samedi 5 mai 2018

Survivre à la rupture, Acte 6 : J'ai perdu mais j'ai gagné

J'ai gardé l'habitude d'aller manger à droite et à gauche, et de voir du monde. En d'autres termes : je me suis fait de nouvelles amies.
J'ai mangé un soir chez ma collègue qui galère avec ses deux enfants et son ex qui est devenu islamo-radical. Appelons là Kira. Je l'admire énormément. Et à un moment, elle m'a dit cette phrase :
« Dans ma vie, j'ai perdu... mais j'ai gagné »


Elle parlait de sa vie, en générale : elle a perdu son mec, s'est retrouvé dans une merde noire... Mais a bénéficié de soutiens, s'est accroché, a tenu bon... Et elle a gagné de la fierté, de nouvelles amitiés, et considère qu'au final, c'est ce qui compte.

Je me suis dit que c'était certainement universel : Tu perds, mais tu gagnes. Il y a des proverbes pour ça non ? J'avais une copine chinoise qui m'avait dit quelque chose du même genre une fois, quelque chose comme « Ce que tu perds, tu le retrouve plusieurs fois (trois fois ?) par la suite ».

Et je me suis dit que c'était le moment d'être capable de voir les choses avec plus de recul. Alors, qu'est ce que j'ai perdu ? Qu'est ce que j'ai gagné ?

J'ai perdu mes illusions,j'ai perdu ma confiance en l'Autre, j'ai perdu un homme que j'aimais. J'ai perdu un mois à le pleurer, à pleurer un mensonge. J'ai perdu un homme qui, si je devais être honnête, n'était pas sexuellement inoubliable, et qui m'a souvent laissé frustrée. J'ai perdu un homme qui n'avait clairement pas de respect pour moi. J'ai perdu un homme qui ne mérite pas mes larmes.
J'ai perdu ma confiance en moi. J'ai perdu espoir. J'ai perdu l'envie d'essayer d'être deux.

J'ai gagné de nouvelles amitiés. J'ai gagné la consolidation de mes amitiés déjà présentes - tous ceux qui ont été là pour moi, à n'importe quelle heure. J'ai gagné une nouvelle impulsion, une hyperactivité comme si je devais soudain rattraper un mois d'inactivité. Je me suis donné de nouveaux objectifs, j'ai fait de nouvelles expériences. J'ai commencé à faire de la Pole Dance et de la Boxe Thaï, et j'ai pris un pied phénoménal. Et puis malgré moi, j'ai regardé la personne que j'étais en décembre, et j'ai réalisé qu'elle était loin. Cette détresse est loin. Mon histoire a pris les teintes du passé. Regarder les souvenirs de Charles-Henri ne provoque plus rien en moi - à part le dégoût de son comportement. Je ne suis plus celle que j'étais. Je déborde d'énergie - je n'arrive même pas à me rappeler comment j'ai pu être si faible et épuisée que manger ou m'habiller était si difficile. Je peux aujourd'hui dire assez sincèrement « Oh oui, moi ça va ».

Certes, il me reste l'épreuve "revoir Charles-Henri à l'Asso". 
Une autre de mes collègues, colloc' de bureau, m'a dit « Mais comment tu vas faire à l'Asso ? Ça va être compliqué non ? Mais tu vas pas lâcher hein ? Tu vas pas le laisser te prendre ça aussi ?! Le laisse pas te prendre ça !!! »
Parfois je me sens prête à gérer de le revoir. (Mais que ce soit clair - et il est prévenu : Qu'il ne s'approche pas de moi, qu'il ne me parle pas, qu'il ne me regarde pas) Parfois je doute « Et si je ne suis pas prête ? Si ça ne va pas ? Si ça ne va pas DU TOUT ? ». J'ai esquivé les réunions pour ne pas m'infliger trop tôt un trop petit comité. Je préfère commencer avec une animation - plus de monde, plus de choses à faire, et si ça ne va pas, je peux m'isoler quelques minutes. Et puis j'ai encore un peu le temps avant la prochaine animation. Qui sait celle que je serai à ce moment là ?

Kira m'a aussi dit « Tu sais, tu en chies là actuellement - comme moi j'ai pu en chier. Mais je me dis que tout ça, tout ce qu'on fait malgré tout, ce n'est pas perdu : on sème du bonheur pour plus tard. On sème, et on finira par récolter. J'en suis persuadée ».

Qu'on récolte ou pas, j'aime cette idée de semailles. Et je veux être cette personne : une personne qui sème du bonheur, qui sème de la gentillesse, envers et contre tout.

Semons tous un peu de bonheur autour de nous !
Prisonnier au berceau / Christian Bobin

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