vendredi 6 janvier 2017

Voyage en Afrique, partie 2/3 : Trois jours de galères

Première partie : Voyage en Afrique, partie 1/3 : Le cas de Mister Perfect


Le premier jour, on arrivait à 3h du matin et j’avais réservé une auberge. Mais c’était notre seul plan établi : Mister Perfect voulait l’aventure, et ne voulait rien prévoir à l’avance. Ce qui était pour moi une très grosse source de stress : je suis du genre psychorigide du voyage, j’aime bien que les choses soient calées. En plus ça permet de gérer le budget (là, autant le dire tout de suite, avec ce voyage, je ne sais absolument pas comment je vais gérer mon mois de janvier, j’ai plus une thune).
Bref, on arrive, je lui dis « Ca serait bien qu’on fasse du change maintenant. Genre à ce bureau là bas, où une Madame semble s’ennuyer à mourir ».
Et lui : « Non, ya personne qui y va, c’est louche ».
« Mais va falloir qu’on paye un taxi, on va faire comment ? »
« Ils prendront les euros ».
Et donc on va pour prendre un taxi. Quatre taximens nous tombent dessus, essayant de nous prendre nos bagages de force, et nous demandant 20€ pour la course. On réalisera quelque jours plus tard que la course, c’est 1000Fcfa, soit environ 1,50€.

Le pire dans tout ça, c’est que le mec qui fini par nous embarquer n’a aucune idée d’où se trouve notre auberge. Donc il roule. Et il demande à des gens. Qui nous envoient un coup dans un sens, un coup dans l’autre. L’auberge était censé être à 5 min de l’aéroport ; ça nous prend une demi heure.
Quand on arrive enfin, on découvre une chambre superbe, on prend une douche, et on se couche.
On se lève vers 9h, on prend un petit dèj, et on essaie de voir si on peut rester une nuit de plus. C’est impossible car l’auberge est complète, alors on réserve un autre hôtel grâce au wifi, et on part. On n’a toujours pas de Francs CFA, puisque le seul bureau de change que l’on trouve est fermé. On prend un taxi, on lui indique l’adresse du nouvel hôtel. A quelques kilomètres à peine de celui-ci.
2h30.
On a passé 2h30 dans ce putain de taxi.
Qui n’a jamais trouvé l’hôtel.
Et en cours de route, on s’est aperçu que l’auberge que l’on vient de quitter nous a fait payer 36 000 Fcfa la chambre au lieu de 20 000. Mister Perfect me dit « faut que tu sois plus attentive toi aussi ». Ca me vexe.
On finit par abandonner. On retourne à notre point de départ, désemparés. Et puis tant qu’on y est, on réclame pour la chambre. On échange enfin des euros en Fcfa. Le mec, un expat, prend les choses en main, et appel des amis. Il faut avouer que, si Mister Perfect est une personne sociable au point d’être faux cul, sa jovialité fait des miracles. Le type de l’auberge nous fait un programme sur 3 jours, et réserve pour nous les hébergements. Et nous appel un taxi de confiance. J’achète également une carte sim africaine.

On commence à descendre vers le sud, jusqu’à Sodo Bade, un village d’artiste très pittoresque, en bord de mer. J’aime beaucoup, quoique je le trouve très européen. Le prix de la chambre est celui qu’on nous a indiqué, par contre rien n’est compris : ni repas, ni petit dej’. Et le resto pratique des prix très européens lui aussi. Je grince des dents. Il y a l’électricité (mais très modérément), et un fin filet d’eau froide coule dans la douche.
Là, Mister Perfect est sous le charme, et commence à dire « ça me fait penser à mon ex. Elle adorerait cet endroit ». C’est aussi là qu’il me sort qu’il aimerait être ici avec quelqu’un d’autre, quelqu'un dont il serait amoureux. Et ensuite il s’éclipse 1h pour profiter du wifi pour écrire à sa copine actuelle – et son ex, pour lui dire qu’il pense à elle. Moi je pars dans la chambre – une très jolie chambre, intime, où il doit être idyllique de faire l’amour. Je suis triste, et fatiguée. Je me demande à quoi ça ressemblerait, si j’étais là avec le mec-de-la-salle-de-sport, si nous étions ensembles, si nous étions en couple. J’écris dans mon carnet, au son de chants africains qui résonnent quelque part dans le village.
Le lendemain, on repart vers le sud. Impossible d’arriver à négocier avec le taxi, on se retrouve donc à payer une somme qu’on n’avait pas du tout prévue. On descend vers Somone, où on s’arrête quelques heures pour se baigner et manger.
Les locaux nous abordent continuellement pour essayer de nous vendre des trucs (ça va du parfum à la statuette artisanale, en passant par la tapette à mouches) ou pour nous demander ouvertement de l’argent. C’est infernal, personnellement je me sens agressé, d’autant plus que les gens ne sont pas toujours très polis.
On repart en fin d’après midi, toujours vers le sud. On a vaguement réussi à négocier le trajet en taxi, mais le chauffeur n’est pas satisfait et fait la gueule. Ambiance ambiance. Les routes sont dans un état lamentable (les taxis aussi), et les trajets sont pénibles et suffocants. Ca sent l’huile, l’essence, l’air est saturé de ce sable rouge africain qui colle à la peau, et parfois il y a une forte odeur de pourri, parce que certaines villes sont des décharges ambulantes – je pense notamment à Joal, qui donne l’impression d’avoir été construit sur une déchetterie.  
On arrive à Palmarin, dans un campement en bord de mer complètement paumé. Où on nous apprend que le 16 000 Fcf de la chambre, c’est en fait 16 000 par personne. Je craque. Il n’y a pas d’électricité dans les bungalows, et pas d’eau courante. Et notre budget est multiplié par deux. J’essaie de négocier avec le mec, mais il me dit « où est ton mari ? Je veux parler à ton mari ».
Je vais voir Mister Perfect, qui est partie « se laver » à l’aide de bidons d’eau et mettre sa foutue Nivea sur sa gueule d’ange. Je lui explique le topo, il m’envoie chier « Démmerde toi, on est pas ensemble ».
Envie de meurtres.
Il fini par sortir, péter un plomb au mec, il veut annuler la nuit suivante, il crise. Quelques heures plus tard, il y retournera la bouche en cœur pour dire « En fait on va rester 2 nuits ».
J’ai honte de lui.
Le soir, on partage notre table avec deux sœurs, dont on ne voit pas le visage car il n’y a pas d’électricité, et l’on mange autour d’une veilleuse qui peine à éclairer nos assiettes. Mister Perfect est odieux avec moi – il a un public, donc il se lâche. Surtout que l’une des deux filles est assez extravertie – et ça, il aime bien. Je suis très en colère.
On va ensuite voir de la lutte sénégalaise, des championnats qui ont lieu pas très loin. On se cogne le prix du taxi pour tout le monde, le prix d’entrée dans l’arène (qui est majorée, va savoir pourquoi), pour un truc qui devait durer jusqu’à 22h30, et qui finalement s’arrête 15 min après notre arrivée. J’étais déjà énervée à cause de l’argent – Et encore plus parce que Mister Perfect ne semblait pas s’émouvoir qu’on se soit fait dépouiller de près de 10 000 Fcfa en moins d’1h. Il m’a envoyé chié lorsque je me suis indignée « Si tu as un problème, vois avec les mecs en question ». J’ai arrêté de lui parler, j’avais envie de le frapper. Il a voulu insister « Non mais si tu as un problème avec ça… ». « Stop. J’arrête de discuter avec toi ».
Lorsque le championnat s’est arrêté au bout de 15 min, j’ai cru devenir folle. La belle enculade que voilà !
De retour à l’hôtel, on calcule nos dépenses ; on en est déjà à plus de 400€. Mister Perfect me reproche que c’est plus que ce qu’il imaginait. Bon sang ce que je le hais à ce moment là.
Heureusement que j’ai mon carnet pour me défouler par écrit.

Excédée, j’envoie un message d’au secours au neveu de Monsieur Sophrologie – il m’a donné ses coordonnées en cas de besoin.
Le neveu habite Mbour, entre Dakar et notre position actuelle. Mister Perfect râle, l’un des taxis à dit qu’il n’y a rien à faire à Mbour, il n’a pas envie d’y aller. Moi j’en suis à me dire que j’ai juste envie de rentrer en France et que tout ça me gonfle sérieusement.
Au bout d’un moment, je m’énerve : « Bon écoute, tu veux faire quoi ? Retourner à Dakar ? Et aller où ? On n’a pas de wifi. On a aucun logement. On ne sait pas où aller. Ca va nous couter une blinde, pour peut-être tomber dans le premier bouiboui tout pourri du coin. On est coincé. Alors autant s’arrêter chez Neveu, faire une pause et être avec des gens qui ne sont pas là pour nous arnaquer, pour une fois ».
Il cède.
De toute façon, je crois que sinon je partais sans lui.


Le lendemain, il était prévu qu’on fasse une sortie kayak dans les mangroves. Ca ne devait être que Mister Perfect et moi (et le guide), finalement il y a eu les deux sœurs en plus, et un couple de belges. Ce qui m’arrangeait bien, parce que, malgré le soulagement de partir ensuite à Mbour et voir la situation s’arranger, j’avais quand même toujours envie de mettre des coups de pagaie à Mister Perfect. Qui a surement dû le sentir, puisqu’après 1 ou 2h de randonnée en kayak, quand on s’est tous installés sur une petite ile pour pique niquer, il m’a proposé d’aller se balader. Petite marche bien sympa, où on a discuté, et où j’ai eu l’impression de retrouver mon ami (en dessous de la croute Paris Hilton).
Bon, ensuite on a croisé les deux sœurs et là il n’a pas pu s’empêcher de fanfaronner « Chiche que je me mets dans les sables mouvants jusqu’aux genoux ». Moi je regardais le petit couple de belges, discret, timides, juste là, l’un à côté de l’autre, dans leur monde, et je me disais « Moi c’est ça que j’aime. Mister Perfect veut connaître, et surtout se faire connaître, il est extraverti, et pour lui c’est comme ça que le monde doit tourner… Mais moi la seule chose à laquelle j’aspire, c’est ça : avoir mon petit monde avec la personne que j’aime. Rester dans notre coin. Construire nos souvenirs à deux ». Plutôt que de faire le malin à s’enfoncer dans des sables mouvants, ou chercher à aller plus vite que tout le monde en kayak.
On a mangé, et on a passé un super moment tous les 7. En fin d’aprem, on a repris les kayaks, et on est retourné à notre point de départ. On devait reprendre un taxi vers le campement
Au campement, Mister Perfect est resté environ 1h30 dans la salle de bain. Je ne sais pas ce qu’il a foutu, mais il a dû nous faire la totale. On avait un fin filet d’eau froide pour se « doucher », ce qui était déjà mieux que la veille (même si moi, l’eau froide, j’y arrive pas). L’électricité était toujours capricieuse, et on n’avait aucune prise pour charger les portables.
Moi j’ai écrit, assise sur la plage au crépuscule. Petit moment en solitaire où j'ai pu souffler.

J’ai eu Neveu au téléphone, et on s’est mis d’accord pour le lendemain. Soulagement. J’avais l’impression que les choses allaient enfin se stabiliser. Même si j’ai commencé à m’inquiéter lorsqu’il a dit « Je vais vous faire loger chez un ami qui vient d’Allemagne, ça ne vous coutera pas très cher. On en reparle demain ». Règle numéro 1 en Afrique : ne jamais faire quelque chose AVANT d’avoir négocié, sous peine de se retrouver au pied du mur.
J’ai commencé à m’inquiéter.
Alors qu’en fait, le voyage commençait seulement maintenant.

(A suivre. Voyage en Afrique, partie 3/3 : Le sens de la vie)

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