samedi 4 janvier 2020

La semaine d'anniversaire d'Isaac

Avec sa façon de répéter qu'il vivait avec moi sa crise de la quarantaine, je me disais qu'il me quitterait avant son anniversaire - lorsqu'il aurait achevé cette crise illusoire.

Mais finalement la date s'est approché, et tout allait toujours bien entre nous. 

Lundi, nous avons été passer une demi journée dans des thermes.
Journée parfaite, que l'on a commencé par un restaurant très sympathique, avant d'aller barboter dans l'eau chaude. Pas de chance, mes règles avaient commencées la veille, et j'étais de nouveau dans un jour apocalyptique, où je devais me changer toutes les heures. 
Isaac est hyper à l'aise avec ça, et j'adore pouvoir parler de ça librement avec lui. Il m'avait sous-entendu être même très à l'aise sexuellement, mais là c'est moi qui suis plus frileuse... Mais au moins je ne me prend pas la tête.
Nous commençons par une douche, je regarde son corps, son ventre que j'adore embrasser, ses bras, son torse. Je le regarde du coin de l’œil, un peu intimidé. Il sourit. C'est facile de s'imaginer être un couple. 
D'ailleurs c'est surement ce que les gens pensent de nous.
On fait un peu le tour du bâtiment, et puis on va dans un jacuzzi extérieur. Il y a de jolis bambous autour de nous, c'est calme, on reste assez longtemps dans l'eau, on parle. On évoque les vacances, les voyages. Il a une routine de vacances avec Victoria que je trouve intéressante - petit pincement au cœur : j'aurais voulu, je crois, vivre ce genre de choses moi aussi. Je me console en me disant que j'ai fait de beaux voyages avec Copine#1. Et puis je n'ai qu'à réfléchir à un voyage à faire en 2020, et partir seule.

J'aime de plus en plus parler avec lui. Je m'aperçois même que j'éprouve, pendant les conversations, un léger vertige : le temps passe vite, trop vite, je ressens l'angoisse de la fin de la journée, la fin de la conversation, et je veux juste continuer à parler avec lui.

Nous faisons un sauna, je regarde son visage commencer à luire, et des gouttes de sueurs dévaler son ventre. Ça m'émoustille.

Des jets, puis un tour de hammam, il faut surveiller l'heure car nous avons des soins à 17h20. On va faire un petit tour dans un espace de rafraîchissements, et on parle. On parle de mon blog - j'en ai évoqué l'existence il y a quelques semaines, un peu sur un coup de tête (et surtout parce que j'avais un coup dans le nez). 
Il me demande :
- Comment le vivrais-tu, si tu étais à ma place ?
- Ça me rendrait dingue. Ce serait pour moi la possibilité de littéralement lire dans ta tête, et je ferai tout pour pouvoir y accéder.
- Tu comprends mon point de vue alors ?
- Totalement. Mais je ne suis pas sûre quand même...
- Sûre de quoi ?
- Que ce soit une bonne idée de te laisser accéder à ça. Pour des tas de raisons. Et notamment le fait que tu serais sans doute tenté de lire mes autres histoires. Je crains que ça puisse te faire du mal.
- Pourquoi ? La seule chose qui m'intéresse, c'est de savoir ce que tu penses de nous.  Ce serait accéder à la psyché féminine, mon rêve absolu !   
- Est-ce que je ne m'exprime pas assez, au sujet de nous ? Qu'est-ce qui t'empêche de juste me poser la question ? Tu as peur que je ne sois pas honnête ?
- Tu as répondu à beaucoup de mes questions à ce sujet, et avec beaucoup de simplicité et de sincérité. Mais la différence, c'est que là tu t'exprimes en "je", et je deviens "il". Alors que lorsqu'on parle, c'est "je" et "tu". Ça fait toute la différence.
J'y réfléchis, et je l'admets.
J'y réfléchirai les jours suivants, et j'en arriverai à la conclusion que je pense que je finirai par lui donnerais cet accès.

Nous retournons dans un jacuzzi extérieur, la nuit commence à tomber, Isaac commence à rire. Je lui demande pourquoi.
- Parce que c'est super agréable.
Isaac rit lorsqu'il est content. 
Son rapport au rire est fascinant.
On reparle un peu de la situation. Presque brusquement - mais sans aucune méchanceté - il s'ouvre sur le choix qu'il lui semble devoir faire entre deux femmes. Le risque de perdre les deux. Le risque de choisir l'une plutôt que l'autre. Et puis peut-être quitter Victoria pour une simple passade passionnelle.
J'entends tout à fait ses craintes. Elles sont légitimes. On ne peut jamais savoir de quoi demain sera fait.
Je me sens responsable de tout ce bazar.
- Tu n'as pas à l'être. C'est moi qui fait mes propres choix.
Oui mais les signaux que j'ai envoyé, et ma présence, et le fait que je m'attache à lui, et que je reviens, et...
- Je ne dis pas que je suis coupable... Mais j'ai une part de responsabilité tout de même !
- Responsabilité, mes couilles !
- Eh bien tes couilles si tu veux, mais il n'empêche !

Le temps file, et on doit aller se faire masser, chacun de notre côté. 1h15 de détente et de papouillage dans des odeurs divines.
... En string en papier.
... Malheureusement, toute cette chaleur et cette détente m'a aussi détendu de l’utérus, et à la fin du massage, mon mini slip en papier est trempé de sang.
Et lorsque je le retire... une gerbe de sang sur le carrelage blanc immaculé.
Je panique, je fais du vent avec mes bras en chuchotant "merde merde merde merde", avant d'essuyer tant bien que mal la flaque par terre avec mon mini -vraiment tout petit - slip. Et d'enfiler vite fait mon maillot de bain par dessus, en espérant trouver très rapidement des toilettes.

Je le retrouve en sortant, il est beau et détendu.
Nous reprenons le chemin des vestiaires, et rentrons tranquillement. 
Le soir j'ai un dîner de noël avec mes copines, et il traîne volontairement juste pour les croiser - il connait déjà Copine#1, il est curieux de voir Copine#2 et Copine#3 qui sont si importantes dans ma vie.
De son côté, il les trouvera "Mimi, et avec des visages d'une grande bonté et gentillesse". De leur côté, elles diront qu'il a l'air gentil et qu'il est chou. 
Copine#3, spécialiste en zoomorphisme dès qu'elle croise une nouvelle personne, s'exclame : "C'est un lémurien !".
On s'accorde à dire que ce n'est pas mal trouvé.

Le lendemain, je lui avais un peu cavalièrement emprunté ses clefs. Le plan, c'était de cacher ses cadeaux d'anniversaire partout dans son appartement, sous forme de chasse aux trésors. Je voulais faire ça très discrètement, un matin pendant qu'il prenait sa douche, mais le calendrier n'était pas de mon côté. J'ai fini par lui demander frontalement ses clefs, et j'ai donc préparé ma chasse comme telle :
Un premier message caché dans sa housse d'oreiller, l'invitant à commencer sa recherche en cherchant en dessous, au ras du sol.
Sous le lit, il trouvait un message l'informant que c'était bien essayé, mais qu'il ne fallait pas chercher en dessous du lit. Quelques dessins rouges reprenaient le motif de sa housse de canapé-lit.
Sous le canapé, il devait trouver un livre, avec un mot l'invitant à retrouver des siamois qui regardaient la vue.
Sur le balcon, il trouvait deux cadeaux, avec un mot coupé en deux qui, assemblé, lui indiquaient de chercher dans un lieu qu'il n'ouvrait jamais.
Dans son micro-onde, il trouvait un cadeau et un autre message, l'invitant à trouver les derniers dans une collection dont il était particulièrement fier [son tiroir à sous-vêtements, puisqu'une fois il s'est mis devant, et m'a dit « Non mais tu as vu cette formidable collection de slibards ?! J'adore ! C'est génial ! »].
J'ai passé 45 min à tout installer, sans parler du temps passé à réfléchir à l'organisation de tout ça. 
Le soir, il m'appelait :
- Merci pour ces deux bouteilles !
- Ces deux b... Attends... Attends... Racontes moi tout !
- Eh bien j'ai trouvé les mots dans l'oreiller et sous le lit, puis les deux cadeaux cachés dans mes slibards !
- Ah mais non ! Non ! Ça ne va pas du tout !! Tu as fait le début et la fin ! Tu as tout loupé !
- Oh ! Je suis décevant !
- Mais oui ! Terriblement ! Raccroche tout de suite ! Et remets toi sérieusement à tout ça ! Et ne me rappelle pas tant que tu n'as pas fini !! ...... Enfin, sans vouloir te commander, hein.
1h30 plus tard, il me rappelait, hilare. Il n'avait pas mis tout ce temps à trouver, heureusement (je commençais pour ma part à me dire que j'avais été trop dur, et qu'il faudrait que je l'appelle pour lui dire que non, même s'il ne trouve pas, il peut me rappeler).

On discute au téléphone, il me parle des articles qu'il a écrit et qu'il m'a envoyé pour que je les lise.
- Mais le deuxième, c'est toi qui l'a écrit ? Je ne reconnais pas ton style
- Si si, c'est de moi aussi.
- Ah oui ? Ça ne te ressemble pas, c'est trop détendu du slip...
- Non mais dit donc ! Qu'est ce que tu connais à mon style ?! Tu me parleras de mon style quand tu auras lu mon bouquin !
- Mais mon amour, j'ai déjà ton bouquin, et je suis en train de le lire !
- .... Quoi ?! Tu as acheté *titre de son livre* ?!
- Evidemment. Ecrit par *son pseudo* - pseudo qui n'a d'ailleurs pas été facile à trouver !
- Non ?!
- Mais si ! Tiens, d'ailleurs, je peux te dire que j'en suis à la page 53. Et je peux te lire le chapitre où j'en suis.
Et tranquillement, je lui lis un passage de son livre.
- Ben ça alors... ça m'en bouche un coin...
- Eh oui. Donc tu vois, ton style, j'ai commencé à le capter !
- Mais je ne l'ai jamais vu chez toi, tu l'as planqué ?!
- Evidemment ! Il est caché avec mon vibromasseur.
Je l'entends s'étouffer alors qu'il prenait une bouffée de cigarette.
- Oh putain !

Le lendemain, ce devait être officiellement son anniversaire. Après avoir voulu réserver dans le resto étoilé de la ville, puis non, puis vouloir du simple, puis non, il a fini par me dire : « Je voudrais que tu me fasses la surprise. Fais ce que tu as envie, ce que tu penses qui me fera plaisir ».
Ce qui m'a plongé dans un profond désarroi.
Je ne le connais pas assez pour savoir comment lui faire plaisir !
J'ai longuement cherché, envisageant de multiples scénarios, avant d'opter pour une réservation dans un resto très chic, et prendre le dessert à la maison. Je devais aller chercher le dessert avant d'aller chez lui en sortant du boulot, mais il fallait aussi que je me prépare. 
Et puis le matin même, vers 8h, Sharon m'appelle :
- Je suis enceinte de 5 mois, j'ai eu des contractions toute la nuit, je vais à l'hôpital, je sais que tu as encore un double de la clef de chez nous, tu peux aller t’occuper de mes chats ?! 
J'ai répondu très calmement : 
- Bien sûr, ne te prends pas la tête, n'y pense même pas, je m'occupe de tout.
Ensuite j'ai raccroché, et je me suis mise à faire du vent avec mes bras en paniquant, et en me demandant comment je pouvais travailler de 9h à 18h45, aller m'occuper des chats de Sharon, aller chercher les pâtisseries pour Isaac (avant 19h), prendre une douche et mettre une jolie robe pour aller chercher Isaac chez lui (au plus tard à 19h15) et être au resto à 19h30. 
Finalement, j'ai été bosser, puis j'ai filé chez Sharon à midi pendant ma pause pour m'occuper des chats, avant de faire un crochet par la pâtisserie avant de repartir au boulot (et arriver 15 min en retard), puis me changer dans les toilettes à 18h45, faire l'impasse sur une douche parce que je n'avais pas le temps de rentrer, et décoller à 19h, pour être à 19h10 en bas de l'immeuble d'Isaac. L'appeler :
- Coucou. Ça va comme tu veux ?
- Très bien ! Et toi donc ?!
- Parfait. Qu'est-ce que tu portes ?
- Une chemise et...
- Parfait, tu es magnifique ! Prends ton manteau, tes affaires, et descends. Je t'emmène.
- D'accord !
- Oh, et n'oublie pas ta carte bancaire, j'ai le regret de t'annoncer que c'est toi qui va payer.

Il fait nuit, je ne connais pas la route, je mets le gps, Isaac répète : « Je ne comprends rien à ce qui se passe », et je répond invariablement « C'est très bien ! C'est très très bien ! ».
Il fume, il sourit béatement. A intervalle régulier, je laisse échapper des petits gloussements. Ça nous fait rire.
Le restaurant, conseillé par Copine#1 et Copine#3, est ultra chic. Le serveur est le portrait craché d'Hector, c'en est même dérangeant - mais je décide de ne pas lui faire payer. Il me dit :
- J'adôôôôôre votre manteau !
Je le remercie, me mordant la lèvre pour ne pas dire "Et moi j'adore votre tee-shirt 3 tailles en dessous".
On s'installe, Isaac dit « On prendra du champagne à l'apéritif ! », et le serveur repart, heureux.
On choisit - enfin, Isaac choisi, et moi le cuisinier me fera un plat végétarien qui n'est pas à la carte. D'ailleurs le cuisinier vient nous serrer la main, toque sur la tête; et me dit, plein d'emphase, ce qu'il va me cuisiner. 
J'acquiesce, ravie.

Lorsque l'entrée arrive, j'avise, angoissée, la tripotée de couverts autour de mon assiette. Je sais qu'il y a une règle, pour savoir par lesquels commencer. Est-ce que c'est ceux qui sont le plus à l'extérieur, ou le plus à l'intérieur ?! J'ai un doute.
La mère d'Isaac l'appelle, il hésite, je l'encourage : "C'est ton anniversaire, décroche !". Elle parle beaucoup, il fait des petits "hum hum". Puis il dit "Je suis occupée, je fais quelque chose ce soir". 
Un silence. 
Et : "Quelque chose, c'est tout".
Le serveur dépose quelque chose sur la table, Isaac murmure "merci beaucoup". Et puis "Mais non,ce n'était pas à toi que je le disais !". Le serveur et moi pouffons de rire.

Le repas se passera bien, les bulles me seront montées à la tête. Les serveurs reviendront souvent, et beaucoup pour ne rien dire. Ils nous mettent mal à l'aise plus qu'autre chose, et lorsque l'un des serveurs vient nous raconter pendant plusieurs minutes comment il cuit les haricots verts chez lui, Isaac me chuchotera : « Tu vois pourquoi je pense que si ce resto voulait être étoilé, il faudrait revoir le service ?! »
Oui, je comprends !
Nous sommes les seuls clients du soir, et la salle est uniquement à nous. Lorsqu'on va chercher nos manteaux au vestiaire, Isaac m'embrasse dans le cou, et me dit que j'ai une très jolie robe, qui met ma taille en valeur, et que lorsqu'il regarde mes courbes, il croit en une entité supérieur.
Lorsqu'on rentre, je prépare mes petites tartelettes, et j'y mets des bougies, que j'ai apporté pour l'occasion.
Il me dit que tout est parfait. 
Qu'il est très touché. 
Qu'entre ça et la chasse aux trésors, je me suis donné du mal.
Moi finalement, je me suis amusé à tout imaginer, tout organiser.
Je lui dit ensuite que je pensais lui proposer un massage - mais que vu qu'on a été se faire masser il y a deux jours, peut-être n'en a-t-il pas envie. 
Il assure que si.
Je le fait donc déshabiller, et me juche sur ses fesses. J'ai oublié mon huile de massage, mais j'ai toujours de l'huile de jojoba sur moi, et ça fera très bien l'affaire.
Je l'enduis d'huile, et masse son dos. Je me rappelle à quel point j'ai aimé massé certains hommes - le-mec-de-la-salle-de-sport, Miguel - juste pour le plaisir de les avoir sous les doigts, de me gorger de leur physique. Le corps d'Isaac est fin, sa peau est pâle - je suis pâle moi aussi, mais ma peau semble presque jaune (jaune !), à côté de la sienne -, je le regarde s'alanguir sous mes mains. A un moment, je l'entends ronfler doucement, et souris en moi même.
Je masse ses cuisses, ses jambes, ses pieds - petit plaisir coupable et fétichiste, que j'attendais depuis longtemps. Je remonte sur ses fesses, son dos, sa nuque à nouveau. Je masse ses bras, ses mains, son crane. J'hésite à lui demander de se retourner, mais comme je l'ai entendu s'endormir, je préfère le laisser somnoler tranquillement.
Toutefois j'ai à peine fini qu'il se retourne et m'attrape par la taille. 
- J'attendais le moment où ça deviendrait coquin, mais tu es resté sage !
- Oh ben oui, je suis très professionnelle ! 
On rit, et puis on s'embrasse, et bien sûr, nous faisons l'amour.
Il est tard, nous sommes bien, détendu, enivré.

Bref : Nous avons fêté ses quarante ans comme il se doit.
Et aucune apocalypse n'a eu lieu. 

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