jeudi 6 février 2020

L'aveu


Isaac et moi passions une bonne semaine.
Une très bonne semaine, même.

Et puis mon article Des retrouvailles compliquées est paru.
Je l'avais écrit sans filtre - comme tous mes articles, en somme.
C'est le deal de ce blog - même si entre temps, j'avais découvert que j'avais un Passager clandestin. Je n'ai rien voulu changer. Car sinon, si je commence, je m'auto-censure, et ça n'a plus aucun sens.


J'ai retrouvé Isaac le soir. Il n'était pas dans son état habituel : un pli se creusait entre ses sourcils, et c'est au moment où je m'apprêtais à demander ce qui le chiffonnait, qu'il m'a dit :
- Y'a un truc qui va pas.
- Ah mais oui, je vois bien, tu es tout chafouin. Tu as le sourcil qui fronce. Tu veux m'en parler ?
Il inspire, il se lance :
- Il y a que mon Percussionniste me chie sur la gueule derrière mon dos.
« Aaaaahaaah, me dis-je. C'est donc ça »
(Et, accessoirement, « C'est tout ce qu'il retient de l'article ? »)
Il me dit donc qu'il a appris qu'il (le Percussionniste) aurait dit des trucs, et notamment qu'il ne sait pas manager un groupe. Et là, vraiment, il va devoir faire quelque chose, parce qu'il ne peut pas laisser passer ça.
« Alerte ! Danger ! » me dis-je encore. Ah non ! La "réalité" ne doit pas être changé par mon blog, ce n'est pas le but !
Je tente de désamorcer le truc, mais clairement, Isaac est remonté comme un coucou suisse.
D'ailleurs à mon corps défendant, je dois avouer que toute cette fougue est plutôt excitante.  Sa colère contenue (et qui n'est pas dirigée contre moi) est vraiment sexy.
Mais je dois rester concentrée ! 
Il veut donc le confronter, le virer, l'insulter, bref, il est furax, et moi je me dis que je dois faire un truc, et que je n'aurais pas dû écrire ça, mais non, c'est pas ça le deal, le deal c'est que le blog de Mademoiselle B. est mon espace de liberté, où j'écris ce que je veux sans auto-censure, oui mais là ça fout la merde, et.... Lorsqu'il commence à dire qu'il va dissoudre le groupe pour régler le problème sans confronter l'autre, je pète un peu les plombs, et lance :
- Bon et puis de toute façon, comment tu sais ça, hein ?? Et ton délire de vouloir le confronter, tu vas pas foutre du monde dans la merde, avec ça ?!
Ça le calme direct.
- Toute la question est là. Tu as raison.
- Bon, eh bien voilà, tu as ta réponse.
- ... Je suis dans une situation ultra merdique, en fait.
- Oui bon, bah, c'est pas la première fois.

J'ignore s'il avait prévu de m'avouer quoi que ce soit ce soir là, mais ce qui est certain, c'est que si je ne le savais pas déjà, j'aurais eu franchement des gros, très gros doutes quant au fait qu'il me lise.
Notamment quand il a insisté « Quand je te dis que je rentre le dimanche soir pour te voir, ce n'est vraiment pas un mensonge ». 
A un moment, je me suis dit « Bon, je lui dis que je sais, ou on fait quoi ? »
Je crois qu'une part de moi se dit « Ah mince, ça arrive maintenant ? Et on va se dire les choses comme ça ?! ».
Je suis presque déçue.

Il m'a dit :
- Tu veux que je sois honnête à quel point avec toi ?
- A 100%, tu sais bien. Mais dis-moi uniquement ce que tu veux réellement me confier.
- Tu sais déjà en fait.
- Ah bon ? 
- Ok, je vais te dire un truc. Ça va te faire chier, et un peu plaisir, mais surtout, ça ne va pas te plaire. Mais peut-être un peu quand même.
- J'adore ton introduction.
- Je t'ai menti sur une seule chose. Une seule.
- Et c'est .... ?
- ... A ton avis, je vais dire quoi ?
- Non, je ne jouerai pas à ça ! 
Il mettra des plombes à tourner autour du pot, et vers 23h, je regarderai la pendule en me disant « Eh ben, ce n'est pas encore ce soir qu'on va se coucher tôt ! »
- Bon, ok, je me lance : Depuis novembre, je lis ton blog.
- Novembre ? Ok, j'avais la date du 1er décembre. Tu parviens à me surprendre quand même.
- C'est novembre, j'en suis sûr. 23 Novembre.
Je hoche la tête, soudain effrayée par cet aveu. J'attends la suite. J'espère que mon visage n'exprime rien. 
Intérieurement, je panique un peu.
- J'ai commencé à te lire et... En fait je suis devenu accro. J'adore. J'adore ce que tu fais. J'attends la suite avec impatience.
Je tombe des nues.
Je ne dis rien.
Là encore, j'espère paraître impassible.
Accro ?! Ça me fait incroyablement plaisir.
- Et puis quand je prend l'ensemble - ce que tu dis, ce que tu es, ce que tu m'écris, tes messages, et ton blog... Ya une vraie cohérence. C'est vraiment toi. C'est sincère.
J'essaie de l'être. Alors ça aussi, ça me fait super plaisir.
- Je suis tellement accro... Qu'une fois j'ai oublié une page allumé toute la journée au boulot. Et du coup ton blog est ressorti comme le site le plus consulté du service, sur le rapport mensuel. La bourde ! En plus je suis le directeur, merde...
Je suis prise d'un fou rire.
- Moi qui pensais que tu étais trop sérieux pour te rendre sur mon blog au travail... !
- Tu sais, je pense... Je crois... J'en suis sûr en fait.... ce blog a contribué à faire de notre histoire ce qu'elle est. Pour moi, en tout cas... Mes sentiments sont, en partie, liés au blog. Il a beaucoup fait pour notre histoire.
Je suis sidérée.
Et, je crois, très flattée.
Ce blog, c'est moi - sans filtres, sans fards. Alors c'est une superbe déclaration, il me semble.
- Si je n'ai rien dit, c'était par peur que tu arrêtes. Je ne veux pas arrêter de te lire. Je ne veux pas que tu arrêtes d'écrire. Surtout pas.

- Alors ça pose des problèmes : je dois rester un lecteur, et rester à distance. Mais ça encore, c'est finalement facile. J'y arrive. Ce que tu ressens t’appartient, et je n'ai rien à dire. Si tu me faisais des procès d’intention, ça me rendrait fou. Mais ce n'est pas le cas. Tu parles juste de toi. Je n'ai pas d'avis à donner là dessus.
Je hoche la tête. 
Fair enough.
- Et il y a le problème de la temporalité. J'ai rapidement compris qu'il y a un décalage temporel important (même si tu rattrapes doucement ton retard), et pendant un temps je voulais te rassurer en partant de ce que je lisais. Sauf que l'instant T n'est pas celui de tes articles. Et j'en ai fait les frais.
- Tu dois t'engager...
- Je sais.
- Laisse moi finir. Tu dois t'engager à respecter cet espace, qui est mon espace de liberté. Tu dois me promettre - vraiment m'en faire la promesse - de n'en parler à personne. Pas même Copine#1. Personne de mon entourage. Cet espace est un espace de liberté parce qu'il est anonyme et secret. S'il venait à être dévoilé, je devrais tout fermer et arrêter. Et ça me rendrait vraiment triste.
- Mais je n'ai aucune envie que tu arrêtes ! Et en plus, on est dans un équilibre de la terreur, en fait.
- Un équilibre de la terreur ? Tu es en train de me dire que tu fais la Russie, et je suis les Etats-Unis ?
- Exactement.
Je visualise Trump.
Gosh.
- J'ai certes la possibilité de dévoiler ton blog. Mais de dévoiler quoi ? Des détails - beaucoup, beaucoup de détails - sur mon intimité. Que je n'ai aucune envie que qui que ce soit apprenne.
Je n'avais pas vu les choses comme ça. Et ma foi, c'est tout à fait vrai.
- Moi ce que je te demande, c'est que tu continues à préserver mon anonymat, que je ne puisse pas être identifié. Et le reste... Continue.
- C'est de toute façon le deal. Rompre ton anonymat, c'est rompre le mien. Hors de question.

Il me parle de mes articles. Ça semble le rendre heureux. Je m'aperçois que moi aussi. Et que ça me soulage d'un poids terrible.
- Je n'ai pas trop aimé les articles Charles-Henri. Bon, il y a toute l'histoire du mec-de-la-sale-de-sport, ça avait l'air d'être l’amant du siècle, je peux pas souffrir la comparaison. J'ai beaucoup aimé l'article sur la soirée libertine - finalement un article plutôt marrant. J'ai adoré les sexdate - ça c'est subversif ! Ça c'est féministe ! J'adore ! ... Mais c'est un peu triste au final, non ?
- C'est du cul pour du cul. Oui, c'est triste. Oui, on se sent encore plus seule après. C'est pour ça que j'ai arrêté sans même finir mon abonnement. Mais la prochaine fois que je serai seule, je le referai sans doute, pour ne pas vivre sans aucune sexualité.

- J'ai pensé faire un contre-blog ! Un blog qui répondrait à Mademoiselle B. ! Qui donnerait ma version des faits.
Je ris.
A vrai dire, je trouve l'idée très fun, et ça pourrait être un exercice très intéressant pour nous deux.
Il m'annoncera d'ailleurs quelques jours plus tard avoir fait les démarches, et créé sa page. 
« Maintenant, c'est à toi de me trouver » dit-il.
Mes seuls indices, sont 
- qu'il envisageait un titre comme "L’œil d'Isaac" ou "Le regard d'Isaac"
- que c'était officiellement en réponse à Mademoiselle B. 
- Et il avait dit, mais j'ignore s'il a gardé cette idée, qu'il pourrait appeler son blog "Appelez moi monsieur". 
- Et la plateforme n'est pas Blogger
.... Je n'ai pas encore trouvé.

- Et du coup, le Percussionniste... Ce qu'il a dit, c'était pour que ça te parvienne aux oreilles. Pour me discréditer à tes yeux. Et il a envie de te sauter, clairement.
Je fais une moue dubitative.
- Quoiqu'il en soit, tu ne peux pas utiliser des choses que tu n'es pas censé savoir contre lui.
- Et c'est pareil, Copine #1, je ne pourrais plus la regarder en face, après ce qu'elle a dit à mon sujet. Elle a abondé dans son sens !
- Non, déjà non, ce n'est pas vrai, et en plus tu ne peux pas prendre en compte mes écrits dans ta relation aux gens qui m'entourent. C'est hors contrat.

- J'attends les articles suivants avec impatience. J'adore comment tu relates les événements. Et tes scènes de sexe sont très évocatrices, très belle. Ce que tu dis sur moi est magnifique - mais il n'y a pas que ça, d'ailleurs ! Je ne m'arrêtes pas à moi.
Je n'arrive qu'à hocher la tête, et murmurer "Ok". 
Je suis finalement très émue de la tournure de tout ça.

Plus tard, nous nous coucherons, l'un contre l'autre, nous caressant tendrement. Lorsqu'il enlèvera son pantalon, je réaliserai qu'il sait que j'adore le voir faire ça. Je prendrais soudain la mesure de tout ce qu'il sait - il sait tout, en fait. 
Ça me donne le vertige.
Je n'ai pas encore pris la mesure de tout ce que ça signifie.
Nous ferons l'amour passionnément. Lorsqu'il jouira, il se mettra à hoqueter. Je l'observerai, surprise, inquiète : est qu'il est en train de rire, ou de pleurer ? Je doute pendant de longues secondes, l'observant avec de grands yeux. 
- Est-ce que tu ris, ou est-ce que tu pleures ?
- Je ris. 
- ...
- Je suis bien.

6 commentaires:

  1. Je dois dire qu'il est quand même fort, au point de te faire oublier le fait qu'il aie menti, en te couvrant de compliments sur ton écriture, tes récits, toussa.
    Alors même que c'est un truc que tu détestes au plus haut point, tu le répètes assez souvent.

    Que finalement, le truc principal qu'il retient de ton blog, c'est le cul. Alors, certes, ça représente une bonne partie, m'enfin y'a pas que ça.

    Je constate aussi que, il a (enfin) avoué lire ton blog parce qu'il doit justifier ce qu'il sait sur l'autre mec, tout ça parce qu'il est jaloux, il a peur pour son petit "privilège", parce qu'il pense que l'autre voudrait bien "te sauter". En fait, il a toujours pas compris qu'il avait des choses plus importantes à régler qui le concernent lui-même avant de se mêler de ta vie. C'est quand même grave.
    Moi, j'ai du mal à comprendre comment tu peux en sortir "émue" mais bon, le pouvoir des mots, faut croire. ��

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  2. Moi, ce qui me fait "plaisir", c'est que du coup il aura lu les messages que tu ne lui a pas envoyé en décembre...

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  3. J'ai le même avis que Tabi. Mais c'est tellement facile d'être étonnée alors que je fais moi-même des choses que je trouve aberrantes, avec le recul (dont je suis parfaitment démunie la plupart du temps).

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  4. Tu devrais conserver ton jardin secret. Là il sait tout ce que tu ressens et peut donc anticiper tes réactions... en somme tu lui donnes un pouvoir sur toi en quelque sorte. Penses à le rendre privé ton blog ;).

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  5. Team Tabi également.
    Trop facile de te complimenter, trop facile de flatter.
    Après c'est comme ça, je cautionne pas à la base ce qu'il fait à sa nana et à toi. A jouer et à avoir absolument tous les avantages sans se soucier des retombées.
    J'ai du mal avec cette tournure, je suis mal à l'aise en fait.

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  6. C'est un salopard qui s'en sort avec les honneurs. Magnifique. C'est un salaud qui écoute aux portes, ment, trahit, tergiverse, manipule. Fât et auto-satisfait, se gargarisant de ses exploits via sa prose aussi narcissique que masturbatoire. Se regardant dans le miroir qu'est ton blog pour n'en retenir que ce qui le concerne lui : un amant extraordinaire. Mais comment ? On me critique ? Crime de lèse-majesté ! Paon ridicule qui n'a qu'à complimenter sa proie pour qu'elle oublie qu'il n'a retenu que ce qui le flatte ou l'irrite mais en aucun cas la souffrance, les doutes et la peine qu'il inflige.
    Il faut bien peu d'estime de soi et un intense besoin de consolation pour vivre une telle histoire. Peut-on tout accepter pour ne pas vivre seul(e)?
    Personnellement je lui aurais dit d'aller se mettre son violon où je pense.

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