincer des dents. J’ai roulé tellement doucement,
pour retarder le moment d’arriver, que les 18 min que m’indiquait mon GPS sont
devenues 45 min. J’y allais vraiment à reculons.
Il neige à gros
flocons. Je traverse la forêt, et de grandes prairies immaculées. Je regrette
qu’il ne fasse pas jour : le paysage serait à couper le souffle. En
attendant, j’ai une impression de conte de fées : la neige dans le halo de
mes phares, sous un ciel mauve foncé, pendant que des chevreuils gambadent sur le
bas-côté.
Bon sang, ce mec
habite vraiment nulle part. En cas d’invasion nazis/zombies/extraterrestres,
personne ne viendra jusque là.
Quand j’arrive, il
me fait entrer dans son garage, pour que je n’ai pas à gratter la voiture en
repartant.
Sa maison est
gigantesque. Et très vide. Ma voix résonne et se répercute contre les murs. Je
suis surprise, et je baisse d’un ton ; je chuchote presque.
Les murs sont gris,
rouges, violets. Les lumières sont design. Il y a des tableaux, des stickers
avec des fleurs. Dans l’ensemble, je trouve ça décoré avec goût. Je me dis qu’une
main féminine est passée par là. Est-ce que c’est elle ?
Sur le mur de la
cuisine, des photos : la naissance de neveux ou nièces. Des photos où il
pose avec elle et un bébé.
Malaise.
Mon regard est
continuellement attiré par cette photo. C’est terrible, je la connais, et je suis en train d’entrer dans son intimité sans y être invitée.
Je me demande ce
qu’il se serait passé si la conversation n’était pas tombée là-dessus lors de
notre premier rencard. Si jamais j’étais arrivée ici sans savoir, et que j’étais
tombée sur cette photo, comment j’aurais réagis ? Le choc ! Là au
moins j’ai pu me faire à l’idée – et j’ai déjà du mal.
Au final j’apprends
qu’il a acheté la maison seul. Fait les travaux seul. Fait la déco seul.
Elle s’est
installée avec lui quand ils se sont mariés. Une petite histoire : 4 ans,
et 2 ans de mariage. C’est quoi dans une vie ? Elle a voulu racheter une
partie de la maison, et puis maintenant ils divorcent, fin de
l’histoire, il reprend tout à son nom.
J’ai l’impression
qu’elle n’a finalement fait que passer.
Je trouve ça
triste. Alors qu’elle est super drôle, jolie, avenante… J’aurais voulu qu’elle
s’épanouisse dans sa vie amoureuse. Un mariage qui dure 2 ans, c’est dur à
avaler. Mon histoire avec mon ex a duré 4 ans aussi - mais Dieu merci, on ne s’est
pas marié.
Hector me sert du
vin. Un très bon blanc moelleux.
Il cuisine. Il me
fait un plat végétarien, fait des pates maison, un velouté de légumes. Il s’est
donné du mal. Je le regarde, et je repense au mec-de-la-salle-de-sport, qui
s’était déchiré aussi pour moi, la première fois : des lasagnes de légumes
à tomber. Et je le regardais, perchée sur un tabouret de bar, comme ce soir
chez Hector.
Sauf qu’Hector ne
me fait pas du tout le même effet. C’est un mec posé, extrêmement intelligent,
sympa. Je l’apprécie. Mais pas du tout comme le-mec-de-la-salle-de-sport. Pas
le même coup au cœur, pas ce petit vertige en le regardant. Hector, c’est le
genre de mec entier que tu choisis pour stabiliser ta vie, sans
surprises : un roc. Un mec qui, arrivé à 36 ans, est plutôt là pour se
poser. Je me demande sincèrement si un jour ou l’autre dans une vie, il faut
faire ce choix : opter pour la stabilité, de l’affection simple, sans
passion, faire le deuil du désir d’être fou amoureux – ou continuer à attendre
et espérer trouver les deux : passion et couple.
Finalement, Hector
me fait penser à mon ex – physiquement, il y a d’ailleurs un petit air de ressemblance,
qui est encore plus flagrant sur les photos : Mon ex, je l’aimais d’un
amour tranquille, apaisé. Une affection sincère, un attachement, mais pas des
sentiments étourdissants, pas un amour qui te gonfle la poitrine au point que
tu te demandes si elle ne va pas éclater – l’absence de sexe dans notre
relation y était peut-être pour quelque chose. Je pense que jamais je ne serais
transcendé par Hector. Mais est-ce que je ne devrais pas chercher finalement un
truc simple comme ça ? Et m’épargner de souffrir à cause d’un trop
plein d’émotions ? Pourtant j’adore ce que je ressens pour
le-mec-de-la-salle-de-sport. Si seulement il pouvait y avoir réciprocité - avec lui, ou quelqu'un d'autre !
Néanmoins, son
physique me plait. Toujours pas comme le-mec-de-la-salle-de-sport. Mais au fur
et à mesure que le vin me monte à la tête, je le mate franchement. Je suis même
un peu excitée.
Et il fait des
allusions. Je n’arrive pas bien à saisir où s’arrête la plaisanterie, d’autant
plus qu’outre ses blagues, il n’a aucune attitude ambigüe, il ne tente rien.
Lorsqu’il me montre sa salle de bain – et sa baignoire XL idéale à deux, il me
propose de prendre un bain avec lui. Je ne sais pas trop quoi penser. Je suis
tentée, évidement – déjà parce que je surkiffe les bains, et puis parce que
j’ai peut-être envie que la soirée dérape.
Mais bon, j’ai mes
règles, et c’est toujours woodstock au niveau de mes poils. Je dis donc
spontanément « Ah ben là j'peux pas. Mais dans quelques jours pourquoi
pas ». Avant de réaliser que, bon, c’est un peu tendancieux ce que je dis.
Il fait d’autres
remarques « Quoi ? Tu repars ?? Mais qui va me tenir chaud ce
soir ? »
Vu qu’il ne tente
rien, qu’on ne s’effleure même pas, je me demande bien à quel point il
plaisante. Je ne sais pas quoi penser – et je ne sais pas trop quoi dire. Mais
ce qui est sûre, c’est que je ne serais vraiment pas contre.
J’aime quand même
assez cette tension. Et puis je sais que tant je n’aurais pas cédée, je peux en
profiter : il continuera à m’écrire, à m’inviter, à me faire à manger des
plats végétariens ou même des pièces montées si je lui demande. C’est le moment
béni où tu maitrise tout, où tu tiens le mec dans le creux de ta
main.
Mais bon, je ne
suis pas une dresseuse de fauve. Et j’ai une résistance très limitée à la
tentation. Et puis quitte à ce qu’il coupe les ponts une fois qu’on aura couché
ensemble, autant que je ne m’attache pas trop à lui.
Je suis repartie à
2h du matin. Le réveil a été dur. Il m’a envoyé un message dans la
matinée : pour lui aussi, le réveil a été laborieux. J’ai dit que la
prochaine fois, je partirai plus tôt.
Il a répondu qu’il
y avait d’autres alternatives.
Depuis, on se
cherche par textos. On hésite à aborder le sujet de front, mais on tourne
autour. Moi je ne peux définitivement plus continuer à jouer à l’ingénue, je ne
peux plus faire semblant, c’est plus crédible – et ça devient ridicule. J’ai
fini par lui dire qu’il lance des remarques, mais qu’il ne les assume pas. Et
puis j’ai dit qu’on pourrait se voir jeudi. « Dans le bain »
demande-t-il ? Il propose que je vienne, qu’il me fasse couler un bain,
que je le prenne pendant qu’il me fait un plat végétarien à la cuisine, à côté.
Je trouve ça bizarre. 3e rendez-vous, je prends un bain chez lui, en
tout bien tout honneur ? Je sais qu’il n’y a pas de normes, mais là c’est
quand même déplacé.
Je ne sais pas quoi
en penser.
Il me dit que,
puisque j’attends des initiatives de sa part, pas le choix : je viens chez
lui. Point.
A voir où ça nous
mènera, tout ça.
Dans son lit ?
Dans son bain ?
Sur le magnifique billard qu'il y a dans son salon ?
A suivre.
Dans son lit ?
Dans son bain ?
Sur le magnifique billard qu'il y a dans son salon ?
A suivre.
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