lundi 22 juin 2020

Pulsions de mort... pulsion de vie ?


Après l'Apocalypse, il me fallait m'interroger sur tout ce qui avait pu provoquer cet épuisement nerveux, cet effondrement psychologique. 
Si j'ai pu identifier certaines choses, j'ai aussi décidé de m'attaquer à l'interrogation de mes pulsions morbides.


Pulsions entêtantes, que j'ai vécu avec terreur et découragement : j'ai vaincu l'obsession (et le besoin) de la scarification, dois-je désormais monter la barre plus haut, et lutter contre des envies obsessionnelles de mettre fin à mes jours ?
Question pour le moins angoissante.
Qui en amène une autre : Combien de temps à lutter avant de craquer ?

J'en ai discuté avec Morgueil, des larmes dans la voix.
Il m'a raconté l'histoire de son meilleur ami, qui se dit régulièrement qu'il pourrait se foutre en l'air.
Ça m'a laissé sans voix, tant ce n'était pas l'image que j'avais de lui, homme solaire rencontré une fois, et dont le compte instagram tire plutôt sur le golden boy que sur le sombre dépressif.
Morgueil continue : la question n'est pas de savoir s'il le fera ou pas, s'il est sérieux ou non. La question, c'est qu'il a le choix. C'est que ce plan B, cette possibilité, existe. Pas forcément qu'elle est sérieusement envisageable - juste qu'elle est.
Et qu'à certains moments, c'est rassurant de se dire qu'il reste la possibilité de tout arrêter si tout s'aggrave. 

Ça permet de tenir un jour de plus. 

Puis un jour de plus. 

Puis un jour de plus.

Cette conversation m'a beaucoup marqué.
Ai-je envie de mourir ?
J'ai en réalité une peur terrible de la mort.
Je me souviens, enfant, de nuits blanches entières à regarder en face la finitude de la vie, et en concevoir une innommable terreur. Je n'ai jamais pu admettre qu'il faille se battre à vivre, à arracher des victoires, à apprendre des choses, s'améliorer, chercher le bonheur... Pour finalement tout perdre à la fin. Ça me parait absurde. Injuste.

Est-ce qu'avoir envie de mourir, ce n'est pas déjà la preuve qu'on est en vie ? Qu'on se sent en vie ? Parfois de façon insoutenable - mais en vie, furieusement en vie ?
C'est aussi avoir le choix - ce choix crucial - en main.
C'est avoir le contrôle de son existence - et de sa fin.

Je repense aussi à cette conversation que j'avais eu avec ma cousine, qui m'avait dit : 

Après, c'est tellement compliqué de gérer avec les anciennes blessures et tout ce qu'on a vécu par dessus... j'essaie au maximum de me détacher de tout ce que j'ai pu être ou ressentir, comme une façon de mourir à soi-même pour envisager l'avenir avec un regain de fraîcheur et sans tout le fatras de pensées négatives qui conditionne notre point de vue et notre rapport aux autres, je trouve ça vraiment très libérateur (et enrichissant) ; mais bon, c'est un travail quotidien. 

"Mourir à soi-même pour renaître à l'avenir avec un regain de fraîcheur, sans le négatif".

Et si en réalité, celle que je veux tuer, c'est l'Autre ? Celle qui s'accroche au passé, celle qui sombre, celle qui tombe ?

Je me demande également à quel point être femme confronte en permanence à l'acte de mort. Nous vivons, à chaque cycle, des montées et des descentes hormonales. Pour ma part, je ressens mes ovulations, je sais quand je vais avoir mes règles quelques jours à l'avance, je sais ce qui se passe dans mon corps et je ne suis pas la même selon la période du cycle. Je peux être exaltée, je peux être profondément déprimée. Je sais que mon corps prépare chaque mois la possibilité d'un acte de vie - et le sang qui coule hors de moi en est l'acte de mort. A quelle point une femme est-elle plus étroitement lié à la mort (mais aussi à la vie) qu'un homme ? A quelle point est-ce que je ressens cela dans mon corps ? A quel point est-ce que ça peut m'influencer ?

En parlant de sang (… transition), j'ai lu dernièrement cette petite novella extraordinaire : Les meurtres de Molly Southbourne de Tade Thompson.


Pour les anecdotes, cette novella rafle gentiment des prix un peu partout où elle passe, aura une suite, et sera très prochainement adaptée en série TV

La novella, sous ses premiers abords horrifiques, possède plusieurs niveaux de lectures, tirant également sur la philosophie, la littératures, mais aussi la recherche sur le soi social et psychologique. (Faut-il préciser ici que l'auteur est psychanalyste ?) En d'autres termes, c'est particulièrement brillant, et cette histoire me reste en tête depuis que je l'ai lu. Je n'ai qu'une envie, c'est rencontrer son auteur (et lui dire que je l'aime). 

J'ai relevé de nombreuses citations géniales, qui m'ont beaucoup chamboulée - et surtout celle-ci, qui m'a tenu éveillée quasi toute une nuit :
"A chaque échec, à chaque insulte, à chaque blessure de la psyché, nous sommes recrées. Ce nouveau soi, nous devons le combattre chaque jour, ou affronter l'extinction de l'esprit. [...] Mais l'extinction est-elle si terrible ? Chaque erreur, une fois examinée, peut conduire à un changement positif, à un esprit plus fort. Ce n'est qu'en soumettant l'orgueil qu'on peut élever l'esprit".          

Ça m'a renvoyé à ce que disait ma cousine : "mourir à soi-même". 
Finalement un acte quotidien : nous ne sommes pas la même personne qu'hier, nous ne serons pas la même que demain. Nous mourons continuellement à nous même. Certes, nous appelons ça évolution, expérience, apprentissage,... Mais nous pouvons aussi considérer que c'est la mort de nos anciennes personnalités - pour laisser la place aux nouvelles, pour le meilleur ou pour le pire.

Alors, les pulsions de mort... Est-ce que ça ne serait pas plutôt de furieuses pulsions de vie ?!
Et dans ce cas, est-ce que je veux mettre fin à mon existence lorsque les épreuves sont trop dures, et la vie trop lourde à porter... Ou est ce que je souhaite seulement voir mourir mes faiblesses, mes défauts, et la personne qui ne parvient pas à surmonter les difficultés ? 
Est ce que, comme pour mes émotions, ces pulsions ne seraient pas un message de mon esprit, qui me hurle d'évoluer ?!

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