mardi 8 mai 2018

Mes inquiétudes, Charles- Henri, ou comment ma prof de sport m'a mis un coup de pied aux fesses

Nous étions le 20 mars. 


[Le lecteur attentif remarquera que je suis toujours en retard, mais désormais seulement de 1 mois. On y croit, un jour, je serai à jour].
J'essayais depuis deux jours de gérer mon inquiétude concernant le 21 mars, c'est-à-dire le lendemain, c'est-à-dire le jour où je reverrai Charles-Henri pour la première fois depuis la rupture, dans le cadre d'une animation pour l'Association. J'y pensais assez souvent avec appréhension ("Est-ce que je suis prête ?"), et j'avais même commencé à en rêver (et dans mon rêve, je finissais pas lui balancer à la figure tout ce qui me tombait sous la main en hurlant. Hum. Bon. Mauvais signe) .
J'étais à la salle de sport, je sortais de la douche, et je me massais la peau avec de l'arnica. Je me sentais plutôt bien, mes cheveux mouillés enroulés dans une serviette, mes jambes pleines de poils parce que je n'en ai rien à foutre, et mon huile dont j'ai appris à aimer l'odeur. J'avais fait 2h de danse et de muscu, et je massais mes cuisses déjà douloureuse des 2h30 de boxe de la veille, et mon poignet à moitié foulé parce que j'avais tapé trop fort dans les paos.
Bref, un vrai moment de bien être.
La gérante de la salle est passé dans le vestiaire, et on a commencé à discuter. Elle m'a proposé de participer à une sortie resto organisé avec la salle « Si tu viens, tu nous le dis, qu'on note qu'ils te fassent un menu végétarien ! ».
C'est idiot, mais c'est des petites attentions qui me font toujours plaisir.
Et puis la question que je redoutais depuis mon retour à la salle : « Tu viendras avec ton copain ? ».
Je pensais qu'elle ne viendrait plus, cette question, et je ne m'y attendais pas.
J'ai eu un moment d'arrêt. Ce moment où je me dis « Oh. Mon copain. Oh. Non. Merde ». Ce moment où, clairement, je sens que mon visage se décompose, jusqu'à ce que mon esprit se secoue, et choisisse de faire quelque chose. Avant, mon esprit choisissais généralement de fondre en larmes. Aujourd'hui, je lance des sourires. Certes, ils sont surement tristes ou résignés, mais c'est mon arme : Mon sourire face aux malheurs.
Alors après les quelques secondes où j'ai été déstabilisé par la question que je redoutais, j'ai souris, et j'ai répondu simplement : « Non, il ne viendra pas. Il m'a largué comme une merde au téléphone il y a 3 mois. Il... Il n'est plus là. Il n'y a plus de "Copain" ».
Elle m'a regardé, ahurie : « Quoi ? ». Elle aussi, elle a eu ces quelques secondes pour intégrer l'information. Et ne pas la comprendre « Mais... Vous aviez l'air.... Il voulait venir à la salle avec toi....S'inscrire... Vous aviez....».
« Ce putain de connard [ouais, j'ai un peu glissé j'avoue] avait déjà en tête de me quitter lorsqu'on est venu. Tout ça, c'était faux. Complètement faux ».
Et puis j'ai ajouté, sans trop savoir pourquoi je racontais ça à la gérante de ma salle de sport : « Au début, il m'a dit qu'il ne savait pas pourquoi il me quittait. Mon végétarisme le dérangeait, a-t-il dit. Enfin, il n'y avait pas que ça, parait-il. Mais en vrai il n'avait pas vraiment de raisons. J'ai su après qu'en fait, il partait juste avec une autre..... »
J'inspire. « Tu sais... J'y crois plus. Je peux plus m'imaginer faire confiance à qui que ce soit. Je n'y crois plus, au "bon" ».
Des gamines du cours de boxe sont entrés, avec leur short en satin et leurs gants, et moi j'étais là, en sous-vêtements, les cheveux mouillés, ma pilosité mai 68 qui débordait, à continuer « Et ça me fait peur. Je n'aurais peut-être jamais d'enfants. Peut-être que je n'y arriverais jamais. Et j'ai le sentiment que j'ai une pression sur les épaules... »
Je la connais assez peu cette femme - on se croise, on se salue, on n'est pas amies, ni même copines. Mais elle s'est reprise pile à ce moment là, et j'ai vu la putain de femme forte qui se cache sous la facade, sous la fit-girl de 40 piges (qui en parait 10 de moins), au maquillage impeccable et aux tenues sexy :
« La pression, tu es la seule à te la mettre. Ce mec,  c'est un lâche. Il t'a largué au téléphone, et si ton végétarisme le dérangeait, c'est qu'il avait un putain de problème avec la tolérance - et excuse moi, mais pour un médecin, c'est inquiétant. Et les gens qui ne mangent pas de porc pour des raisons religieuse, ils méritent d'être seul, peut-être ? Laisse faire. Remets-toi. Tu n'as pas besoin de lui. Tu as acheté une maison, tu l'as fait toute seule, tu as des tas de choses à faire, et tu as des projets. Apprécies ta vie avec toi-même, aime vivre seule... Et un jour tu pourras laisser la place à quelqu'un d'autre. Pas parce que tu en auras besoin, mais parce que tu en auras envie. Et à ce moment là, tu auras choisi quelqu'un, tu ne te seras pas juste jeté sur le premier qui passe juste pour remplir ta vie. Parce que tu n'as pas besoin de ça. Tu aurais préféré faire un gosse avec un gros con ? C'est ce que j'ai fait, et crois moi, il vaut mieux attendre d'être avec quelqu'un de bien. Il n'y a pas d'urgence. Ma 2e fille, je l'ai eu à 35 ans. C'est comme ça. On vit la vie qui se présente à nous ».
Je l'ai regardé avec des yeux ronds. Wow la claque. C'était combatif, et juste, et tellement plein de bon sens.
Elle a continué : « Alors tu vas venir au resto avec nous, et on va passer un bon moment. Et tu vas continuer le sport, parce que clairement, c'est comme ça que tu évacues. C'est évident, toi tu es une fausse-calme : en réalité tu stress énormément, tu le caches très bien mais ça te bouffe encore plus, et le sport te permet de redescendre ».
Re-Wow.
« La vache ! Mais... T'as tout compris sur moi ! »
Elle a dissimulé un petit sourire fier « Je suis une bonne observatrice des gens ».
Elle m'a fait un clin d'œil « Allez, passe à l'accueil pour t'inscrire pour la soirée au resto ».


Je suis repartie scotchée, et heureuse. Certes, j'avais un peu rouvert les blessures en parlant de Charles-Henri, mais à vrai dire, de toute façon j'avais besoin d'en parler : j'étais en pleine appréhension du combat que je livrerais le lendemain. J'étais sur le bord du ring, à attendre d'entrer aux yeux de tous en me tenant le plus droite possible et en espérant garder la face. Mes poings, ça serait mes sourires : jette tes sourires aux malheurs, et soit forte.
Copine#1 : « Tu contrôles tout ce que tu peux contrôler : tu le reverras dans un cadre très précis, ce sera une animation avec des centaines d'autres personnes, tu as eu le temps de t'y préparer, je serais là, et si ça ne va pas, si tu n'y arrives pas, on s'en va. C'est aussi simple que ça »
Entre nous, je ne suis pas sure d'être prête. Mais est-ce que j'en serais sûre un jour ?


Je suis rentrée chez moi, j'ai regardé un film qui m'a fait pleurer, après avoir cuisiné un très bon repas, en me disant « Hum, je referais cette soupe chou-fleurs/curry aux noix de cajous et dattes à des invités, c'est vraiment une tuerie. Tiens, et si j'invitais les copines ?! ». J'ai kiffé ma maison, ma cuisine toute neuve, mes murs nus parce qu'il y a encore teeeeeellement à faire ici, mon chat sur mes genoux, mes courbatures du sport, mon sentiment de sérénité. Et je me suis dit :
"Là tout de suite, je me sens bien".
Le bonheur est dans les détails.

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