Ou « Les hommes veulent faire l’amour, les femmes ont la migraine… Sauf quand c’est l’inverse »
J’ai toujours pensé, alimentée par une société qui nous vend des stéréotypes, que les hommes étaient des obsédés. Ou, dans le moins pire des cas, qu’ils avaient tout le temps envie. Je n’ai jamais trop remis en question cette image, que j’avais intégrée sans y penser.
Mais quid des hommes sans libido ?!
Mon ex n’avait jamais envie. Au tout début de notre relation, quand les gens normaux font l’amour plusieurs fois par jour, nous le faisions une fois par semaine.
Au bout de trois ans, on en était à une fois par trimestre.
Je lui trouvais toutes les excuses du monde : il est fatiguée à cause du boulot (puis) c’est parce qu’il déprime parce qu’il est au chômage (puis) c’est parce qu’il a un léger surpoids (ou) c’est parce que c’est l’automne, il est fatigué (ou encore) il fait trop chaud, c’est l’été.
J’avais plein d’excuses comme ça, qui n’étaient finalement que des espoirs insensés. Parce que j’attendais que ça change. Pendant quatre ans, j’ai attendu que ça change.
[SPOILER : Ca n’a pas changé]
Le fait est qu’il n’aimait juste pas ça. Tout comme on peut aimer la pomme mais pas le chocolat. Ou qu’on peut détester la randonnée, ou… bref. Vous avez saisi le principe.
Mais la vérité, c’est qu’un homme qui n’a pas envie de faire l’amour, c’est tabou : on en parle nulle part. Ya aucun roman qui traite de ça de façon décomplexé. Et dans notre société, un mec qui ne pense pas avec sa bite, c’est pas un mec. C’est contre-nature : les hommes ont toujours envie, et les femmes ont des migraines. C’est comme ça que c’est censé marcher. (Et les femmes qui aiment ça sont des salopes. Mais là c'est un autre débat)
Et j’étais la première à ne pas comprendre. D’une part parce que, pour moi, tous les mecs aiment ça. D’autre part parce que j’ai du mal à comprendre qu’on ne puisse pas aimer le sexe (moi j’adore ça, j’adore faire l’amour avec quelqu’un, les nuits d’extases, les heures passées à s’oublier dans les bras de l’autre. Je trouve ça magnifique)
[Le saviez vous ? Les personnes asexuées représentent 1% de la population. Et pourtant, on n'en parle pas]
[Le saviez vous ? Les personnes asexuées représentent 1% de la population. Et pourtant, on n'en parle pas]
Pour sa défense, je pense que lui aussi, vivait ça comme un truc qu’il ne comprenait pas trop – et qu’il ne le vivait pas forcément bien parce que j’attendais beaucoup plus de lui. Il me racontait des pseudos coup d’un soir qu’il avait eu en étant célibataire, il se vantait de pseudos performances que je n’ai jamais constatés, et il refusait complètement le dialogue sur son absence d’envies (et moi, face à son baratin, comment pouvais-je comprendre qu’on ne vivait pas la même chose alors qu’on s’aimait ?).
La seule chose que j’ai réussi à obtenir de lui, c’est que dans sa tête, le sexe était « sale ». La tendresse, c’est beau, le sexe, c’est sale. Si j’essayais de le chauffer : j’étais sûre de tout lui couper. Si j’essayais de le caresser : pour lui je salissais un moment de tendresse.
Le problème était donc qu’il avait beaucoup moins envie (et beaucoup moins souvent) que moi. Mais quand il avait envie, par contre ça devait être expédié vite fait. Un peu comme une corvée, une sorte de capitulation devant notre instinct animal, mais si-ça-pouvait-pas-trop-s’éterniser-ça-serait-bien.
(Inutile de dire que quand vous vous languissez depuis 2 mois qu’il se passe un truc sexuel entre vous, vous êtes plutôt agréablement surprise que ça arrive… Mais quand c’est expédié en 20 min, et que vous n’avez même pas encore commencé à en profiter que c’est déjà fini, la frustration est juste insoutenable)
Pour moi, ça a détruit notre vie de couple. Sexe et amour sont indissociables pour moi (ça implique également que je serais incapable d’avoir des relations sexuelles régulières avec un mec dont je ne suis pas amoureuse).
Et le problème, c’est que ça m’a bousillé moi aussi :
Au début je pensais que c’était le contexte. J’ai cherché des tas de raisons extérieurs. Je ne pouvais pas admettre que mon mec, celui qui, à priori, est amoureux de moi, ne me désire pas.
Mais au bout d’un moment, quand j’ai épuisé les raisons possibles, je me suis dit que le problème, c’était forcément moi.
Et là, vous glissez sur une pente très dangereuse.
J’ai donc de nouveau tenté de trouver le problème, de façon exhaustive : je lui demandais ce qu’il aimait, s’il y avait quelque chose qu’il voulait faire. J’ai tenté des milliers de trucs pour essayer de lui donner envie : lectures érotiques, à voix haute ou non, séduction, massages, allusions coquines,… et des tas de choses que j’ai oubliés. Puis je lui ai demandé si c’était quelque chose de physique : poids, épilation,…
Pour qu’à chaque fois, il me dise « mais arrête, tu es parfaite ! ».
Mais comment le croire ?!
[Autre problème récurrent dans notre couple : il accordait beaucoup d’importances aux paroles, plus qu’aux actes. Moi, c’est complètement l’inverse. Exemple : tu m’aimes ? Alors fais-moi l’amour avec passion. Point.]
J’ai fini par complexer. Me dire que c’était forcément moi le problème. Qu’il ne voulait pas me le dire (ou ne l’identifiait pas). Parce qu’un mec amoureux ne PEUT PAS ne pas désirer sa copine.
Je me sentais misérable, repoussante. Et j’étais affreusement frustrée.
Imaginez : l’homme que vous aimez, avec qui vous vivez, celui que vous désirez, lui et lui seul…. Il est là, il vous dit qu’il vous aime, mais vous ne couchez pas ensemble. Et si vous essayez de le caresser, il vous repousse – pas méchamment, mais fermement. Tout le temps.
Souvent, j’étais triste, je me sentais seule, frustrée.
D’autres fois, j’étais en colère, hargneuse.
Et une fois j’ai pété les plombs. Après m’être fait repousser pour la millième fois, je lui ai hurlé dessus. Je lui ai dit que j’étais malheureuse et frustrée, que j’avais l’impression d’être le mec du couple, l’obsédé qui a toujours envie, et que c’était insupportable.
Je ne dis pas que ma réaction était intelligente – d’ailleurs elle ne l’était pas : on le sait, être agressive ne mène à rien.
Mais ça a été pire que ce que je craignais :
Il s’est emporté lui aussi, et m’a reproché de toujours vouloir le chauffer. D’être toujours en demande. De salir notre relation. Et qu’en plus, quand on le faisait, je le guidais ; et il trouvait ça dégradant pour lui. Surtout qu’il sait bien, lui, comment faire jouir une femme – et que je ne suis pas différente d’une autre, alors inutile d’essayer de lui donner des leçons.
Cette dernière remarque m’a donné envie de vomir, et je l’ai haï.
A partir de cette engueulade monstrueuse, plus rien n’a été pareil. Les rares fois où il avait envie de sexe, mon corps se bloquait complètement : il ne pouvait plus me pénétrer. Ou, s’il tentait, je souffrais le martyr.
Donc à partir de là, notre vie sexuelle est devenu un néant. On était ensemble depuis presque 3 ans. Et moi j’arrêtais d’essayer d’aller vers lui, fatiguée de me faire rembarrer. Je me disais que de toute façon, vu que mon corps ne voulait plus, c’était même plus la peine d’essayer.
J’ai voulu voir une sexologue, en me disant, encore, que le problème venait de moi – mais là encore, je me suis dit « A quoi bon ? Si c’est pour que de toute façon on fasse l’amour une fois par trimestre ? Ça n’en vaut pas la peine ».
J’ai raté le rendez-vous (mon gps ne m’avait pas emmené au bon endroit), et finalement je n’en ai pas repris un. J’ai lâché l’affaire.
Ce qui est amusant, c’est qu’il a fini par me reprocher de « ne pas avoir fait l’effort d’y aller ». Il a même été jusqu’à dire que, si ça se trouve, j’avais fait exprès de louper le rdv.
Pourtant avec le recul, j’ai réalisé que, évidemment, mon problème venait du fait que je ne lui avais jamais pardonné ce qu’il avait dit. Que ça avait été trop loin pour moi : ne pas me désirer était déjà dur à admettre, mais dénigrer mon plaisir et ce que j’aime comme caresses, c’était humiliant.
Ça parait sans doute assez logique, quand on remet ça en perspective. Mais moi j’ai nié ça longtemps.
Et puis après l’engueulade, on n’a pas tenté de coucher ensemble avant au moins 2 mois, donc finalement, le lien ne me semblait pas forcément évident, moi qui tentait de toute mes forces d’oublier cet épisode malheureux.
On est resté ensemble encore un an et demi après ça. Je m’efforçais de me persuader que notre couple fonctionnait toujours. Mais la vérité, c’est que mes sentiments s’étiolaient. Pour moi le sexe fait partie du couple – et même tout simplement de la vie.
Mais de toute façon, mon corps ne voulait plus, alors à quoi bon ?
J’ai arrêté d’espérer que notre vie sexuelle s’améliore.
J’ai arrêté de le désirer.
J’ai arrêté d’avoir envie.
Et puis j’ai arrêté de l’aimer.
Et j’irais même plus loin : j’ai commencé à lui en vouloir.
On a fini par se séparer. Oh, pas seulement pour ça. Mais je pense que, de mon côté, ça a beaucoup joué.
Quand on s’est séparé, je me suis aperçu que je n’avais plus aucune confiance en moi. Que ça faisait des mois, des années que je ne me sentais plus femme, plus désirable. Et, bien sûr, la séparation a été émaillée de nombreuses engueulades qui m’ont bien achevée, de ce point de vue-là. Il pouvait avoir des mots très durs, lorsqu’il le voulait.
Et bien sûr, j’ignorais si je serais de nouveau capable d’avoir des relations sexuelles avec quelqu’un. Je me disais que, peut-être, mon blocage serait permanent.
J’ai vécu un truc très dur.
A priori, le problème est simple : on n’a pas tous les mêmes envies, ni les mêmes rythmes.
Mais c’est pourtant difficile à appréhender lorsque aucun des deux n’arrive ni à comprendre ça, ni à en parler. Et qu’on vit ça comme une honte.
La seule question à se poser est de savoir si c’est un problème majeur dans un couple ou non. C’est-à-dire quelle place on veut accorder au sexe dans notre couple. Si on veut rester avec cette personne (quitte à chercher du sexe ailleurs, avec son consentement – ou non). Et surtout, si on est assez forte pour rester avec cette personne. Ça, c’est le plus important.
Moi je ne l’étais pas. Et je vous assure que si je retombe sur un mec sans libido, amoureuse ou pas, je fuirai.
Je n’ai que quelques conseils à ceux qui sont dans la situation là. Conseils que j’aurais aimé qu’on me donne :
- Ce n’est PAS VOTRE FAUTE.
Ce n’est la faute à personne : c’est juste une question d’envies différentes, d’affinités différentes de ce point de vue. Et ce n’est surtout pas votre faute.
- Vous n’êtes pas repoussantes, ou pas désirable. Ce n’est pas VOUS.
- N’attendez pas que ça change. C’est difficile à admettre, mais espérer un changement est illusoire. Et ça fait mal. Vous vous voyez vraiment passer des années à passer de désillusions en désillusions ?
Je l’ai fait. C’est épuisant, et désespérant. Je ne vous souhaite pas ça.
- Ne lui en voulez pas. Ça fait partie de nos différences.
Mais pour ne pas lui en vouloir, il faut vivre sereinement la situation…
Alors il faut se demander ce qu’on veut : Peut-on vivre cette relation malgré tout ? Sans frustration ? Sans rancune, sans douleurs ? Soyez honnête avec vous-même. Parce que ça n’en vaut pas forcément la peine.
Ou réfléchissez à la possibilité de vivre votre vie sexuelle avec quelqu’un d’autre que lui – s’il y consent. Ou si vous vous sentez capable de vivre une double vie.
Personnellement, je suis d’une fidélité assommante. J’étais incapable d’envisager le tromper. Mais j’aurais aimé pouvoir. Je serais peut-être moins fragile aujourd’hui.
La prochaine fois, histoire d’enfoncer le clou, je vous dirai à quel point, concrètement, cette histoire m’a transformée. Et à quel point j’ai des blessures à panser, encore aujourd’hui.
Je n'ai jamais rencontré ce cas de figure, mais mon ex n'était pas très demandeur de sexe. Donc je te comprends un peu. Sauf que moi je suis restée avec lui 21 ans, je m'y suis habituée à force et ma libido s'est peu à peu endormie. Depuis que je suis séparée, je crois que je me rattrape bien ceci dit ^^
RépondreSupprimerEn tous les cas, concernant ton ex, je pense plutôt qu'il a un problème avec le sexe s'il le trouve sale... Peut être que ça vient de son éducation. J'espère qu'il s'est fait soigner depuis, c'est tellement triste.
C'est drôle, moi aussi ma libido s'est réveillée lorsqu'on s'est séparée ! J'essaie de préparer un article qui parles des conséquences de tout ça (il n'est pas facile à écrire), et j'évoque justement cet "endormissement".
SupprimerMais 21 ans, c'est nettement plus long ! (Même si ton ex-mari semble moins asexué que ne l'était mon ex).
Je pense aussi qu'il avait un problème... Mais il ne voulait pas le voir comme ça. Je doute qu'il envisage les choses sous cet angle - après tout, il n'en souffre pas ! Peut-être qu'une de ses copines saura gérer ça avec lui un jour. Ou qu'il trouvera quelqu'un un peu comme lui.
Mais c'est vrai que c'est triste. Il n'y a rien de plus beau que de faire l'amour à quelqu'un qu'on aime.